GBK Au lendemain de l’obtention du PPTE, le gouvernement a péché par excès deux fois. Il a d’abord occulté que le crédit du PPTE devrait être partagé avec le régime de Lansana Conté qui a œuvré pour atteindre près de 80% de déclencheurs définis au point de décision ; ensuite il a fait croire que la manne du PPTE allait transformer radicalement le standing de vie du Guinéen. Aujourd’hui, les Guinéens ont eu suffisamment de recul pour faire un jugement sur ces effets d’annonce.
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Avec un gouvernement qui s’inscrit dans la logique d’une campagne électorale sans fin au profit du parti au pouvoir, toute action doit rapporter de l’eau au moulin politique au chef de l’État. Le forum « Guinea is Back » organisé avec l’apport financier des bailleurs de fonds à Abu Dhabi aurait pu être une occasion de se départir des effets d’annonce et des promesses sans lendemain. Ceci est nécessaire pour rassurer les investisseurs sur les dispositions prises par le pouvoir au lendemain des élections législatives pour ramener la paix, la stabilité et la sécurité dans le pays afin d’encourager ceux qui hésitent à investir. Au contraire, avant même que la nouvelle Assemblée nationale ne soit assise, et pendant que manifestants et forces de l’ordre s’engagent dans une autre Antifada qui fera son lot de malheurs et de morts, le gouvernement occulte toute réalité et organise son show comme si tout était normal dans le pays. Le gratin du lobby présidentiel, dont Tony Blair (qui a été consultant de Mubadala et qui sert aujourd’hui de crieur public pour Alpha Condé), l’Open Society Institute de Georges Soros, les intérêts miniers sud-africains (Africa Raibow Minerals), et bien sûr Rio Tinto et Mubadala ont fait le déplacement pour promouvoir leurs intérêts.
Comme cerise sur le gâteau, Mubadala et le gouvernement guinéen nous ont gratifiés de promesses roses qui donnaient l’impression que le rythme de développement économique et de flux des investissements directs étrangers allaient s’accélérer du jour au lendemain et changer le quotidien du Guinéen. Cela pourrait être vrai si Mubadala commençait le mois prochain les travaux de construction et recrute des dizaines de milliers de jeunes dans ces chantiers, comme ça se fait partout dans le monde suite à la signature de conventions d’investissement. Mais nous craignons que cette annonce ne soit une ruse politique court-termiste qui est devenue la marque déposée du modus operandi du régime d’Alpha Condé. Nous vous livrons notre analyse ci-dessous.
Guinée, terre bénie par la bauxite, mais maudite par ses régimes politiques
Le potentiel bauxitique de la Guinée est estimé à plus de 40 milliards de tonnes à la teneur de 40% d’alumine, soit plus des 2/3 des réserves mondiales de bauxite. Les principales régions bauxitiques sont la Basse-Guinée, la Moyenne-Guinée et la Haute-Guinée. La région forestière est bénie par le fer. C’est le fait que toutes ces ressources se sont donné rendez-vous dans un petit pays qui a valu à la Guinée l’épithète de « scandale géologique ».
Alors que le pays peine à faire sa grande rentrée dans la production du fer, il a gagné des titres de noblesse comme un producteur important de bauxite. Mais par son incapacité à suivre l’exemple de pays producteurs de bauxite pourtant sous-développés (Jamaïque, le Suriname, Guyane, Indonésie), la Guinée s’est contentée d’exporter la bauxite brute à faible valeur ajoutée. Elle est devenue le plus grand exportateur du monde, alors que tous les pays producteurs transforment leur bauxite en produit intermédiaire (alumine) ou final (aluminium) avant de l’exporter.
