Éventuel report des législatives : un recul de la démocratie et le triomphe de l’anarchie (Par Alexandre Nainy Bérété)

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Depuis quelques jours maintenant, des voix se lèvent de plus en plus appelant à un report des élections législatives du 16 février prochain, la dernière en date est celle des autorités religieuses (Imamat et Archevêché de Conakry) demandant au Président de la république un report, pour dit-on, au nom de la paix. Mais la paix recherchée a pour totem (adversaire) le non-respect des lois de la république notamment celles relatives aux délais légaux constitutionnels en matière électorale.

La situation politique actuelle de la Guinée est la résultante du peu de considération à l’égard des lois doublée d’une dose de mauvaise foi des acteurs politiques. Et pour une solution à la crise, le chemin doit être celui des urnes, pour dire que ce ne sont pas les religieux encore moins les acteurs politiques qui doivent dicter le cycle électoral d’un pays.

Le non-respect des lois doublée de la mauvaise foi des acteurs à l’origine des crises

Le président de la république par un décret du 11 janvier 2019 procédait à la prorogation du mandat des députés jusqu’à l’installation d’un nouveau parlement et ce conformément à l’article 2 alinéa 5 de la loi organique numéro L 2017 030 AN du 04/07/2017 portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui dispose que :  le mandat des députés de l’Assemblée nationale expire à l’installation de la nouvelle Assemblée, et consécutif à un avis de la cour constitutionnelle (gardienne de la constitution) du 10 janvier 2019.

Conformément à l’article 60 de la constitution du 7 mai 2010, la durée du mandat des députes est de 5 ans, en combinant celui-ci à l’article 125 du code électoral, l’élection législative devrait avoir lieu au plus tard avant la fin de l’année 2018. Ce qui n’a pas été le cas à cause de la propension des acteurs politiques guinéens à privilégier les accords de cuisine au détriment des lois de la république.

Le plus dramatique dans cette situation peu glorieuse pour notre pays, c’est que ces accords sont souvent signés au nom de la paix et de la stabilité politique. Au final la Guinée n’a ni paix ni respect du cadre des élections (la loi). Victor Hugo disait que « le droit et la loi, telles sont les deux forces : de leur accord nait l’ordre, de leur antagonisme naissent les catastrophes ». Les acteurs politiques semblent privilégier la seconde option de cette citation, c’est-à-dire l’antagonisme entre le droit qu’a chaque acteur politique de peser sur le destin de son pays et le respect de la loi qui s’impose en lui comme contrepartie de ce droit politique.

La mauvaise foi à laquelle je fais allusion dans cette analyse est illustrée dans les propos des deux principaux leaders de l’opposition. AUCUN parti politique quel qu’il soit n’a été exclu du processus, ceux qui ont décidé de boycotter ces élections législatives ont un autre agenda politique. Ils veulent que la Guinée n’organise en 2020 que les élections qu’ils souhaitent à savoir la présidentielle. Le chef de l’opposition Cellou Dalein Diallo affirmait dans une récente tribune en date du 15 janvier dernier, je le cite : ‘’Sinon, pourquoi, compte tenu de la proximité des deux élections [législatives et présidentielle] qui se tiennent la même année, ne pas concentrer tous les efforts dans la préparation judicieuse de la présidentielle et reporter, après ce scrutin majeur, les élections législatives ?’’. En sous et en gras ce qui veut dire pour Cellou Dalein qu’il reviendra au prochain président de la république d’organiser les législatives.

Pour Sidya Touré président de l’UFR, également pas question chez lui non plus d’organiser des élections législatives en 2020. Alors la question qu’il conviendra de se poser est de savoir, pendant ce temps le pays doit-il s’arrêter de fonctionner ?  Dans un pays sans parlement légitime, aucun partenaire sérieux ne risquera y investir, parce-que nous savons que les accords de financement des projets publics sont toujours soumis à une condition de ratification par l’assemblée nationale.
Ils faut donc qu’on voit au travers des législatives, non pas une logique politicienne mais une logique développementaliste, c’est-à-dire un moyen de légitimation de la gouvernance et surtout un chemin rendant le pays crédible auprès des partenaires.

Force doit rester à la loi au-delà de la volonté des chefs religieux

Dans le fronton des institutions publiques, on peut souvent y lire ‘’Dura lex sed lex’’ qu’on peut traduire littéralement par ‘’la loi est dure mais c’est la loi’’, et nul ne doit, quel que soit son statut et son rang social, remettre en cause l’application des lois qui gouvernent la république, même pas les religieux.

L’article 1er de notre constitution est très clair « la Guinée est une république laïque » et il n’est pas question que ce principe soit remis en cause par la volonté des religieux au nom d’une hypothétique paix, dont la violation en réalité, découle du comportement anti-républicain de tous les guinéens, TOUS, y compris les chefs religieux.

Cette partie de mes propos s’adresse au président de la république. Monsieur le Président, vous avez une chance historique d’offrir à la Guinée son premier parlement rajeuni et féminisé, ce serait une première non seulement dans notre pays mais également dans la sous-région. Aucune pression ne doit vous flétrir de cette mission qui s’offre aujourd’hui à vous. La Guinée vous sera éternellement reconnaissant et l’histoire moderne de notre pays vous glorifiera dans les manuels scolaires. Monsieur le président, il est fréquent qu’un homme soit incompris par ses contemporains mais l’histoire finira par le rétablir. Mandela a été incompris jusqu’à ce que le temps le rétablisse, et quel rétablissement !

Les élections législatives du 16 février doivent avoir lieu même si le taux de participation se chiffre à 20%.  Reculer, repousser l’échéance du 16 serait le triomphe de l’anarchie sur la démocratie que les impatriotes ont toujours voulu instaurer dans notre beau pays. Face à la demande pressante de l’histoire du moment qui s’écrit de la plus belle des manières, un chef ne doit pas avoir la main qui tremble, conscient du virage reluisant qu’il souhaite léguer aux futures générations, il doit foncer la tête dans les objectifs.

Pour terminer, la Guinée a certes une société fortement religieuse, mais notre pays n’est ni un Etat islamique encore moins un Etat ecclésiastique.

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Tiekourani
4 février 2020 08:30

Quand je lis certains propagandistes du rpc j’ai la nausée car c’est des personnes sorties tout droit des égouts. C’est 5 000 000 FG qui fait écrire à ce Bérété du n’importe quoi. Monsieur Bérété nous connaissons l’opposant alpha con-dé qui n’a jamais dialogué avec le pouvoir Conté. Dites moi si alpha con-dé allait accepter d’aller à une élection avec un fichier de 8 600 000 inscrits pour une population estimée à 12 000 000? Si un homme sérieux et sincère, répondez à cette question. Mais je doute fort car au rpc actuellement, c’est la mauvaise qui est la chose… Lire la suite

Le Pan-Africain
Le Pan-Africain
3 février 2020 16:53

A vous lire, on a l’impression que la Guinee est un pays normal a l’image de la France ou vivent ou ont vecu nombreux soutiens du regime de Conakry.
Aller aux elections dans les conditions actuelles revient a donner une legitimite a la fraude electorale bien preparee par le regime. Que le RPG avec ses allies manufactures aillent aux elections seuls.