Gouvernancedu RPG Arc-en-ciel : que retenir du premier mandat ?

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Dan Millman, célèbre artiste et écrivain américain nous disait que : « le secret du bonheur ne consiste pas à rechercher toujours plus, mais à développer la capacité d’apprécier avec moins ».

Cet article fait suite à mon article titréComment changer le système féodal qui se perpétue en Guinée ?publié sur GuineeActu.

Ici, j’aborderai la deuxième partie qui couvre la période de la gouvernance du RPG Arc-en-ciel…

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Pour mieux illustrer mes arguments, j’avais décidé de me rendre en Guinée pour non seulement constater moi-même la situation du pays, mais aussi et surtout écouter les opinions des citoyens concernant la gouvernance du RPG Arc-en-ciel. Durant ce séjour, et au-delà du citoyen lambda, j’avais eu l’occasion de discuter avec non seulement des hauts cadres influents de la société civile et des deux bords politiques, mais aussi et surtout avec d’éminents hommes religieux. Mon premier constat était que la Guinée dans sa diversité sociopolitique est loin d’être celle que l’on décrit dans les medias propagandistes. C’est pourquoi, je m’efforcerai à ne pas laisser mes arguments guidés par les racontars contenus dans ces medias en quête de médisance facile.

Les séquelles des 18% du RPG au premier tour de l’élection présidentielle de 2010

Le score de 18% obtenu par le RPG au premier tour de l’élection présidentielle de 2010 avait sérieusement putréfié le parti dans son ensemble. En plus de ce faible score, le parti n’avait pas beaucoup de cadres valables pour mener à bien le programme de société du candidat qui pourtant était bien connu des Guinéens. Ainsi, le parti était obligé à forger des alliances avec ceux-là même qui avaient contribué largement à son affaiblissement lors du premier tour, et surtout durant le régime du PUP. Par conséquent, et pour s’assurer d’une victoire au deuxième tour, le candidat du parti, et de surcroit opposant historique, était dans l’obligation d’user de son expérience politique pour soudoyer les anciens faiseurs de roi du régime PUP. Il fallait donc rassurer ces derniers par des promesses parfois impossibles à tenir vu la situation dans laquelle se trouvait la Guinée. Des promesses du genre à attribuer telle responsabilité à telle région auraient largement contribué à accentuer les clivages ethniques. Raison pour laquelle, malgré une victoire finale de 52% au deuxième tour, les dés étaient déjà pipés pour ne pas voir une gouvernance paisible dans ce premier mandat.

Un gouvernement de récompense à la place des compétences

Le faible score de 52% malgré une multitude de partis alliés au second tour, le manque de cadres valables dans l’ancien RPG, et l’envie de satisfaire des promesses de campagne électorale auraient pondu un gouvernement qui ne pouvait relever les défis. Le président nouvellement élu était ainsi dans l’obligation d’être lui-même sur tous les fronts pour combler cette carence au sein de l’exécutif. Dès le début de sa gouvernance, les signaux venant des deux clans qui s’affrontaient, à savoir les alliés nouvellement venus et les militants des premières heures du RPG, auraient contribué à affaiblir l’élan du candidat élu. A la place d’un gouvernement de compétences, nous avons vu un gouvernement de récompense à l’œuvre. Les quelques rares ministres et hauts cadres qui étaient à la hauteur de leur fonction ne pouvaient relever les défis pour toute une équipe. D’où, malgré les bonnes performances macroéconomiques obtenues en un temps record et les grandes œuvres d’infrastructures initiées à travers tout le pays, d’aucuns avaient tout simplement qualifié le bilan du gouvernement de globalement négatif à la veille des élections législatives de 2013.

C’était encore à cause de ces insuffisances au niveau du gouvernement que les résultats des élections législatives n’avaient pas été en faveur du camp présidentiel ; et cela malgré un bilan macroéconomique largement satisfaisant. Le président de la République avait même reconnu les lacunes de ses collaborateurs au lendemain de ces élections. Mais malheureusement, ce dernier préférait s’en tenir aux velléités politiques en reconduisant une équipe qui avait déjà montré ses limites. D’ailleurs, à deux ans de la fin de son mandat, le président ne pouvait pas faire autrement au risque de créer des divisions au sein d’une mouvance déjà improductive. Le président de la République savait mieux que quiconque, qu’au-delà d’une simple représentation fabuleuse, il ne pouvait compter sur une telle équipe pour s’assurer d’un second mandat. Il fallait donc qu’il soit lui-même  à l’avant-garde de la lutte pour concrétiser le slogan « un coup KO ». Les multiples déplacements dans le pays profond du président et candidat pour un second en avaient surpris plus d’un, vu l’ampleur de l’accueil que les populations lui avaient réservé.              

Ces événements qui ont donné l’image d’un Etat faible

Au premier plan, on peut noter l’attaque sur la résidence privée du président de la République en juillet 2011. Notons que cette attaque, qui avait fait la une des medias internationaux, eut lieu en début de mandat du nouvel élu, et juste après une transition militaire qui avait hérité des événements sanglants du 28 septembre 2009. Cette attaque avait donc donné l’image d’une république bancale où le retour de l’armée dans les commandes de l’Etat pourrait se concrétiser d’un moment à l’autre. Ce genre d’événement, dans un pays comme la Guinée qui avait déjà connu les atrocités de janvier 2007 et de septembre 2009, ne pouvait rassurer les investisseurs sérieux. Sans les périples diplomatiques du nouvel élu à travers le monde, qui avaient suivi cet événement malheureux, la Guinée se relèverait très difficilement. Il faut préciser que ces déplacements multiples du président de la République à l’extérieur à travers ses relations bien nanties auraient beaucoup contribué à la stabilité du régime et à rassurer les investisseurs potentiels. C’est d’ailleurs l’une des meilleures stratégies mises en place par le président de la République ; il faut l’apprécier à sa juste valeur !

