Guinée: trêve des affrontements, l’opposition affiche sa méfiance

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L’opposition guinéenne ne désarmait pas mercredi, malgré la suspension de ses manifestations à Conakry après 48 heures d’affrontements meurtriers entre ses partisans et les forces de l’ordre, exprimant son scepticisme sur la volonté d’ouverture du pouvoir.

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Le porte-parole de l’opposition Aboubacar Sylla a annoncé dans la soirée pour lundi «une autre marche pacifique dans les cinq communes de Conakry» contre la Commission électorale nationale indépendante (Céni) qui a renvoyé le scrutin local à 2016, après la présidentielle, fixée à octobre.

 

Cette marche sera suivie d’une autre, le 23 avril, dans tout le pays cette fois, a précisé le porte-parole, à l’issue d’une réunion des dirigeants de l’opposition, dont les anciens Premiers ministres Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré, au domicile de ce dernier.

 

Dénonçant «l’impunité» accordée selon elle par les autorités aux forces de l’ordre, l’opposition a fait état d’un troisième mort, âgé de 25 ans, s’ajoutant aux deux déjà connus, un homme de 30 ans et une fillette victime d’une chute, ainsi que d'«une cinquantaine de blessés dont au moins douze par balles et près de cent interpellations».

 

Le porte-parole du gouvernement, Damantang Albert Camara, a indiqué à l’AFP qu’une «enquête est déjà ouverte au ministère de la Justice par le procureur de la République», à la demande du Premier ministre Mohamed Saïd Fofana, sur les morts et les blessés.

 

Il réagissait à une demande d’enquête d’Amnesty International, l’organisation affirmant, sur la foi «des témoins et des défenseurs des droits humains», que des gendarmes ont tiré sur les manifestants.

 

– Crainte de fraudes électorales –

 

Le ministre des droits de l’Homme Gassama Diaby a pour sa part reconnu dans une émission sur une radio privée que les exécutifs communaux provisoires, désignés par le pouvoir faute de scrutin local depuis 2005, avaient depuis longtemps perdu leur légalité, leur mandat ayant expiré, comme le soutient l’opposition.

 

Mais il a déploré que celle-ci ait en conséquence refusé de présenter une déclaration officielle pour les manifestations de cette semaine, considérant qu’elle aurait pu s’adresser «au gouverneur ou au ministre de l’Administration du territoire».

 

Echaudée par les précédents scrutins, dont elle a contesté les résultats, la présidentielle de 2010 et les législatives de 2013, l’opposition affirme redouter des fraudes massives à la prochaine présidentielle, notamment par les exécutifs communaux, chargés de la distribution des cartes d’électeurs et du matériel électoral.

 

Dans une déclaration conjointe, elle a mis en doute la sincérité des appels au dialogue du gouvernement, «plus destinés à tromper l’opinion nationale et internationale qu’à exprimer une réelle volonté d’ouverture».

 

Disant s’être «souvent heurtée au refus de dialogue du pouvoir ainsi qu’à ses manœuvres dilatoires pour éviter d’en appliquer les conclusions», elle a réitéré son exigence de «participer à une autre concertation avec

lui», du gel des activités de la Céni et de l’annulation de l’inversion du calendrier électoral.

 

Le gouvernement a proposé mardi à l’opposition de reprendre le dialogue, se disant «ouvert à toute suggestion respectueuse des lois et prenant en compte toutes les contraintes qui permettra d’aboutir à un consensus autour des échéances électorales».

 

Pour couper court aux soupçons de l’opposition, le gouvernement affirme depuis plusieurs mois inviter officiellement des observateurs internationaux afin de garantir l’intégrité du scrutin.

 

Le président Alpha Condé, un opposant historique qui a connu la prison, est le premier chef de l’Etat démocratiquement élu de cette ex-colonie française, indépendante depuis 1958, dirigée jusqu’alors par des pouvoirs autoritaires, une période jalonnée de coups d’Etat et de répressions sanglantes.

 

Selon Vincent Foucher, spécialiste de la Guinée au groupe de réflexion International Crisis Group (ICG), par cette mobilisation, «l’opposition a réussi à attirer ainsi un peu l’attention internationale sur ses revendications».

 

«Avec l’élection au Nigeria, on s’est rendu compte qu’il était possible de faire des expériences électorales qui marchent bien en Afrique, y compris dans des situations qui semblent très difficiles. Donc les acteurs internationaux marquent un peu plus leur préoccupation» sur le processus en Guinée, a-t-il expliqué à l’AFP.

 

«Mais la discussion pourrait prendre du temps», estime-t-il, rappelant qu’il avait «fallu presque trois ans, toute une série de manifestations et plus de 50 morts pour atteindre un accord sur les législatives» de 2013.

 
 

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