Après avoir soutenu le secteur depuis 2006, l’État a décidé de réserver ses aides aux seuls établissements publics. Une rupture qui bouleverse les filières.
Pour pallier le manque de places dans les universités publiques, l’État guinéen invitait, depuis 2006, des bacheliers à s’inscrire dans des établissements privés. De quoi assurer une belle manne à ces institutions mais aussi engendrer d’importantes dépenses pour l’État, dont 16 % du budget est alloué à l’éducation. De 2008 à 2017, 1 450 milliards de francs guinéens (GNF, soit 130 millions d’euros) auraient ainsi servi, selon les autorités, à payer les bourses des étudiants inscrits dans le privé. Soit plus que la subvention accordée aux universités publiques.
En 2017, 258 milliards GNF (33 % du budget de l’Enseignement supérieur) allaient au privé contre 211 milliards GNF (27 %) au public. Mais depuis la rentrée 2017-2018, le contexte a changé. Pour assainir les finances, l’État a décidé de ne plus orienter d’étudiants dans le privé, préférant investir dans la rénovation et l’extension des universités publiques.
Des étudiants issus des milieux favorisés
L’arrêt des orientations dans le privé inquiète tout particulièrement les responsables de ces institutions. « De nombreux promoteurs avaient ouvert ces écoles après l’octroi des bourses », rappelle Ousmane Kaba, président de la Chambre représentative de l’enseignement supérieur privé (Cresup) et fondateur, en 1999, de l’université Kofi-Annan de Guinée, la première faculté privée du pays.
Jugeant la rupture « brutale », Mamadou Aliou Souaré, vice-recteur chargé des études à l’université Nongo-Conakry (UNC), créée en 2006, assure pourtant garder le cap malgré la mesure. L’UNC accueillait déjà des étudiants qui payaient leur scolarité, dont ceux qui n’étaient pas orientés dans les filières ou les universités de leur choix. Elle continue de séduire les étudiants issus des milieux les plus favorisés : 1 200 jeunes se sont inscrits cette année à leurs frais.
Mon université a existé avant les bourses, elle vivra après elles
Et pour renforcer son attractivité, l’université a consenti d’importants investissements, avec à la clé des « programmes fiables, des ressources humaines de qualité et des équipements de laboratoire de dernière génération en informatique, télécommunication et génie électronique ». L’UNC a en outre tissé des partenariats avec des établissements marocains ou sénégalais, comme l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, qui envoient leurs enseignants y donner des cours.
« Mon université a existé avant les bourses, elle vivra après elles. Depuis l’ouverture, nous avons des nouveaux inscrits guinéens et étrangers » se félicite Ousmane Kaba. Se prévalant de la reconnaissance, depuis 2017, de sa faculté de médecine par le Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (Cames), l’université Kofi-Annan mise aussi sur ses équipements pour continuer à attirer des étudiants. En plus d’une bibliothèque bien équipée, elle construit actuellement un laboratoire.
Des tarifs plus compétitifs
Pour tirer son épingle du jeu dans ce nouveau contexte, l’université met également en avant des tarifs plus compétitifs. À l’exception du cursus de médecine, qui coûte 1 500 dollars par an, les frais d’études oscillent entre 300 et 500 dollars par étudiant. « Ce qui est bien moins cher que certains lycées de Dakar ou de Bamako » souligne Ousmane Kaba. C’est à ces conditions que les principaux établissements survivront.
« Dans trois ans, il ne restera que très peu d’universités privées en Guinée, d’autant plus que, depuis 2011, leur situation financière n’a cessé de se détériorer, insiste le président de la Cresup. L’État a cumulé énormément d’arriérés. »
Chasse aux étudiants fantômes
L’État guinéen a procédé au recensement biométrique des étudiants et enseignants pour assainir son fichier. Sur un total de 110 000 étudiants, environ 30 000 seraient fictifs, selon une source proche du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Depuis 2015, l’orientation des étudiants dans le supérieur se fait en ligne via la plateforme Gupol.
Avec JA
Sale temps, période de vaches maigres pour les fondateurs indélicats et autres cadres véreux de l’enseignement supérieur experts en surfacturation et malversations similaires.La vache laitière semble sevrée …