e Satire à vue. En attendant le procès de… la justice ? (Par Top Sylla)

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Une jeune femme se présente dans un cabinet de notaire pour enregistrer l’acte d’achat de sa maison récemment acquise. Le notaire l’invite à s’installer, appelle son clerc et lui demande textuellement : « veuillez, s’il vous plaît, ouvrir le dossier de madame, examiner son affaire, et si les règles ne s’y opposent pas, faites une décharge pour qu’elle entre en jouissance immédiate ! »

Alors que personne ne lui voulait le moindre mal, on n’a toujours pas rattrapé la dame…

Cette anecdote montre, au-delà de son aspect humoristique, à quel point l’univers complexe de la justice et les subtilités de langage des spécialistes du droit peuvent déconcerter le plus averti des profanes, c’est-à-dire la grande majorité des justiciables. Le fonctionnement du système judiciaire, bien que crucial pour la société en régulant nos interactions et punissant les transgressions, reste souvent incompris par la plupart des citoyens, malgré l’assertion selon laquelle « nul n’est censé ignorer la loi ». Pendant ce temps d’ailleurs, les robins, qu’ils arborent du rouge ou du noir, passent le clair de leur temps à débattre dans les prétoires sur des interprétations légales que chacun est censé connaître.

Depuis le 28 septembre 2022, la Guinée est le théâtre du procès historique des atrocités commises en 2009 dans le stade du même nom. Ce procès met fin à une longue tradition d’impunité dans un pays marqué par de nombreuses tragédies, violences d’État et violations des droits de l’homme. Espérons que ce procès ne soit pas simplement une parenthèse.

La tenue de ce procès relève donc d’une prouesse aux allures d’exploit, ce qui est à l’honneur du « seul maître à bord après Dieu », dont le courage et la volonté politiques affichés ont permis la concrétisation de ce qui apparaissait pour beaucoup comme un fantasme irréalisable. Bien sûr, ses détracteurs ne manqueront pas de trouver des motivations moins nobles. Comme on dit, c’est de bonne guerre.

Organiser un procès impliquant un ancien chef d’État militaire et des membres influents de la junte alors au pouvoir n’est pas une tâche facile et comporte des risques, surtout dans un contexte de tensions politiques et sociales favorables aux replis identitaires. Après plus d’un an et demi, le procès, véritable marathon judiciaire, entre dans sa phase finale, offrant l’espoir d’une justice enfin rendue pour les victimes et leurs familles.

Cependant, l’effet dissuasif du procès reste incertain, car les auteurs des crimes n’ont pas été clairement identifiés. Tout au long du procès, aucun visage ou nom n’a été de manière convaincante associé aux responsables du massacre du lundi noir dans l’enceinte sportive. De même, il n’a pas été possible d’établir de manière irréfutable la complicité des personnes comparantes ou de présenter des preuves indiscutables de leur implication dans le carnage. Est-ce dû à des lacunes dans l’enquête et l’instruction ? On ne peut que donner sa langue au chat.

De plus, malgré l’ouverture du procès, les violences meurtrières persistent dans la banlieue de Conakry, où une organisation de défense des droits humains a recensé plus de quarante personnes tuées lors de manifestations politiques ou sociales interdites depuis l’arrivée au pouvoir des autorités actuelles.

D’où, peut-être pour sortir de l’impasse, la demande de requalification des faits en crimes contre l’humanité formulée par le parquet et des avocats de la partie civile.

Ainsi, la responsabilité pénale pourrait être attribuée à différents niveaux de la chaîne de commandement, et s’étendre en l’occurrence aux plus hauts responsables militaires, même s’ils n’étaient pas directement présents sur le terrain lors de la commission des crimes. Cette approche viserait à garantir que ceux qui exercent un contrôle (ou censés de le faire)

sur les forces impliquées dans de tels actes soient également tenus responsables de leurs actions ou … de leur inaction !

En attendant de connaître l’option qui sera privilégiée par le président du tribunal criminel et ses assesseurs, ainsi que le sort réservé aux uns et aux autres, le pays se prépare à un autre procès : celui de la justice guinéenne.

Au sein de l’opinion nationale, où l’on peut compter au moins 12 millions de « juges », autant de « procureurs » et d’ »avocats », chacun a sa propre idée de la justice. Pendant le procès, certains n’ont cessé de chercher dans leur « vérité judiciaire » la confirmation ou l’infirmation de ce qu’ils pensaient déjà de l’affaire, mais plus largement de leur perception du fonctionnement de la justice, sans réellement en connaître les rouages. On va faire et refaire le jugement, comme on refait un match de foot. Avec plein de « si »…

Oubliant un peu, comme le dirait l’autre, qu’avec des « si » l’on peut tout faire. Même attribuer le prochain prix Nobel de la paix à un certain… Benjamin Netanyaou !

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Gandhi
Gandhi
4 juin 2024 22:33

Parfois, le plus important est ce que pensent la majorité des Guinéens dans leur for intérieur, indépendamment de la vérité. Quand bien même il serait difficile de condamner formellement Dadis pour saune éventuelle culpabilité, tout le monde sait qu’il est responsable, et c’est le plus important. Quand on se proclame chef, on doit assumer son rôle et ses erreurs, à l’image d’un capitaine de bateau qui quittait le dernier, un navire en plein naufrage. Ne pas poursuivre des criminels (personne n’a été poursuivi après le 28 Septembre) prouve sa complicité, dont la peine est identique à l’auteur d’un crime.

BAMCE
BAMCE
31 mai 2024 18:15

Ce procès n’est qu’une parodie de justice, il des vrais acteurs présumés coupables qui sont absents tels que SEKOUBA KONATE, ABDOULAYE KEITA, TIBOU KAMARA, IDRISSA CHÉRIF,….

De plus, les magistrats et les avocats ne sont pas à la hauteur du procès.