Exclusif : quand un ministre de la République se fait racketter par les agents de sécurité

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Les deux barrages situés sur la nationale Conakry-Kindia sont devenus de nos jours, des véritables lieux de toute sorte de raquettage de la part des agents qui sont censés sécuriser les citoyens et non les retirer de l’argent.

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Ce constat de belle lurette provoque un mécontentement général des pauvres citoyens qui sont exposés à ce mal en longueur de journée et de nuit.

Pour toucher du doigt à cette réalité, une heureuse coïncidence sera offerte par un extraordinaire coup de hasard  à la rédaction locale de Guinenews, basée à Kindia.

En partance pour Conakry, tout a commencé  à  Bangouya, un village situé à 60 kilomètres de Conakry, un arrêt de deux véhicules VA et un taxi, attire mon attention. Et soudain, l’on aperçoit un Monsieur descendre d’une VA (voiture administrative) blanche, habillé en jean’s, polo et casquette. 

Curiosité de journaliste oblige, l’on freine et observe la scène.

Le Monsieur se dirige vers le taxi, dans lequel avait déjà pris place deux jeunes en plus du chauffeur, et monte par derrière.

Le taxi démarre suivi des deux VA l’une blanche et l’autre noire.

Démarrage en trompe le taxi dans lequel se trouve le mystérieux homme descendu du VA est suivi de près par les deux VA, et nous suivons discrètement le cortège.

Premier arrêt,  le barrage de Bangouya, on sent un mouvement de panique, certainement dû à la présence dans le fil des deux VA dans le fil. Tous les véhicules passent sans contrôle.

A peine 1 kilomètre plus loin, le cortège s’arrête, un policier descend du VA blanc et se dirige vers le taxi à son retour les deux VA dépassent le taxi en nous laissant derrière le taxi dans lequel se trouve toujours l’homme mystérieux.

Nous décidons de ne pas suivre les VA et nous sommes restés derrière le taxi.

Une vingtaine de minutes plus tard, nous sommes au barrage du pont KK, le lieu par excellence des raquettes et des tracasseries que subissent les citoyens usagers.

Toujours derrière le fameux taxi, l’on constate de part et d’autre du barrage, des citoyens et usagers descendent pour aller montrer leurs pièces d’identité ou payer 5000 ou 1000 GNF, selon les cas.

Les 3 passagers du fameux taxi descendent. À notre très grande surprise, l’homme mystérieux en casquette suivi de deux hommes.

On l’identifie très clairement : il s’agit du ministre de l’Unité Nationale et de la Citoyenneté, Khalifa Gassama Diaby.

Que se passe-t-il ? L’on saute du véhicule et le suit. L’incroyable scène cocasse commence. 

Le ministre en pleine discussion avec les agents de sécurité  (des bérets rouges et des gendarmes) à propos des cartes d’identité.

Il est bon d’être malin, lorsque vous mettiez votre malice dans une bouteille blanche, les gens vont s’en apercevoir, ce qui fut fait.

Collé aux trois personnes dont le ministre qu’absolument personne ne reconnaît dans son camouflage, la discussion surréaliste commence.

 » Eh cartes d’identités « , lancent un gendarme et un béret rouge.

« S’il vous plaît, je n’ai pas ma carte, je l’ai oublié à la maison, parce qu’elle est expirée »,  répond calmement le ministre Gassama méconnaissable.

« Alors, c’est 10000 GNF », dit un des agents de sécurité.

 » Où est-ce que je dois aller payer pour moi et mon petit frère », répond le ministre avant de rajouter « qui nous donnera le reçu ?  » Visiblement cette demande de reçu de paiement étonne et fait rire les agents.

« Quel reçu ? », demande un agent avec un ton violent

 » Le reçu de notre paiement », réagit le ministre mystérieux. 

 » Nous, on n’a aucun reçu à donner,  soit tu paies soit tu ne passes pas », réagit le nerveux l’agent.