Les manifestations publiques organisées de façon récurrente par les opposants au régime et les dégâts matériels et sanglants qui ont souvent suivi, les violations des lois au profit de consensus politiques, la mise en cause de la légitimité du président de la République par ses opposants, ont tous donné l’image d’un Etat faible. En plus, la présence permanente de la communauté internationale dans les décisions politiques du pays était de l’ordre du jamais vu dans un Etat censé être souverain. On avait comme impression que la transition instaurée à la prise du pouvoir par le CNDD n’était pas encore terminée. Toute chose qui correspondait à celle d’un Etat faible.

En plus des tensions politiques et sociales qui ont jalonné le régime dès le début de son mandat, l’épidémie d’Ebola a été un coup dur pour le pays. Sans les actes macroéconomiques accomplis, et les grandes infrastructures routières et immobilières initiées par le président de la République avant même cette maudite maladie, la Guinée serait sans doute dans une dépression économique avec toutes ses conséquences. Dans ce cas on ne parlerait plus d’une récession. C’est pourquoi, il faut donner du crédit au gouvernement pour avoir réalisé une croissance moyenne de 2% en 2014, et en même temps maintenu l’inflation et certaines données macroéconomiques. Il faut l’avouer, il y a eu de la rigueur dans la gestion économique du pays.

En pareille situation, et à moins qu’il ne soit producteur de pétrole, il est presqu’impossible de voir un pays africain réussir un tel exploit : augmentation des salaires des fonctionnaires de l’Etat, subventionnement du carburant pour assurer des prix compétitifs, subventionnement des paysans, satisfaction des demandes syndicales, infrastructures réalisées au compte des festivités tournantes de l’indépendance pour ne citer que ceux-là. Ici, je ne parlerai pas du barrage de Kaléta et d’autres réalisations fruits d’un partenariat avec les partenaires au développement.

Ces institutions qui ont terni l’image de la République

La CENI et la HAC sont deux institutions indispensables pour l’instauration de la vraie démocratie en Guinée. Mais l’on se demande si réellement celles-ci mesurent la portée de leur mission dans la bonne marche de la République.

La CENI a plusieurs fois montré ses limites. Elle a été au centre de toutes les tensions politiques depuis le soir du premier tour de l’élection présidentielle de juin 2010. Si les lois qui régissent cette institution sont d’une lucidité parfaite, les hommes qui la composent ont été choisis par affinité. Finalement, nos politiques nous ont légué une institution composée de copains et coquins. Les défaillances techniques constatées lors de l’élection présidentielle d’octobre 2015 et les liens de famille qui unissent les membres de l’institution aux principaux leaders de la classe politique sont suffisants pour ne pas espérer à un miracle venant de cette institution. Elle doit être auditée et reconstituée selon les nouvelles donnes de la situation politique du pays. Une institution qui a osé mettre le président de la République et toute la classe politique devant le fait accompli ; puisqu’elle n’était pas aussi prête pour organiser l’élection présidentielle d’octobre 2015, n’a plus sa raison d’être. Ce comportement a donné l’occasion aux perdants de contester une victoire pourtant acquise légalement et légitimement du candidat réélu.

La liberté de presse est une évidence, même si quelque part nos hommes de medias ne semblent pas avoir la formation requise pour jouer pleinement leur rôle. Certains animateurs seraient des journalistes par accident. Les débats et les articles de presse seraient généralement personnalisés en violation flagrante de la déontologie. La HAC ne semble pas jouer son rôle, et c’est pourquoi ses positions seraient interprétées comme impartiales par certains organes de la presse. Cette institution d’une importance capitale pour l’instauration de la vraie démocratie en Guinée devrait travailler pour apporter la confiance et la transparence entre elle et ces organes proprement dits. Elle doit rassurer tous qu’elle est au-dessus de la mêlée. La RTG devrait être un instrument d’information et d’éducation pour les citoyens. Mais, la HAC semble fermer les yeux sur les manquements graves de nos medias publiques et privés. La propagande est plutôt une désinformation. Et elle n’a pas sa place dans le journalisme.

Conclusion

La Guinée continue son chemin dans l’apprentissage de la démocratie. Malgré les menaces et les tensions politiques tout au long du premier mandat d’Alpha Condé, les Guinéens ont, encore une fois, montré leur maturité lors de l’élection présidentielle d’octobre 2015. En effet, malgré les défaillances au sein de nos institutions de la République, les populations s’étaient massivement mobilisées pour voter pour le candidat de leur choix dans le calme et la responsabilité absolus.

La Cour constitutionnelle vient de proclamer les résultats définitifs de l’élection présidentielle d’octobre 2015. Ainsi, légitimement et légalement le vainqueur devient le président de la République. Espérons que le nouveau réélu sera le président de tous les Guinéens. En plus, souhaitons qu’il mette en place un gouvernement de compétents issus de toutes les sensibilités ethniques du pays et qui sauront relever les grands défis qui attendent.

La reconnaissance et le respect des institutions de la République par tous les citoyens est une nécessité absolue pour l’instauration de la vraie démocratie en Guinée.

Je souhaite bonne chance au président réélu. Que notre devise (Travail – Justice – Solidarité) soit finalement une réalité concrète !

D’ici là, merci de contribuer au débat.

 

A. Aziz Bah

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