Vers la fin du régime de Lansana Conté, plusieurs mégaprojets de bauxite, dont le projet de Mubadala que le régime d’Alpha Condé vient de reprendre à son compte, étaient en voie de négociation avec des investisseurs de grand renom. La filière bauxitique couvrait l’ouest et le centre du pays et bénéficiait de l’engouement de géants miniers tels que BHP-Billiton (Australie), Rio Tinto-Alcan (Canada), Alcoa (Etats-Unis), Rusal (Russie), IMIDRO (Iran), Vale (Brésil) avec des plans d’investissement de l’ordre de 13 milliards de dollars dans l’horizon de 2010 à 2014. D’autres sociétés continuent à explorer des gites de bauxite, ce sont notamment Alliance Mining Commodities Ltd. (Australie), Anglo Aluminum Corp. (Canada), Alecto Minerals plc et Alufer Mining Ltd. (Royaume Uni). La réalisation des projets de bauxite prévus aurait permis à la Guinée de multiplier par plus de 20 sa production actuelle d’alumine, et passer de la situation d’exportateur de bauxite à celui d’utilisateur de bauxite pour produire l’alumine dont la valeur ajoutée est sept fois à 10 fois plus grande.
Les projets en chantier sous le régime Conté concernaient plusieurs raffineries d’alumine, notamment le projet qui vient de faire l’objet d’une convention avec Mubadala (c’est la raffinerie d’alumine qui était en construction par Global Alumina Corporation et BHP-Billiton pour une capacité de 3.2 million de tonnes de capacité), une seconde raffinerie par Alcoa et Rio Tinto-Alcan à Kamsar (1,2 million de tonnes de capacité), une troisième raffinerie liée avec le gisement de Dian-Dian par Rusal (2,4 million de tonnes de capacité), une cinquième raffinerie par IMIDRO sur les bauxites de Dabola-Tougué. Plus tard, sous le régime Condé, une sixième raffinerie est venue s’ajouter par les bons soins de Mme Djenè Kaba : c’est la raffinerie de China Power Investment à Boffa (4,2 millions de tonnes d’alumine). A ces raffineries, s’ajoute la reprise de (capacité de 0,7 million de tonnes) et son expansion jusqu’à 1,4 million de tonnes.
Les emplois directs attendus de ces projets sont substantiels durant la phase de construction (50 à 70,000 emplois directs) et se stabilisent à environ 20,000 durant la phase d’exploitation. Les effets d’entrainement pourraient tripler ces chiffres, avec une grande part pour les jeunes dans les zones pauvres. Des PME/PMI guinéennes pourraient se développer autour des projets et former un pôle de croissance qui comporte des réseaux de fourniture locale d’une partie des biens et services nécessaires au fonctionnement des opérations minières. A leur tour, les axes de transport routier et ferroviaire liant les projets miniers aux points d’expédition (ports) ou de traitement pourraient servir de base pour l’établissement de corridors de développement de l’agriculture, l’élevage, les produits forestiers, et le commerce. L’instabilité politique chronique du pays n’a pas permis à ces mégaprojets de voir le jour.
Comment Alpha Condé a réchauffé un projet qui se prépare depuis plus de 20 ans pour le présenter comme un nouveau deal au crédit de son gouvernement ?
La signature du contrat d’investissement avec Mubadala cette semaine, malgré le bruit assourdissant que le régime Condé en a fait n’est en réalité qu’un plat réchauffé qui en dit long sur le penchant du gouvernement pour le subterfuge à des fins propagandistes. Le gouvernement aurait eu plus de crédibilité en pavoisant le projet de China Power Investment qu’il a initié en août 2011 avec un protocole d’accord pour la construction d’une mine de bauxite d’une capacité de 12 millions de tonnes, une aluminerie de 4 millions de tonnes, un port à Bel-Air, pour un investissement total de 5,8 milliards de dollars soit plus que ce que Mubadala propose (la réalisation de cet investissement devrait commencer en 2012). Idem pour le deal de Dian-Dian annoncé avec fanfare, mais pas suivi d’effet encore.
