A quelques 3 Mois des élections Présidentielles, la Guinée forestière, notamment sa capitale Nzérékoré est sécouée par des crises intercommunautaires que les opposants au regime d'Alpha Condé n'hésitent pas à attribuer au gouvernement. Dans un entretien accordé à notre confrère Africaguinee, le leader de l’Union pour le Progrès de la Guinée Jean Marie Doré est catégorique: " le Gouvernement n’a rien à voir dans ça". Il en profité pour retracer l’histoire de cette région qui est en proie à une bataille politique sur fonds de division communautaire…Lisez!
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« Ce sont des mouvements de surface qui n’affectent pas la volonté des forestiers de s’unir dans le cadre de l’unité nationale guinéenne. Mais comme dans toute famille, il arrive des moments où il y a des incompréhensions. C’est le cas actuellement à N’Nzérékoré. Les gens ont beau faire d’attribuer ça au Gouvernement, j’affirme catégoriquement que le Gouvernement n’a rien à voir dans ça. C’est la faiblesse de certains individus en forêt notamment à Nzérékoré qui amène à poser des actes et entraîne des réactions et qui donne l’impression que les forestiers ne s’entendent pas, qu’ils sont en train d’en découdre et qu’en dessous le Gouvernement tire les ficelles. C’est peut-être vrai que le Gouvernement ça arrangerait ses affaires de faire place nette à ces volontés. Mais en l’occurrence l’affaire ne dépend pas du Gouvernement. Il y a des gens qui ambitionnent certains postes notamment dans la gestion des municipalités et qui, au lieu de passer par les moyens intelligents, des moyens politiques efficaces, suscitent la création des mouvements au nom de leur ethnie. Ça, c’est un mal intolérable. Ils n’ont pas le droit de faire ça.
Si vous prenez le cas de Yomou, Nzérékoré, Lola, depuis 1912 quand on a fait la division territoriale de la Guinée, les actuelles préfectures de Yomou et Lola étaient dans la même mouvance administrative que Nzérékoré. Et en dépit des différences des coutumes, des langues notamment entre Kpélè et Mano, on ne distinguait plus qui était Kpélè, qui était Mano. Les gens vivaient normalement. Et ça pouvait servir de support. C’est à cela que nous travaillons pour intégrer aussi les autres préfectures telles que Macenta, Gueckedou, Kissidougou en dépit du fait que certaines préfectures sont beaucoup assimilatrices. A Kissidougou, vous avez des Lélé, des Kouranko, des Malinké et maintenant, il y un groupe de Peuls assez important qui opèrent là-bas. Tous ceux qui ont implanté des unités économiques qui ont fait des élevages, qui ont bâti des maisons veulent se sentir Kissi ou Toma. C’est leur droit. La constitution donne le droit à tout guinéen d’habiter n’importe quel coin du territoire national s’il en fait une juste et légale possession. Cela n’empêche pas que le pays soit bâti sur des unités ethniques, humaines qui revendiquent la propriété du sol.
Si on est guinéen, on veut l’unité nationale, on commence l’unité quelque part. Or, l’unité se réalisait déjà au temps colonial par la vie en commun des habitants de la région qu’on appelle improprement Yomou (c’est le pays entre deux rivages). C’est ce pays qui continue depuis, entre le sud de Beyla jusqu’à Kakaté au Libéria. Le Mana, qui est le pays des Mano est le nom de Manassé, un grand guerrier Sarakolé qui, après la défaite de Soumaoro Kanté sont descendus avec sa famille, armes et bagages vers la Bandama. Ils ont été bloqués par le Mont Tonkoui. Ils se sont installés puis ils ont prospéré, ils se sont déportés vers le sud pour conquérir d’autres territoires. Le peuplement de la forêt pour ne citer que ces deux cas s’est fait successivement en fonction des migrations orientées du Nord vers le Sud. Les grands empires du sahel ne se sont constitués que par l’évincement graduel au résultat des populations vaincus.
Aujourd’hui, qu’est-ce qu’il faut à la forêt pour être forte pour exprimer avec fierté ses acquis ? C’est de faire son unité. Vous savez qu’en basse Guinée, l’élément Sousou qui a fini à cause de sa langue qui est facile à parler et qui a servi de vecteur pour le commerce dans cette zone, a intégré des grandes ethnies comme les Baga, comme les Temné, comme les Thiâpi qui ont disparu. Aujourd’hui on ne sait pas si ce sont eux qui sont à Koundara. Il n’y a pas de preuve historique. Donc ça s’est réalisé en basse-Guinée avec les mêmes données qui sont actuellement en forêt. Mais la difficulté de la forêt, c’est qu’aucune langue n’a réussi à s’imposer par son utilité, soit dans l’éducation, soit dans le commerce, soit dans les autres activités économiques.
Le Foutah, il y a plus d’ethnies qu’en Basse Guinée et en forêt (…). Tous ceux qui adhéraient à l’islam recevaient l’enseignement en Poular. La langue est devenue le moyen de contact avec l’autre dans la paix. La seule région qui a la chance inouïe de par l’histoire d’être homogène, c’est la haute-Guinée. Si vous prenez le Malinké, le Konianké, le Bambara, le Sarakolé, même le Sonrai, ils se sentent tous de la même souche. Dans le Macina, tout le monde s’exprime en Bambara alors que le Macina c’était l’empire Peul. Mais l’usage du Bambara dont le succédané est le Malinké est une langue facile qui a servi de véhicule qui a même crée une ethnie qu’on appelle Djoula (commerçant)…
Je condamne sévèrement la persistance de ceux qui ont pris l’initiative qui a fait tache d’huile. Il n’y avait aucune raison que les Mano et les Guerzé puissent se trouver en état de conflit. A mon avis c’est un problème qu’on va résoudre avec le temps. Ce n’est pas un problème si important. On va le résoudre. Mais dans des situations comme ça, il y a toujours en bas, des manipulateurs qui ne sont pas ceux que l’on désigne du doigt. Parce que naturellement, la politique s’y mêlant, dès que ça ne va pas on dit : « ah le Gouvernement est en train de manipuler ». Mais ici, non ! Ce sont les éléments autochtones qui créent des problèmes entre eux alors que la situation était acquise pour servir de base solide à l’unification de cette région. Unifier ne veut pas dire qu’après l’unité personne ne parlera plus Mano ou Guerzé ou Toma ou Kono. En France, il y a les gens du nord avec leur caractère et les gens du sud qui sont très typés, mais ils se reconnaissent tous français. Quand nous parlons de l’unité nationale, ça ne veut pas dire que quand demain elle sera acquise, il sera interdit de parler Malinké, Poular, Forestier ou Soussou. Non ! Nous serons des guinéens réagissant d’un seul mouvement aux évènements heureux ou malheureux, mais tout en étant moi Mano, vous Peul, lui Guerzé, l’autre Malinké etc.
Nous avons fait nos enquêtes, les élections communales arrivent, c’est des gens qui veulent coûte que coûte diriger la commune de Nzérékoré qui croient qu’en se repliant sur l’ethnie, ils vont devenir les édile-Koro-loum (magistrat municipal d’une grande ville détenteur du pouvoir exécutif) de demain. Ce n’est pas bien. Je ne condamnerai jamais assez les initiateurs des évènements de Nzérékoré. Mais je crois qu’il faut se dire la vérité. Si le Gouvernement trouve un terreau facile, il investit. Tout Gouvernement ferait ça. Les gens créent une situation dont l’exploitation facilite le travail du Gouvernement. Pour terminer, il n’y a pas un problème naturellement opposant Guerzé et Mano. Ce n’est pas vrai ».
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