GUINEE : mais en fin! A quand cette Assemblée nationale ?

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Évaluation de l'article

GBK Un mal ronge la Guinée depuis toujours. On le désigne par un mot peu courant, la procrastination qui signifie la tendance à remettre au lendemain ce qui est à faire. En même temps , domine dans le discours politique officiel comme une réalité à portée de mains une anticipation du futur. Ainsi l'émergence économique dont on est encore très éloigné,est un thème récurrent des discours présidentiels.

{jcomments on} Dans l'atmosphère d'incertitudes qu'entretient ce schéma d'évolution, maints citoyens ont fini par ne plus croire en rien: qu'est-ce qu'est l'Etat?… C'est une fiction dans la tête des politiciens qu'il sert. La morale civique?… Peuh!…Regardez la croissance galopante de la criminalité, les meurtres fréquents à Conakry et les tirs à bout portant par des forces de l'ordre sur des militants du principal parti politique d'Opposition, l'UFDG , on parle de 54 morts depuis 2011. Au vu de cette situation, on n'a pas l'impression que le pouvoir d'Alpha Condé ait pris pleinement conscience qu'il est assis sur une situation inique. On l'a assez écrit, le Président voyage à travers le monde comme quelqu'un qui avait toujours rêvé de voyages et qui n'en avait encore pas eu l'occasion. En somme, c'est comme si les délices du pouvoir l'emportaient sur les devoirs à l'intérieur du pays .

 
Parmi ces devoirs, l'organisation d'élections législatives qui ont traîné en longueur de juin 2011 à septembre 2013 , était censée conduire à une meilleure gouvernance, source de climat social apaisé incontournable pour tout développement d'un pays. Au fait, cette longue attente d'élections n'est-elle pas devenue surdimensionnée dans les esprits et qui risque de décevoir encore, compte tenu des habitudes inchangées dans la gestion publique du pays? Souhaitons le contraire et attendons de voir l'Assemblée élue au travail. A présent chacun a une idée du déroulement et des résultats des élections du 28 septembre dernier.Je ne vais donc pas répéter ce qui en a été dit de long en large. Le problème qui demeurait posé jusqu'ici était, à quand ? A quand l'Assemblée nationale va-t-elle se mettre au travail? Cette question était de savoir si, compte tenu des réclamations non satisfaites par la Cour suprême l'Opposition allait ou non siéger dans la nouvelle Assemblée.C'est à présent un problème résolu, l'Opposition républicaine, à l'exception du PEDN de l'ancien Premier Ministre Lansana Kouyaté, va siéger. C'est une très bonne décision pour la construction de la démocratie dans notre pays.
 
En considérant l'état actuel de la Guinée, c'est la moindre des observations à faire que de dire qu'il y a beaucoup à faire et qu'i faut que tout le monde apporte sa contribution. Qui mieux que les élus du peuple guinéen peut se placer au premier rang de ces contributions à donner? Le pays a besoin d'institutions solides nécessaires à sa construction et à son développement. On parle beaucoup d'investissements directs des pays industrialisés ou de pays émergents dans notre pays. Mais il ne faut pas se tromper d'époque, de 1960 à 1990 les flux d'investissements directs des pays industrialisés aux pays en développement ont été progressivement croissants, sans examens minutieux des institutions (stables ou vacillantes) des pays d'accueil de ces investissements. Des facteurs spécifiques concouraient à ces mouvements: longue période de croissance économique ininterrompue des pays candidats à l'investissement extérieur (1950-1980, voire 1990), désirs de conquêtes de marchés extérieurs dans le monde bipolaire d'alors , etc. Ces facteurs ont été amoindris par la crise économique et financière intervenue par la suite et la fin de l'antagonisme Est-Ouest. D'où, à part la recherche d'investissements à finalité d'approvisionnement en matières premières, les traditionnels investisseurs dans un pays en développement sont devenus plus exigeants sur la solidité des institutions des pays d'accueil. En outre, il faut savoir qu'il y a une mode dans toutes les activités humaines du temps qui court . La grande mode du tiers-mondisme où les capitaux affluaient dans cette sphère de la planète,conduisant d'ailleurs à gonfler la dette extérieure du Tiers-Monde, n'est plus au gout du jour. C'est pourquoi, tout en continuant à attirer chez-soi des investisseurs, une certaine discrétion doit être de règle, de la part des dirigeants guinéens, pour ne pas décevoir toujours plus, l'attente des populations. Certes l'obligation d'information de la population sur les efforts du gouvernement en maints domaines s'impose mais peut se faire sans les battages médiatiques sans commune mesure avec la réalité qu'on emploie à Conakry. Les Chinois ont été longtemps discrets sur les investissements étrangers, en ne parlant que d'économie socialiste de marché, jusqu'à ce qu'ils aient atteint plusieurs années de suite des taux de croissance économiques à deux chiffres. Les tam- tams qui crépitent chez nous à chaque annonce d'investissements qui ne vont pas plus loin que les protocoles d'accord ne peuvent pas affermir la confiance des Guinéens dans l'Etat.
 