Le projet qui est tombé dans l’escarcelle de Mubadala est une œuvre du régime de Lansana Conté, plus particulièrement le président de l’Assemblée Nationale, Aboubacar Somparé, qui fut an ardent promoteur du projet pour le bénéfice de sa région natale de Boké. Il se prépare depuis plus de 20 ans et a beaucoup changé de mains et de structure. C’est en 1999 par d’anciens cadres de l’industrie de l’aluminium dont les Américains Bruce Wrobel et Brian Kubeck, le Franco-libanais Karim Karjian et d’autres qui se targuaient d’avoir cumulativement plus de 200 ans d’expérience combinée dans l’industrie minière. La même année, Bruce Wrobel et Karim Karjian constituaient la société appelée GAPCO (Guinea Aluminum Products Corporation) avec l’objectif de monter un projet d’alumine en Guinée. Ils se lancent alors dans la levée de fonds pour ce projet dont les besoins qui dépassaient de loin leurs moyens. En 2002, ils postulent pour une subvention du gouvernement américain de l’ordre de 507,000 dollars pour faire les études de préfaisabilité. En 2004, ils inscrivent GAPCO à la bourse de Toronto dans la catégorie de sociétés à « haut-risque ». La même année, ils recrutent Tony McCabe, un ancien cadre de BHP-Billiton pour diriger les activités de préparation du projet. Avec l’aide d’IBK Capital, une banque d’investissement à Toronto, ils mobilisent les fonds initiaux pour lancer le projet d’alumine. Ils préconisaient alors de construire une usine d’alumine de 2,6 millions de tonnes et en faire l’une des alumineries les plus performantes du monde.
Mais GAPCO n’avait pas les moyens de ses ambitions. Le projet coûtait la rondelette somme de 2 milliards de dollars, ce qui n’était pas du menu fretin dans un pays considéré très risqué. GAPCO se défendait devant les partenaires et investisseurs potentiels en faisant remarquer que la Guinée était très stable, puisqu’elle n’avait connu que deux présidents depuis plus de 45 ans d’indépendance. Le 15 octobre 2004, profitant du fait que Conté soit de plus en plus isolé par la communauté internationale, rejeté par son peuple et rongé par une maladie chronique, GAPCO signe une convention de base qui lui donne des avantages fiscaux énormes. Il a fallu les dénonciations des Guinéens patriotes, dont votre infatigable quotidien Guinéenews©, pour que l’Assemblée nationale se saisisse de l’affaire et exige un avenant à la convention qui rééquilibre les obligations de GAPCO envers l’Etat. Le 17 Mai 2005, GAPCO revient en Guinée pour signer une convention amendée qui préserve un peu plus les intérêts de la Guinée. La convention amendée élimine les exonérations fiscales de 15 ans (du genre de celles qu’Alpha Condé a octroyé à Rio Tinto contre les fameux 700 millions) et impose à leur place des payements en paliers de taxes fixes allant de 5 millions de dollars pour le premier quinquennat d’activité, à 8 millions de dollars pour le deuxième quinquennat, et finalement à 12,5 millions de dollars pour le trois quinquennat. A partir de ce quinquennat, GAC est tenu de payer les impôts statutaires comme n’importe quelle autre société. Ensuite l’Etat s’était réservé le droit d’acquérir jusqu’à 15 pourcent des actions au cours du marché. A l’issue de cet amendement, le vieux Conté avait déclaré : « nous encourageons et supportons l’initiative de Global Alumina de contribuer à la mise en valeurs des ressources naturelles du pays. Nous souhaitons que la société commence le travail le plus tôt possible pour le bénéfice du peuple de Guinée. »
Afin de répondre aux vœux de Conté d’accélérer la mise en œuvre du projet, GAPCO s’allie alors les sociétés japonaises Marubeni et Mitsubishi pour pouvoir réaliser ce qui était alors considéré comme le plus gros investissement en Afrique de l’Ouest, soit environ 2 milliards de dollars. Contrairement aux marchands d’illusions du régime d’Alpha Condé, Conté avait réalisé qu’il y avait un gouffre entre la promesse des investisseurs miniers et la réalisation de leurs projets. Il obtient donc l’engagement de GAPCO et leurs partenaires de commencer la construction du Project en 2005 et d’exporter la première tonne d’alumine en 2008. Conté avait besoin du projet car il était acculé de tous côté. Il avait semé une sainte pagaille dans les finances guinéennes pour gagner la guerre contre la rébellion et financer ses sempiternelles fraudes électorales.