 » Moi je ne paie pas sans reçu, il nous faut une preuve du paiement », répond sèchement  le ministre. 

 » Monsieur, ne nous fatiguez pas, si vous ne payez pas vous ne passez pas », répond un béret rouge, assis sur un banc, sans un regard pour son interlocuteur. 

 » Mais ce n’est pas normal, s’il n’y a pas de carte c’est la faute à l’Etat qui a suspendu la délivrance des cartes d’identité, vous ne pouvez pas nous faire payer alors que c’est l’Etat qui ne donne pas les cartes, et en plus, ce n’est pas légal de demander de l’argent pour un contrôle d’identité », argumente le ministre inconnu.

 » Ce n’est pas notre problème, nous aussi c’est l’Etat qui nous a mis ici,  ou vous payez ou on vous garde 48h ; on a un endroit pour les malfaiteurs ici « , lance  anxieux l’agent de sécurité au ministre,  que personne ne reconnaît toujours pas.

 » Monsieur, ne pas avoir une pièce d’identité ne fait pas de vous un malfaiteur », répond en riant le ministre.

 » Si vous êtes des malfaiteurs, vous n’avez pas de carte et vous ne voulez pas payer, moi vous me fatiguez ou vous payez ou on vous garde ici,  regardez tout le monde paie, et vous vous êtes qui pour ne pas payer « , diront les agents qui commencent à s’impatienter

 » Et cet argent vous les mettez dans la caisse de l’Etat », demande naïvement le ministre.

« Quoi ? », s’étonnent de la question les agents.

 » Est-ce que tout cet argent va dans la caisse de l’Etat ? », dit encore le ministre.

 » Ça ce n’est pas votre affaire. Maintenant, payez sinon tu ne passes pas toi et ton frère et on vous garde », dit un des chefs des bérets rouges un peu éméché. 

D’ailleurs, ce qui est déplorable, ces agents ne s’intéressent guère au contenu des véhicules mais plutôt aux passagers qui s’y  trouvent à bord en les requêtant de manière frauduleuse. Et de surcroit, cet argent qu’ils prennent dans la main des passagers ne va nullement dans la caisse de l’Etat et ceux qui passent dans les belles voitures ne sont pas réellement contrôlés, sauf ceux qui se trouvent dans les vieux véhicules, les taxis et minubus.

Le ministre Gassama, malin qu’il est, a abandonné ses deux voitures de commandement au profit d’un taxi banalisé tout en se comportant comme un citoyen ordinaire ; l’agent, corruptible qu’il est, n’a pas hésité un seul instant à exposer sa mauvaise habitude de raquettes devant le ministre.

La discussion est sidérante et le piège tendu par le ministre implacable.

Le ministre fait tout un simple citoyen pour attirer l’attention des agents sur l’illégalité de leur attitude, sans succès, considérer dans son déguisement comme un simple citoyen,  il faut qu’il paie, sinon il ne passerait pas.

  » Vous ne pouvez vraiment pas nous laisser passer cette fois-ci ? », tente une dernière fois le ministre, la réponse est non.

Il fait semblant de partir, l’agent le bloque,  et il se retourne.

 » OK, donc laissez nous vous payer 5000 GNF  par personne, puisque le prix n’est pas légal et ça ne va pas dans la caisse de l’État », dit le ministre.

Très fâché face à ces remarques du ministre, il accepte quand même la proposition du ministre.

Celui-ci sort de sa poche un billet de 10 000 fg et le temps à l’agent qui le prend, et lance sur un ton méprisant passez….

Derrière, on entend les agents se moquer de ce monsieur (parlant du ministre sans le savoir) bizarre disent-ils, qui s’étonne qu’on lui demande de payer et qui refuse de payer.

Ils ne savent toujours pas qu’ils viennent de tomber dans un véritable piège tendu par un Ministre de la République qui est prêt à toutes les épreuves pour toucher du doigt à la réalité des choses.

