Gassama Makanéra(s) : Rien que les textes (par Elhadj Saidou Nour BOKOUM)

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Évaluation de l'article
La législation française.
« Le 2 décembre 2009 a été promulguée une loi organique en France, faisant suite à la révision constitutionnelle adoptée par le Congrès de Versailles le 23 juillet 2008, laquelle a ajouté à l’article 61 de notre constitution l’alinéa suivant:..

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« Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil Constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’état ou de la Cour de Cassation qui se prononce dans un délai déterminé ». Et cela est complété par l’article 30 de la Constitution: « …une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée… »…

 

• Qu'entend-on par « disposition législative » ?
Il s'agit d'un texte adopté par l'autorité détenant le pouvoir législatif. C'est donc essentiellement un texte voté par le Parlement (loi, loi organique ou ordonnance ratifiée par le Parlement). Ce peut-être aussi une loi du pays de Nouvelle-Calédonie.
 
Ailleurs plus en détail :
« Font l'objet d'un contrôle exhaustif de constitutionnalité les traités (lorsqu'ils sont soumis à l'examen du Conseil), toutes les lois organiques et toutes les modifications des règlements des assemblées parlementaires… »
 
Quels sont les critères pour que le Conseil constitutionnel soit saisi ?
 
Les critères pour que le Conseil constitutionnel soit saisi de la question prioritaire de constitutionnalité sont détaillés par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'article 61-1 de la Constitution. Ils sont au nombre de trois:
 
• la disposition législative critiquée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;
• la disposition législative critiquée n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ;
• la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux ».
 
Le législateur guinéen quant à lui dit, d’abord :
  • « Article 95.
• « Les lois organiques sont obligatoirement soumises par le président de la République à la Cour constitutionnelle avant leur promulgation ».
 
Ensuite,
  • « Article 96.
  • La Cour constitutionnelle statue dans le délai d'un mois selon une procédure dont les modalités sont fixées par une loi organique.
  • Le recours suspend le délai de promulgation de la loi.
  • Une disposition déclarée inconstitutionnelle devient nulle et de nul effet et ne peut être promulguée ou appliquée.
  • Tout plaideur peut soulever l'exception d'inconstitutionnalité d'une loi devant toute juridiction ».
 
Discussion
 
 A) la législation française.
 
Une première lecture ne laisse aucun doute : il existe une loi organique qui dit clairement que cette universalité de l’exception d’inconstitutionnalité ne s’applique pas à une loi, précédemment jugée conforme à la constitution. Donc le ministre Kalifa Gassama a raison et Ibrahima Sory Makanéra devrait chercher « à mieux se pourvoir ». Mais le législateur de l’Exception.. aura du coup évacué la totalité des lois organiques, toutes les lois que le juge constitutionnel français a eu à valider, qu’elles soient venues du président de la république, de celui du sénat, des parlementaires, et subsidiairement – il ne doit pas y en avoir des tonnes et pour cause ! –, toutes celles qui auront été soumises par le justiciable, surtout que cette possibilité est toute récente, 23 juillet 2009, date d’adoption de la loi organique qui précise et restreint, pour ne pas dire annule tout l’article 61-..
 
Si donc le législateur français avait en réalité sous-entendu cela, pourquoi ne l’avoir pas dit explicitement, s’agissant au moins des lois organique et dire dès l’article 61 : à l’exception des lois organiques, puisque toutes les lois organiques promulguées sont préalablement jugées conformes par le juge constitutionnel ? Il y avait même plus simple : ne pas la mentionner dans l’article 61 et se contenter des autres « dispositions législatives » ?
 
Mon hypothèse est la suivante : le législateur de la loi organique qui fait exception à l’Exception ne pense pas à la loi validée en amont, mais plutôt aux lois jugées en contentieux, et plus particulièrement à celles qui sont remontées au juge constitutionnel, notamment et précisément- pas toujours d’ailleurs – depuis l’adoption de l’article 61. Mais si ce n’est pas cela, c’est que les parlementaires, les juristes et tous les Français qui sont allés à l’école sont tombés dans d’épaisses ténèbres depuis cette journée glauque du 23 septembre qui a accouché cette loi organique qui annule une loi textuellement constitutionnelle – inscrite dans la constitution -, qu’elle est censée venir préciser !
 
B) La loi guinéenne aussi a prévu une loi organique qui se contente et de façon lapidaire d’indiquer qu’elle fixe « les modalités de.. ». Alors que la loi organique française dit (pour que l’exception soit « recevable »), « la disposition législative critiquée n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ». C’est tout à fait autre chose. Et quand le législateur guinéen dit : « Une loi déclarée inconstitutionnelle devient nulle et de nul effet et ne peut être promulguée ou appliquée ». On ne peut être plus clair : si la loi n’est pas promulguée, la tâche est facile pour le juge constitutionnel, mais à quelle norme renvoie l’inapplicabilité dont il est question, sinon à une loi constitutionnelle ou plus précisément à une loi organique forcément validée ?
 
Et quelle est la consistance d’une loi organique, promulguée, validée mais qui ne doit pas être appliquée ?
 
C) A contrario le législateur américain et dans une certaine mesure, celui de l’Allemagne me semble-t-il, sont moins « jacobins ». L’Américain dit : si  la loi contestée est invalidée, elle sera nulle, mais seulement pour le justiciable qui a « osé », mais elle reste valable pour les autres millions de citoyens yankees !
 
Le législateur guinéen, tout en suivant le modèle du « maître », est-il conscient d’avoir dit encore, au fond,  « Non » à l’ancien Maître, comme en 1958 ? Nous plongeant dans une transition qui dès la cinquantaine passée, nous précipite dans une quarantaine.. Stop hors sujet. M. Le ministre, veuillez revoir votre copie ou ramenez-nous l’original scanné de la loi organique annoncée par l’article 96 de la constitution de mai 2010 qui stipule : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle devient nulle et de nul effet et ne peut être PROMULGUEE OU APPLIQUEE ». Avec mon estime et mon admiration pour le grand écart politique auquel par loyauté vous êtes astreint. Wa Salam. PS : je vous l’accorde, le vrai débat aurai dû être politique, mais à qui la faute ? En droit, on doit d’abord laisser parler les textes : il ne suffit pas de dire « Dura lex, sed Lex », il faut aussitôt y adjoindre «  Nulla poenia sine lege ». C’est une mission impossible, quasi-divine que de taire et faire taire les subjectivités.
 
S. Nour BOKOUM
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