Contrairement à son attitude complaisante actuelle envers le régime Condé, la communauté internationale était alors très ferme avec Conté. En début 2004, après des révoltes matées dans le sang, les diplomates avaient tiré la sonnette d’alarme et exprimé la crainte que la Guinée risquait de subir le sort de ses voisins, la Sierra Leone, le Liberia et la Cote d’Ivoire. Manquant les réseaux de lobbys d’Alpha Condé, Conté était sévèrement coincé par le fonds monétaire, la Banque mondiale, l’Union européenne qui refusaient toute aide à son régime jusqu’à ce qu’il entreprenne des reformes démocratiques et s’engage à lutter contre la corruption endémique dans son régime. Mais GAPCO se plaisait bien dans cet environnement trouble. Afin de faciliter les choses et faire le lobby auprès du gouvernement, la société mandate deux libanais, notamment Karim Karjian et Safwat A. Safwat pour démarcher le gouvernement et faire avancer les démarches préparatoires. En vue de lever les fonds, GAPCO comptait aller en bourse pour émettre des actions pour environ 600 millions de dollars, et puis se tourner vers des agences bilatérales (OPIC des Etats Unis), régionales (Banque africaine de développement) et multilatérales (banque mondiale).
Les émiratis font leur entrée dans le projet en 2005, longtemps avant le régime d’Alpha Condé, mais s’en remettent au géant BHP-Billiton pour développer le projet
Le 28 Avril, 2005 les émiratis font leur première entrée dans le projet. Dubal signe un accord pour l’acquisition de 25 pourcent du capital de GAPCO et le droit d’achat de 25 pourcent de sa production. GAPCO change alors de nom et devient Global Alumina Corporation (GAC) avec un siège social à Saint John, au Nouveau Brunswick (Canada). En 2006, confronté à des problèmes de trésorerie pour lever les capitaux pour le projet (qui se situent maintenant à 2,2 milliards de dollars), GAC vient frapper à la porte du géant BHP-Billiton afin de lui proposer 1/3 du capital du projet ainsi que la direction opérationnelle de la mise en œuvre des activités. L’année suivante (2007), BHP Billiton accepte de payer 140 millions de dollars pour acquérir 33,3 pourcent du capital.
Les travaux de préparation sont lancés aussitôt, car les perspectives de financement s’améliorent beaucoup avec la présence rassurante du géant BHP Billiton dans le projet. Un groupe de banquiers et d’assureurs visitent la Guinée pour effectuer leur diligence, mais sont marqués par la violence et l’instabilité des évènements de 2007. Les deux tiers du capital étaient sont maintenant détenus par BHP Billiton (33,3 pourcent) et Global Alumina Corporation (33,3 pourcent). Le reste du capital était contrôlé par des intérêts émiratis dont Dubal (25 pourcent) et le Gouvernement d’Abu Dhabi à travers Mubadala (8,33 pourcent). BHP-Billiton réorganise le projet et le calibre de nouveau à une mine de 9 millions de tonnes de bauxite et une raffinerie de 3 millions de tonnes d’alumine avec un potentiel d’expansion sur une concession de 690 kilomètres carrés sur des réserves de 233 millions de tonnes de bauxite. BHP-Billiton exige d’avoir le droit de nommer le PDG de l’entreprise et le Directeur Financier et d’exiger à ce que les opérations soient exécutées selon les normes de BHP. Le coût du projet est ré-estimé à 3 milliards de dollars.