Quelle humiliation de grande envergure au nom de tous les agents se trouvant dans les différents barrages du pays, et pourtant, c’est l’Etat même dont relève ces agents qui a suspendu la délivrance de ces cartes d’identités.

 » Nous restons au barrage avec l’intention de nous présenter aux agents comme journalistes et de leur dire qu’ils viennent de tomber dans un piège, car l’homme avec lequel ils parlaient depuis tout ce temps et qu’ils ont fini par raquetter 10 000 GNF est en réalité un ministre de la République.

  Je n’ai pas eu le temps de le faire, je vois revenir les deux VA, qui franchissent le barrage et viennent se garer devant le petit hangar qui sert de bureau aux bérets rouge et gendarmes présents.

  On voit le Ministre débarrassé de ses déguisements, descendre de son véhicule, le visage ferme, l’air dépité et l’allure déterminée.

 Le piège  a réussi, la surprise est totale.

  C’est la panique et l’humiliation.

L’agent béret rouge à qui le ministre a remis les 10 000 fg, prend ses pieds au cou et fuit vers une destination inconnue. Un autre gendarme disparaît dans la nature, après avoir été confondu et interpellé par le Ministre.

Le Ministre réunit tous les autres, demande le chef des agents.

 » Je crois que je n’ai pas besoin de vous donner les raisons de ma présence? Lance furieux le ministre. Ce que vous faites ici aux citoyens et aux usagers est honteux et scandaleux. Vous êtes dans le déni total et conscient de nos lois. Vous faites ce que vous voulez, vous vous en foutez des lois de la République, vous vous en foutez des décisions et des déclarations officielles du gouvernement, de l’autorité civile.

Vous harcelez,  vous humiliez et vous raquettez les citoyens, sans vergogne.

Ce que vous faites ici est illégal et inacceptable.

La souffrance des usagers ne vous fait rien, les instructions de votre hiérarchie vous vous en foutez, les instructions du Gouvernement ne vous fontt ni chaud ni froid parce que vous savez que vous ne serez ni contrôlés, ni sanctionnés. Ce qui vous intéresse c’est vous et ce que vous gagnez, peu importe que cela se fasse sur le dos des citoyens et généralement des modèles citoyens.

A quoi vous servez si c’est pour faire souffrir ceux que vous êtes censés protéger et défendre?  » , s’intérooge le Ministre Gassama, très en colère et visiblement déçu du comportement de ces services de sécurité, devant des agents très gênés et mal à l’aise de s’être fait prendre dans le piège avec leurs mauvaises pratiques.

Et le ministre de poursuivre: » Au-delà du fait qu’un contrôle d’identité ne doit jamais aboutir au racket des citoyens, dans la situation actuelle la  responsabilité du manque de cartes d’identité incombe à l’Etat et non aux citoyens. Alors pourquoi les faire payer en plus?

Les corps habillés doivent savoir qu’ils relèvent du pouvoir civil et quand le gouvernement dit qu’on ne doit pas prendre de l’argent à quelqu’un, cela doit être respecté avec précision par vous, vous êtes dans une situation de contrôle d’identité (sauf si la loi l’a prévue comme dans la circulation et vous payez légalement) vous n’avez pas le droit de prendre de l’argent à un citoyen parce qu’il n’a pas sa pièce d’identité, si vous faites-vous violez la loi et les règles de votre mission.

C’est une pratique courante qui n’est pas acceptable. Bien sûr vous le faites parce que vous savez que vous ne serez pas sanctionnés, mais sachez que cela ne peut plus continuer.

Si vous continuez à le faire, ce qui va se passer, vous ridiculisez le pouvoir civil auquel vous avez obligations d’obéir, et le peuple finira par avoir aura le dégout de vous, les citoyens finiront par se demander à quoi vous serez et à quoi sert l’Etat? Il faut que vous et nous, qu’on donne un sens à ce qu’on fait et le véritable sens de notre mission est de servir le peuple, normalement ces barrages doivent être un endroit de sécurité pour les citoyens, et par vos pratiques, que ce soit ici, à Conakry et dans tout le pays, vous créez les conditions de l’insécurité pour les citoyens.  Et nos concitoyens vivent cela comme une injustice et un abandon.