Le contexte justifie que l'Etat repose sur des fondements juridiques et institutionnels solides. Des députés qui ne soient pas seulement des béni- oui- oui de l'exécutif peuvent contribuer à l'embellissement de l'image de la Guinée non seulement dans l'optique d'attraction de l'investissement international mais aussi dans celle de la mise valeur du potentiel touristique indéniable du pays. Tout en veillant scrupuleusement sur la satisfaction des besoins essentiels de la population (éducation, santé, alimentation, électricité domestique, eau courante, etc), les députés ont de vastes chantiers devant eux.Traditionnellement, ils votent la loi et contrôlent l'action du gouvernement et l'évaluation des politiques publiques. Dans notre pays ils doivent s'attaquer aussi à un chantier national auquel il faut accorder une importance capitale, c'est celui de la taille du multipartisme politique. Tout le monde se rappelle que cette question s'est posée au début des années 1990, lors de la mise en place du multipartisme , le souhait du Général Lansana Conté, alors Chef de l'Etat (paix à son âme), avait été de limiter la taille du multipartisme et ce sont les leaders politiques de l' Opposition qui ont voulu le multipartisme intégral. C'était une erreur. Le trop grand émiettement de l'espace politique d'un pays de la taille démographique de la Guinée, 11 millions d'habitants, et de surcroît en apprentissage de la démocratie ne peut conduire qu'à l'instauration en politique de Parrains de type mafieux autour desquels gravitent de multiples petits partis qui leur sont redevables. Les formules sont nombreuses pour passer du multipartisme intégral en vigueur à un multipartisme limité par exemple à cinq ou six partis au lieu de plus de cent partis actuels. Voilà un champ d'action sur lequel les députés peuvent travailler en élaborant des critères à soumettre au Ministère compétent pour la reconnaissance d'un parti politique. Par exemple, le pourcentage  des voix obtenues d'électeurs inscrits aux prochaines élections qu'on espère devoir se dérouler avec plus de transparence. Il y a d'autres exemples.
Pour ce qui concerne la situation existante, il faut que se présente, en face du parti au pouvoir, une Opposition républicaine fortement bien organisée. Cest une des conditions sine qua non de la construction de la démocratie dans notre pays. C'est déjà une bonne décision prise, comme indiquée ci-dessus, par cette Opposition républicaine d' envoyer ses députés siéger dans la nouvelle Assemblée nationale. C'est une décision à saluer, car même si les élections n'ont pas eu la transparence que des démocrates attendaient, un pas a été franchi dans la marche vers cette formule de transparence . Je crois d'ailleurs que c'est ce qu'ont retenu les observateurs de l'Union Européenne pour n'avoir pas été jusqu'au bout du jugement d'irrégularités dans les votes qu'ils avaient relevées, notamment par l'embauche de ministres et l'utilisation de camions de l'Etat par le RPG, parti au pouvoir. Je crois aussi que c'est pour pousser vers un apaisement social , qu'a été annoncé le rétablissement de la coopération de l'Union européenne avec la Guinée au titre du Fonds européen de développement et le dégel du 10e FED, suspendu depuis le coup d'Etat de décembre 2008.
 
Vont cependant manquer au groupe de l'Opposition à L'Assemblée , les deux députés du PEDN. Lansana Kouyaté son Président s'est expliqué là-dessus. On peut comprendre son amertume bien fondé car il y a des situations d'injustice difficiles à avaliser. A ses résultats négatifs d'élections qu'il a constatés notamment en Haute-Guinée, il n'y avait aucun rapport, a-t-il dit , avec sa connaissance du terrain électoral. Tout homme que lui en aurait senti un énorme dépit mais en leader d'expérience de la scène politique guinéenne, il aurait dû siéger pour apporter sa solidarité à ses collègues de l'Opposition. Ceux qu'il estime l'avoir grugé sur ses électeurs ne seront là qu'un temps. Mais on doit respecter le choix du Président du PEDN..
 