Mais les leaders de la Guinée sont plus portés sur les combines politiques que sur son développement. Les années 2007 et 2008 sont houleuses en contestations politico-sociales avec en fond un président mourant qui tenait à se maintenir au pouvoir jusqu’au dernier souffle devant l’irresponsabilité criminelle de son entourage et de la classe politique. Le pays dégringole graduellement avec l’Etat de santé de Conté, et la fête du Cinquantenaire de l’Indépendance a prouvé à suffisance que le pays n’était plus gouverné. L’inévitable arrive en 2008 avec la mort naturelle de Conté, mais la parenthèse militaire qui s’en suit ne rassure pas. GAC attend alors l’achèvement de la longue transition chaotique que le pays traversait depuis la maladie de Conté. L’espoir renait avec l’avènement d’Alpha Condé, un professeur de la Sorbonne et un opposant historique qui devient « premier président démocratiquement élu » du pays selon l’expression consacrée.
Les investisseurs miniers commencent à réaliser que le changement prôné par Alpha Condé n’existe que dans les déclarations intéressées de lobbyistes, tels que Tony Blair, ou dans les articles commandités de la presse occidentale. Le changement sur le terrain, c’est-à-dire la réalité quotidienne dans le pays, c’est le même vin du temps Conté, mais dans une nouvelle bouteille vendue à force de réclames tendancieuses. L’année 2011 marque pour BHP le début du désenchantement envers la Guinée. Suite au scandale Palladino, BHP-Billiton admet de craindre les risques de gouvernance et décide de revoir sa stratégie envers la Guinée. En juin 2012, le géant minier entre en accord avec la banque d’investissement Lazard pour revendre ses actions dans le projet et plier bagage. En Décembre 2012, c’est GAC qui rachète les actions de BHP-Billiton, augmentant du coup son capital de 33,3 pourcent à 66,7 pourcent. Mais GAC aussi s’inquiète de l’avenir du projet. Les chances de mobiliser le financement de 5 milliards de dollars maigrissent tous les jours du fait que la situation politique et économique ne s’améliore malgré les élections. D’autre par, il y a les perspectives moroses du marché de l’alumine dont les cours ont connu une chute phénoménale l’année dernière, forçant plusieurs alumineries dans le monde, dont Friguia, à fermer. GAC propose alors aux actionnaires minoritaires représentés par les émiratis d’acheter toutes les actions du projet. Les émiratis, qui rêvent de jouer dans la cour des grands (BHP-Billiton, Alcoa, Rusal, et Rio-Tinto/Alcan) décident de prendre le gros risque de porter tous les risques et fardeaux financiers du projet. Une requête est alors faite au gouvernement d’accepter de revendre les actions de BHP-Billiton et de GAC dans le projet, laissant aux seuls intérêts émiratis le contrôle entier.
En Mai 2013, le gouvernement approuve la requête de BHP Billiton et Global Alumina de vendre tout le capital qu’ils détenaient dans le projet à Dubai Aluminim Co (Dubal) et Mubadala Development Co. Par la suite, GAC et BHP acceptent de transférer leurs actions dans le projet à une société émiratie de holding appelée DM GAV dont les actions sont détenues par Mubadala et Dubal. En contrepartie, la société de holding payera à GAC la bagatelle de 2 milliards de dollars au moment de la signature de l’accord et 36 millions de dollars à la conclusion du marché. Le gouvernement ne pense même pas à taxer la transaction cession des actions sur les 2 milliards empochés, ni à contester la validité de la transaction pour récupérer la concession et la revendre ensuite au plus offrant.
Conclusion
Le président Alpha Condé (et accessoirement son fils et conseiller minier), a montré ses limites dans les négociations sensibles de projets miniers. Ses talents de politicien de la politique politicienne s’accommodent mal aux exigences sans états d’âmes de la négociation des accords miniers. Il est temps de laisser les spécialistes du gouvernement travailler sans entraves politiques et présenter au chef de l'État les options réalistes pour le pays. Tous les investisseurs savent maintenant que tout ce qu’il faut pour avoir un gros deal en Guinée, c’est d’offrir au gouvernement des facilités qui lui rapportent politiquement : le payer 700 millions de dollars sans exiger des mesures pour le contrôle des dépenses comme l’a fait Rio Tinto ; offrir au président et à son entourage des facilités et voyages fréquents et de plateformes pour effets d’annonce comme le fait Mubadala ; affréter des avions pour les voyages répétés du chef de l'État, comme l’a fait Rusal ; contribuer à des campagnes politiques comme Palladino et Bolloré…La liste est longue.
