L’accord Sino-Guineen et ses Non-dits…

kassory
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Évaluation de l'article

kassoryA première vue, l’obtention d’un prêt de 20 milliards USD par la Guinée a été une excellente nouvelle. D’autant plus que ce prêt est accordé à un pays dont le revenu est extrêmement faible comparativement aux autres pays de même stature dans la région ouest Africaine, en Amérique Latine ou dans l’Asie du Sud. Pour l’année 2016, le PIB de la Guinée était estimé à 6,299 milliards USD1, ce qui en fait, indique que ce prêt au minimum, est trois fois supérieur à notre PIB…

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En faisant abstractions de toutes autres considérations, cette possibilité d’obtention de fonds pourrait constituer un levier pour l’amorcement rapide d’une émergence durable. Cette possibilitépourrait offrirà la guinée la capacité de planifier et d’exécuter d’ambitieux projets ciblés en fonctions des avantages économiquesprésents dans chaque région du pays.

Une Guinée qui peine depuis près de 60 ans à fournir les services de bases à sa population compte tenu, en premier lieu d’une faible gouvernance et en second d’une maigre capacité de mobilisation de fonds ne peut être qu’extasiée devant l’aubaine d’obtenir des fonds trois fois supérieursà son revenu annuel. Les avantages que pourraient offrir ce prêt sont immenses, suivant l’échelonnage de décaissements du prêt qui est supposé couvrir vingt2 ans à la cadence d’un milliard l’année, il pourrait contribuer à hauteur d’au moins 15.87 pourcent3 du PIB chaque année durant cette période. Ce qui est une contribution cruciale pour un pays, comme la Guinée, qui cherche à sortir du sous-développement.

Au regard des déclarations faites dans les medias par les protagonistes de ce prêt, plusieurs zones d’ombres a caractères juridiques, économiques et environnementaux apparaissent. Dans le cas d’espèce, les non-dits pèsent plus que les informations qui ont été fourni jusqu’ici autour de cette transaction, s’il faut l’appeler ainsi. Tantôt, il est décrit avec de fortes caractéristiques d’un troc tantôt il est défendu comme un prêt dont l’intérêt sera remboursé en utilisant les royalties glanées çà et là sur les revenus des exploitations minières accordées aux entreprises chinoises. D’une part, on met plus d’emphase sur le contrôle exercée en amont par les chinois avant les décaissements des fonds, mais d’autre part, le flou est entretenu autour du contrôle concomitant et en aval sur les exploitations qu’effectueront les entreprises chinoises en Guinée. Cet aspect à lui seul attribue un relent léonin au prêt, ceci est-il fait à dessein ?

Le flou juridique autour du prêt restreint la possibilité pour la Guinée de maintenir une emprise effective et légale sur ses ressources et tirer plein profit de celles-ci. Bien que les définitions du prêt peuvent varier en fonction du régime juridique, dans le monde anglo-saxon, le prêt est généralement assimilé a une dette fournie par une entité — organisation ou personne physique — à une autre entité — qui peut aussi être une personne physique ou moral– à un taux d’intérêt et attestée par des documents légaux qui précisent entre autres le principal, le taux d’intérêt, et les échéanciers. Lorsqu’un prêt est accordé à une entité à faible solvabilité, il requiert, dans certaines mesures, l’affectation degaranties dont la propriété n’est pastransférée au préteur de l’emprunteur pour toute la durée du prêt. Ces garanties peuvent êtreliquidées, sous certaines conditions, à l’effet de rembourser la dette si l’emprunteur manque d’honorer ses obligations contractuelles.

Dans le cas-ci, il apparait que les ressources minières sont données en garantie pour l’obtention des 20 milliards USD. Mais, le fait pour les entreprises chinoises d’exploiter ces ressources durant la période du prêt et pour la Guinée d’utiliser les royalties tirées des revenus sur ses exploitations pour rembourser les intérêts du prêt met la Guinée dans une position de faiblesse. Non seulement elle est tenu de rembourser cette dette, mais en plus ses ressources sont exploitéespar le préteur durant la période de dette pour rembourser les intérêts de cette dette, quid du principal ?En plus, les zones spécifiquesaffectéesà l’exploitation, la teneur en minerai dans ces zones, la cadence d’exploitation et les garanties en matière d’utilisation de main d’œuvre dans ces zones n’ont pas été définies, ou du moins n’ont pas fait l’objet de communication officielle. Cela sera-t-il fait ultérieurement ?

Il faudrait d’avantages que la Guinée revoie ou clarifie les termes de cet accord pour faire en sorte qu’elle ne soit pieds et poings liés par des obligations contractuelles qui ne sont pas en sa faveur ou du moins tenu par des termes qui ne sont pas raisonnables pour une prudente personne. Le troc/marchandage en pareil cas serait plus indiquée, qu’un prêt, puisque dans ce cas la Guinée donnerait une partie de ses ressources en contrepartie des fonds chinois qui ne seront pas remboursables. La présente transaction telle que décrite par les officiels guinéens a besoin de plus de clarifications, du moins en ce qui concerne les spécificités de ce que la Guinée donne en échange du prêt. Les 20 milliards USD sont excellents, mais que donnons-nous en échange? Combien de tonnes ? De quoi ? Durant combien d’années ? Voici des points que le gouvernement Guinéen devrait s’évertuer à clarifier.

