La fièvre hémorragique à virus Ebola, éminemment contagieuse et mortelle, qui fait des ravages dans les trois pays du bec de perroquet, est un problème essentiellement de manque d’hygiène publique, de propreté, mais aussi de grande précarité et de pauvreté de l’immense majorité des populations.
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Voici ce qu’en dit le professeur Jean-Jacques Muyembe, grand spécialiste du virus Ebola ;le directeur de l’Institut national de recherche biomédicale en RDC.
‘‘La seule façon de lutter contre Ebola, c’est la propreté, rompre la chaîne de transmission, détecter rapidement les malades et les isoler.’‘
La pauvreté, et la précarité sont tellement impliquées dans la propagation de l’infection que les trois pays les plus violemment touchés font partie des 5 à 10 derniers au monde du point de vue du revenu annuel par habitant.
Voici le revenu annuel par habitant en 2011
-Guinée : 1100$
Serra- Leone 800$,
Libéria 400$.
Ces trois pays, du bec de perroquet, sont classés dans les 5 à 10 derniers pays les pauvres du monde.
En comparaison voici le revenu des pays limitrophes.
– Sénégal 1900$,
Côte- D’ivoire 1600$,
Mali : 1300$
Gambie 2000 $
Guinée-Bissao 1200$.
Je ne parlerai que de la Guinée que je connais. La gestion de la fièvre hémorragique à virus Ebola est à l’image de la gestion actuelle du pays : improvisation, démagogie, désinformation, propagande populiste… sur fond de politique sectaire et clientéliste.
Le drame de la Guinée réside dans l’absence du service public, pas d’employés municipaux, pas d’employés du gouvernement, ce qui a pour conséquence : le manque total d’hygiène publique et de propreté. Il faut ajouter à cela la quasi-inexistence des infrastructures de base : Eau-Electricité- Routes.
L’épidémie de fièvre hémorragique qui sévit depuis dix mois en Guinée- Libéria –Sierra –Léone n’est ni une fatalité, ni un hasard ! Toutes les conditions ont été réunies en Guinée pour qu’une telle catastrophe sanitaire arrive ; le lit du virus est le sous-développement socio-économique. Ebola est la fine fleur de ce sous-développement et de la précarité.
Il est temps que nous autres guinéens voyons la réalité de notre pays, qui est un des pays les plus sous-développés du monde. Je prends trois exemples :
Premièrement : les Hôpitaux publics : Sur toute l’étendue du territoire nous n’avons pas un hôpital public digne de ce nom, c’est-à-dire qui répond aux normes internationales ! Depuis 56 ans l’Etat guinéen n’a pas construit un Centre Hospitalo-Universitaire, où la médecine est enseignée et pratiquée « dans les règles de l’art. »
Les deux Centres Hospitalo-Universitaires : CHU de Donka, CHU d’Ignace Deen sont des vieux hôpitaux coloniaux qui sont rafistolés de toutes parts et qui ne répondent en rien à l’appellation de C.H.U. La Guinée est un désert médical ! La médecine commence par la propreté, c’est-à-dire l’hygiène corporelle. Il n’y a d’hôpital sans eau potable 24 heures sur 24 heures !
Nos hôpitaux à l’intérieur du pays manquent cruellement de personnels qualifiés et de moyens techniques. La plupart d’entre eux n’ont ni laboratoire performant, ni service de radiologie, ce qui suscite une véritable défiance des populations vis-à-vis de ces hôpitaux.
Deuxièmement : Une capitale, sans lieu de rassemblement, ni d’espace vert !
Conakry n’a aucune salle de rassemblement ou de spectacle. Mis à part l’incontournable Palais du peuple, qui sert à tout :
siège de l’Assemblée Nationale, salle de levée de corps des « illustres disparus » dans les bonnes grâces du régime, salle de meeting , salle de concert, salle de spectacles et de réception…
Troisièmement : l’absence totale de service public.
L’hygiène publique qui n’existe malheureusement pas en Guinée devrait concerner :
Le nettoyage pluri- quotidien des structures de soins : Centres de Santé, hôpitaux publiques et privés, cliniques…Le ramassage régulier et le traitement des ordures ménagères des villes et campagnes.
La carence dans la gestion du nettoiement des rues de la capitale par ces femmes et ces jeunes dans la poussière ou dans la boue sans gants ni bavettes est purement et simplement scandaleuse.
La réalité sur le terrain, nous la connaissons tous :
1- Manque des infrastructures de base : adduction d’eau potable, électrification, réseaux routiers. Il est inule d’y insister.
2- Absence totale d’hygiène sur la voie publique, et dans les lieux publics : marchés, mosquées. Regardons un peu les marchés des quartiers de Conakry où les denrées alimentaires se battent dans les immondices à même le sol trempé par les interminables pluies de la capitales en Juillet-Aoùt!
3- La démagogie, l’incompétence et la mal-gouvernance.
Depuis 1958 les différents gouvernants en République de Guinée nous racontent des histoires et trompent les populations ce qui a entrainé l’effondrement de l’Etat et du pouvoir public. Les populations n’ont aucune confiance dans l’institution judiciaire, car l’impunité, l’injustice sont les règles en Guinée. Les tueries de Womey, de Zogoota, l’assassinat de la directrice du Trésor Public Madame Aïssatou Boiro en Novembre 2012 montrent le niveau d’insécurité jamais inégalé en Guinée. Ce sont quelques exemples parmi tant d’autres.
4- A cela il faut ajouter la pauvreté, l’incrédulité et l’analphabétisme de l’immense majorité de nos populations manipulées par toute sorte d’institutions, politiques, ethniques, religieuses. Les incantations, les prières, et je ne sais quelle lecture du saint coran, n’arrêteront jamais la chaine de transmission de la fièvre Ebola.
Comme dit le Pr J.J. Muyembe :
« Pour le moment. Il n’y a pas de vaccin et pas de médicament. Donc la seule façon de lutter contre Ebola, c’est vraiment la propreté. Il faut aussi rompre la chaîne de transmission. Isoler le malade, détecter rapidement les malades et les isoler. Et puis ça s’arrête tout seul, le virus rentre dans la forêt comme il était venu »
Notre pays est confronté à un grand défi pour sa survie, l’épidémie de la fièvre hémorragique à virus Ebola touche tous les secteurs de la vie quotidienne des guinéens : les services de santé sont paralysés, les entreprises ferment, les hôtels sont vides, le commerce import-export est frappé de plein fouet, le maigre pouvoir d’achat du guinéen moyen est durement touché, bref, il y a un vrai risque d’effondrement de notre économie nationale.
Nous sommes face à une réelle menace de mort pour chacun et pour tous. Ebola est une cause nationale, au-delà et au- dessus des partis politiques, des ethnies, des régions. Ce virus ne fait de différences entre nos ethnies et nos régions.
Aujourd’hui, voyons comme les guinéens sont indexés, stigmatisés, voire rejetés, de vrais pestiférés dans des temps modernes ! Cela est insupportable et inadmissible. Tout guinéen est atteint dans son honneur, dans sa dignité, nous qui sommes si fiers, et si jaloux de notre dignité.
Le président Alpha Condé a la responsabilité historique désormais de rassembler tout le peuple de Guinée sans exception autour d’une table pour « mettre des mots sur les maux du pays » et pour envisager les réformes structurelles, afin de sortir le pays de l’impasse. Notre salut passe inéluctablement par l’unité et la cohésion nationale, aucun pouvoir ne pourra aller à l’encontre de cette donnée.
Vive la Paix
Vive la Guinée
Dr. B. Diakité