Le parti de l'Opposition, le plus  attaqué avec virulence par le Pouvoir non pas comme un adversaire politique mais comme l'ennemi de la nation, est sans conteste l'UFDG et son leader El hadj Cellou Dalein Diallo. A ce sujet c'est de haine qu'il faut parler. On s'est focalisé, au sein du RPG et de ses satellites , sur Cellou Dalein pour lui imputer tous les maux de la Guinée et en tout cas toutes les incompétences qui sont celles du pouvoir d'Alpha Condé. Cest une peur incompréhensible devant ce parti qui peut expliquer cette attitude. L'UFDG a subi tellement de coups bas et hauts du pouvoir qu'il serait déjà en miettes si elle n'était pas solide. C'est le parti qui a subi le plus des pertes en vie de jeunes manifestants , tirés par les forces de l'ordre comme des lapins à bout portant; c'est le parti qu'a voulu détruire de longues mains l'opération avortée de Manden Djallon. Et si Cellou Dalein avait, d'aventure, tenté une opération similaire dans le Wasoulou , que n'aurait-on pas entendu? Toutes les opérations infructueuses contre l'UFDG ont échoué parce qu'il faut reconnaître que ce parti est le plus solide structurellement parlant. Il n'est pas tissés d'opportunistes de rencontre et sans conviction solide qui changeraient de fusil d'épaule à la première occasion. On connaît, aujourd'hui, des sbires du Chef de l'Etat qui voulaient sa peau sous Lansana Conté. .
 
Outre les tentatives du Pouvoir pour détruire l'UFDG , sont venus en renfort pour sa démolition, des éléments plus “ethnicisants” qui, sous prétexte que Cellou Dalein n'est pas assez pugnace, veulent le remplacer. Ceux-ci sont donc à la recherche de “boulons” de rechange et ne semblent donc pas tirer de leçons des législatives d'où Cellou Dalein ne s'est pas mal tiré d'affaires.Son entente avec le Président de l'UFR, Sidya Touré a été des plus porteurs d'avenir positif. En politique tout le monde ne peut pas être le premier de la classe, comme cela se passe à l'école. Il faut que ceux qui démolissent de l'intérieur l'UFDG , noyau dur de l'Opposition guinéenne pour la construction de la démocratie en Guinée, réfléchissent. On ne change pas un leader politique comme on change une chemise. J'ai comme souvenirs de lycéen à Conakry dans la première moitié de la décennie 1950, les rivalités de MM. Diawadou- Saïfoulaye-Barry III, (paix à leur âme), j'ai comme souvenirs, il n' y a pas longtemps du duel Ba Mamadou- Siradiou Diallo (paix à leur âme) . A quoi ont conduit ces rivalités intestines? Et qu'on ne me parle pas dans ces exemples d'ethnocentrisme peul. On pourrait parler au contraire de neutralisation des uns par les autres et vice versa. En tout cas de l'action de ceux qui ont revêtu l'habit écarlate d' apprentis sorciers ,il ne faut pas s'attendre à une alternance en 2015.
 
Je rappelle ces faits et l'ai fait dans des articles sous Lansana Conté, pour dire que:
 
  • un parti naît toujours en lieu déterminé du territoire sans pour autant se cantonner dans l'habillage régionaliste ou ethnocentriste;
  • l'envergure d'homme d'Etat de son Président peut lui permettre une irradiation du territoire national lui permettant petit à petit d'échapper à l'enfermement supposé ethnique;
_ Sauf coup d'Etat militaire, le leader parvient au pouvoir par la durée de son combat et la maîtrise de la conquête du pouvoir qu'il acquiert au cours de ce combat. C'est au nom de cette durée qu'Alpha Condé avait juré dans l'entre -deux- tours de la présidentielle qu'il ne peut pas perdre.
  • Des leaders politiques et non des moindres ont, dans leurs courses au pouvoir renforcé la coloration ethnique du pouvoir . Alpha Condé au pouvoir a ouvertement pratiqué cette voie. On ne peut donc pas honnêtement chargé le seul leader de l'UFDG d'être le champion de “l'ethnicisation” de parti politique. Ce qu'on lui reproche aussi sans le dire ouvertement c'est la trop faible volatilité de ses électeurs en Moyenne-Guinée.
  • Si je souhaite qu'on renforce l'UFDG , c'est pour qu'elle joue le rôle de moteur d'une Opposition guinéenne, rempart à toute dérive autocratique du pouvoir en place. A ceux qui veulent la diviser par des querelles intestines , ils doivent savoir qu'ils travaillent pour le pouvoir en place. Un nouveau venu à la tête de l'UFDG sera loin d'avoir l'expérience de Cellou Dalein, quelles que soient par ailleurs ses qualités personnelles et ses bonnes intentions.Il sera balayé comme fétu de paille avant qu'il ne s'en aperçoive.
Pour conclure cette note, je dirais que l'expérience stimulante que vont mener pour la première fois, une vraie majorité face à une vraie opposition dans cette nouvelle Assemblée nationale guinéenne, est attendue avec espoirs. Ne les décevez pas Honorables députés!
 
Mais enfin! A quand siégez-vous ?
 
 
Ansoumane Doré – Dijon, France
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