Tout ce que le gouvernement devrait faire avec Mubadala, c’était d’exiger que les engagements antérieurs pris par BHP-Billiton et GAC sous Conté soient respectés. Le projet allait démarrer plus tôt, car Mubadala risquerait de le perdre le cas échéant. En plus, le gouvernement avait le droit de demander des taxes sur la transaction de cession des actions de BHP-Billiton et GAC aux émiratis pour laquelle plus de 2 milliards de dollars ont échangé de main. Mais sans demander ce qui lui est dû, le gouvernement guinéen s’est contenté d’applaudir le marché conclu entre GAC et les émiratis. Son porte-parole Damantang Camara, n’avait pas tardé de pavoiser : « ce marché ouvre de meilleures possibilités pour le projet. Il va accélérer la construction de la raffinerie ». Seulement au lieu de l’accélération annoncée, le deal signé par le gouvernement cette semaine à Abu Dhabi prévoit la première tonne d’alumine en 2022, soit près de 10 ans plus tard pour un projet qui était sensé produire sa première tonne d’alumine en 2008 et qui se prépare depuis 1999. Comme l’histoire du projet le démontre, beaucoup d’eau aura coulé sous le pont d’ici à 2022. Rien ne dit que l’investissement sera réalisé, car en matière de décision d’investissement, Mubadala obéit aux mêmes règles de prudence concernant le risque pays, les conditions du marché, le coût du financement, les critères de rentabilité que le géant BHP-Billiton et d’autres investisseurs qui ont préféré abandonner le projet. On saura bientôt quelle est sa magie.
Il est déplorable que le gouvernement continue de jeter de la poudre aux yeux de la population à des fins de politique politicienne. Combien de fois les Guinéens ont été bernés par les bienfaits immédiats des 700 millions de dollars de Rio Tinto (avec les 20 milliards d’investissement qui venaient avec cette somme), de 2,5 milliards de dollars du PPTE, des 5,8 milliards de dollars d’investissements de la China Power Investment, des quelques 4 milliards de dollars de Rusal ? Combien de fois n’a-t-on pas vu le défilé d’investisseurs reçus par le président sans que rien ne se matérialise par la suite ? Afin de s’assurer que le projet se réalise, le gouvernement doit se départir de son approche de campagne électorale permanente et se mettre à gouverner. Il doit prendre le taureau par les cornes et s’engager dans des reformes difficiles nécessaires pour ramener la confiance et rassurer les investisseurs.
L’expérience des trois dernières années montre qu’il est plus facile pour le Président d’obtenir des promesses mirobolantes d’investir pour avoir des effets d’annonce que résoudre les problèmes internes du pays et promouvoir la paix et la stabilité. Il lui est plus facile de gagner la majorité parlementaire que de créer les bases d’un développement durable : la sécurité des personnes et des biens, la paix sociale, la stabilité politique, la justice, la bonne gouvernance et la lutte contre l’impunité, autant de facteurs qui rassurent les investisseurs et attirent les investissements. Le professeur Alpha Condé doit arrêter de jouer au commis voyageur en quête d’investisseurs et de soutiens politiques, surtout pendant que le pays brûle, en proie à des tensions qui restent sans solution. Le succès des voyages n'est pas senti par la population. Au lieu de passer son précieux temps à démarcher des investisseurs pour des projets mirobolants sans lendemain, le chef de l'État gagnerait plus à s’employer à calmer les tensions guinéo-guinéennes qui inquiètent ceux qui veulent investir dans des projets transformationnels qui pourraient faire décoller le pays.
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