L’aspect économique de l’accordprête aussi à confusion, on parle dans un premier temps de construction d’infrastructures de transport et d’institutions de formation. Quid d’un transfert de technologies, de savoir-faire et d’autres structures dont la Guinée a énormément besoin. La construction d’infrastructures qui facilitent le transport est une bonne chose en soit parce qu’on ne peut amorcer l’émergence si nous n’avons pas les moyens de nous déplacer ou d’acheminer les fruits de notre labeur vers les centres d’échanges appropriés. On gagne d’avantage si nous avons des cadres bien formés et à même de dupliquer sur leur sol les meilleures méthodes apprises/acquises à travers l’apprentissage au sein des institutions des pays en avance sur la Guinée, dans le cas-ci, la Chine.

Les contraintes économiques auront exigées que la Guinée entre dans un accord de transfert de technologies et de compétences en plus de la construction des infrastructures économiques que de simplement obtenir des fonds qui seront utilisés pour ériger des éléphants blancs surfacturés dont on n’a pas l’expertise de refaire ou d’entretenir. Les retombéeséconomiques que la Guinée peut tirer d’un tel accord doivent aller au-delà du montant en question. Ceci devait, en fait, constituer un tremplin pour le lancement d’une véritable politique d’émergence autours des avantages inhérents à chaque région du pays. Ceci dans un souci d’équité afin d’éviter qu’une région spécifique ne se trouve en marge de la marche du pays vers des lendemains meilleurs. Dans le cas-ci, le chemin à parcourir pour atteindre ce stade semble alambiqué.

Ces mêmes contraintes économiques auraient aussi voulue que les exploitants, au lieu d’acheminer le minerai à l’état brut vers les ports guinéens pour transferts dans les industries chinoises, opèrent une certaine transformation industrielle des ressources sur place avant leur exportation. Ce qui contribuerait exponentiellement à l’augmentation des emplois mais aussi à l’émergence d’une nouvelle classe de main d’œuvre qualifiée capable de transférer leur connaissance à d’autres Guinéens et d’assurer l’éclosion d’une vraie industrie métallurgique. Ainsi en lieu et place d’opérateurs d’engins roulants et de manœuvres journaliers, on aura des ingénieurs et autres cadre assimilés qui pourront assurer la relève ou/et conduire notre industrie afin que l’émergence dont on parle tant soit effective.

L’aspect environnemental de cet accord a été le plus occulté, parce qu’aucune communication officielle n’existe dans ce sens. Et pourtant c’est l’aspect qui risque d’avoir un impact immédiat sur les populations locales et l’écosystème des zones qui seront exploitées. Existe-t-il une politique environnementale définie et répondant aux normes internationales ? Si oui laquelle ? Quelles sont les éléments de garanties qui exigeront des entreprises chinoises une protection et indemnisation des populations riveraines ? A court terme,c’est-à-diredès l’entame des exploitations, le paysage dans les zones exploitées sera affecté a jamais, qu’est-il prévu pour pallier aux effets néfastes de cette exploitation dans le moyen et long terme ?

Sous une administration compétitive et intègre, même avec un faible revenu, la richesse peut être générée ou du moins les conditions de prospérité peuvent être crées pour permettre aux agents économiques de contribuer de façon significative au développement. La question, en fait, ne serait pas d’amasser ou d’obtenir des fonds ici et maintenant mais de gouverner d’une manière qui permet l’éclosion d’une industrie performante et de différents secteur d’activités dynamiques qui contribueraient directement au développement. Les pouvoirs publics on pour vocation de créer un environnement propice à la conduite des affaires mais pas d’avoir le monopole de la conduite des affaires.

Ceci à travers la création d’un cadre juridique sain, d’une gouvernance intègre et équitable, d’une protection sans distinction des biens et personnes, d’une administration orthodoxe des ressources de la nation et d’une culture/promotion des pratiques qui mettent l’intérêt de la nation au-dessus du particulier. L’Etat ne doit pas avoir vocation — exception faite des monarchies du golfe persique (i.e. Koweit, UAE, Qatar…) compte tenue de l’énormité des revenus publics — de financer le développement mais de faciliter le processus et d’entreprendre des travaux4 qui pourront permettre aux agents économiques de déclencher l’ascension de vers l’émergence.


Guilao, Adam

1. Donnéesfournis par la banque mondiale, disponibles en ligne sur cettePage

2. selon les communications du gouvernement Guinéen disponible sur Accord Sino-Guinéen

3. En considérant que le PIB reste statique à 6,299 milliards durant la période. Ce qui du reste est emmené à fluctuer au cours des ans.

4. Les exemplesà citer ici peuvent être le New Deal de Roosevelt aux USA ou encore les travaux de grande envergure entrepris par la Chine durantles 3 dernières décennies.

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