Les explications et les spéculations sur les possibles conséquences d'un rapprochement entre le chef de file de l'opposition et l'ancien putschiste Moussa Dadis Camara continuent de plus belle.
Si l'alliance annoncée avec fracas par Cellou Dalein Diallo tarde à se réaliser sous la forme d'un document dûment signé entre l'UFDG et le parti FPDD, la perspective d'une telle union, en dépit de la sérénité qu'affiche le président Alpha Condé face à ce que d'aucuns qualifient de "mariage du lapin et de la carpe", est tout sauf un non-événement.
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Cela est d'abord perçu par le principal parti d'opposition comme une bouée de sauvetage. A un moment où ce dernier éprouvait un pressant besoin d'échapper à un isolement, suite aux propos du président de l'UFR (l'autre poids lourd de l'opposition) martelant qu'il ne soutiendra pas Cellou Dalein si celui-ci se retrouvait face au candidat du RPG/AEC au second tour de la prochaine présidentielle.
Ensuite, quoi qu'on puisse dire sur le poids électoral réel ou supposé de l'ancien chef du CNDD, cela va sans dire que si le pouvoir se met à dos Dadis Camara et les siens il risque du coup de s'aliéner des voix en Guinée forestière, ou tout au moins dans la préfecture de N'Zérékoré et environs.
Mais une question taraude les esprits. Comment après avoir soutenu sans équivoque Alpha Condé et son parti en 2010 et lors des législatives de 2013, l'enfant de Koulé a-t-il pu tourner casaque sans crier gare ?
Surtout, pourquoi à Sékhoutouréya on n'a pas vu venir le coup de jarnac ? Plusieurs raisons ont été avancées pour justifier la volte-face de Dadis Camara : problèmes d'ordre pécuniaire (il se plaignait de ne pas percevoir son salaire et ne pas bénéficier des avantages dus en tant qu'ancien chef de l'Etat…), probable comparution dans l'affaire du massacre du 28 septembre 2009 (bien avant son engagement en politique la démarche des juges guinéens allait dans ce sens …), et la plus improbable, l'expression d'une vision ou d'un idéal politiques révélés sur le tard.
Quoi qu'il en soit, Alpha Condé a été pris au dépourvu parce qu'il a cru, un peu naïvement, aux assurances de certains proches de l'exilé de Ouaga.
Comme l'actuel secrétaire général du ministère chargé des Guinéens de l'étranger, Séverin Kourouma, dont la présence à ses côtés, après avoir fait la pluie et le beau temps à l'époque de la gestion calamiteuse de la junte, ressemblerait à un deal : Séverin et Cie assurant au chef de l'Etat que tant qu'ils seront logés dans les arcanes de la haute administration, leur mentor et "parent" restera tranquille ; avant de faire la navette entre Conakry et Ouaga pour dire à l'ex capitaine de l'armée guinéenne qu'il n'a pas de soucis à se faire tant qu'ils seront dans les grâces de Sékhoutouréya.
Maintenant que la situation sent le roussis, quelle sera la réaction du président Alpha Condé et de Moussa Dadis Camara, en définitive les deux dindons de la farce ? Puisque Séverin et les autres ont soit menti au chef de l'Etat en faisant croire qu'il tenait "en laisse" le fougueux officier ; soit qu'ils ont fait pire : inciter ce dernier à brandir la menace d'une alliance avec l'UFDG pour faire monter les enchères et garantir – ou améliorer – leur positionnement au sein du système en place.
Comme pour donner raison au général de Gaulle quand il dit qu'"il n' y a que les arrivistes pour arriver".
Mais si certains proches de Dadis (ou qui se présentent comme tels pour en tirer des avantages) ont toujours les dents longues, ils auraient tort de penser que le président Alpha Condé, lui, a la mémoire courte.
Laye Damba