Ils s’approchent de vos barrages avec la peur au ventre, parce qu’ils ont à l’idée que vous leur demanderez de l’argent. Vous ne pouvez pas continuer à faire ce que vous voulez et comme vous voulez parce que vous êtes en tenues et armées. Les citoyens ont des devoirs, mais ils ont des droits aussi, vous devez respecter leurs droits et leurs libertés si vous voulez qu’il vous respecte. Être militaire, gendarme ou policier ne vous donne pas le droit de vous placer au-dessus des lois en ne les respectant pas. Au contraire vous qui êtes en charge de veiller au respect des règles, c’est à vous de les respecter et de les craindre plus que tout le monde. Hélas vous faites ce que vous voulez.  » A-t-il martelé le ministre Gassama.

Chaque jour, les citoyens se plaignent dans les familles, les quartiers, dans les médias pour que ça cesse, mais hélas, ce message du ministre Abdoul Kabelè Camara est loin d’être tombé dans de bonnes oreilles, chose qui est déplorable aujourd’hui dans ce département en dépit des multiples efforts consentis par le gouvernement dans le cadre de la réforme de cet secteur.

Dans ce pugilat de contrôle pour satisfaire les paisibles citoyens, le ministre a fait appel au coordinateur de ce barrage, arrivé sur les lieux, ce dernier couvert par une grande humiliation qui ne dit pas son nom devant le ministre a dit : « Monsieur le ministre, c’est la seconde fois que m’interpeliez par rapport à cet état de fait, il y a quelques mois vous m’avez mis en garde contre ces pratiques. j’avoue que je suis vraiment désolé, offusqué, touché à plus d’un titre de ce que vous avez vu ici en tant que ministre, je prends l’engagement, que ces agent seront punis et sanctionnés à la hauteur de leur forfaiture et cela ne se reproduira jamais ici ».

En quittant sur les lieux, le ministre Khalifa Gassama Diaby dira d’une voix fatiguée après des heures passer à leur sermonner : 

« Il faut que ça cesse, il faut que ça cesse, il faut qu’ensemble vous et nous qu’on se batte pour que l’Etat retrouve sa crédibilité vis à vis des citoyens, sinon, ce pays paiera le cette perte de sens, de norme et d’autorité.

je ferai en sorte que le gouvernement soit édifié sur cette situation qui perdure et qui empoisonne la vie de nos concitoyens ici comme sur l’ensemble du territoire national.

Les citoyens vous devez pouvoir les contrôler de façon stricte, mais  légale et respectueuse, mais vous n’avez pas le droit de leur demander de prendre de l’argent.

 A noter que le ministre avait aussi mis 2autres personnes devant dans un taxi banalisé, elles ont subi le même sort…raquette!

 De très nombreux usagers et passants ont assisté médusés mais ravis à cette scène, qui a mis les agents de sécurité du pont KK dans une extrême situation gênante et inconfortable.

  Aux dernières nouvelles les agents de ces barrages, sans pour autant dire qu’ils ont totalement cessé  la pratique, sont devenus méfiants et prudents.

Et lorsqu’on demande au Ministre ce qu’il a retenu de cette expérience,  il dira:  » Si on veut changer ce pays, il faut se donner les moyens de suivre la mise en œuvre des décisions, de contrôler le respect de nos lois et de sanctionner la moindre violation de ces décisions et de ces normes. A défaut nous resterons durablement dans une impuissance collective »

  L’avenir nous dira qu’elle sera la suite de cette aventure riche en leçons du Ministre de l’Unité Nationale et de la Citoyenneté.

 

Guineenews, partenaire de Gbassikolo.com

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