Le scandale de Simandou

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GBK Je ne sais plus quel philosophe disait un jour qu’un paysage est toujours un état d’âme. Mutatis mutandis, les événements qui se produisent dans la vie d’un peuple ne sont jamais perçus par tout le monde de la même manière.

{jcomments on} Aujourd’hui, pour nombre de mes compatriotes, les élections législatives constituent la chose la plus importante dans la vie des Guinéens. Je n’en suis pas certain. Relativisons les choses. Outre que ces élections ne changeront pas grand-chose à la vie de nos compatriotes, elles ne sont que circonstancielles, éphémères et non inscriptibles sur la listes des événements qui, dans cent ans, retiendront l’attention des historiens.

D’autres choses me paraissent infiniment plus importantes. Parmi elles, l’affaire de Simandou. Grâce soit rendue à notre ami Ben Daouda Touré,  pour y avoir consacré, avec l’énergie et la persévérance que l’on sait, quelques articles de qualité. Puis, la presse internationale (américaine d’abord, française ensuite) s’est emparée de l’affaire.

Mais, à ce jour, si l’on excepte l’article de M. Laye Bamba paru dans le forum, l’affaire de Simandou ne semble guère nous émouvoir outre mesure. Pour certains de mes compatriotes désabusés, presque anesthésiés, il ne s’agit que d’une banale affaire de corruption. Une de plus, disent-ils. Rien donc de nouveau dans le firmament guinéen. Erreur de jugement.

L’affaire de Simandou devrait nous intéresser pour plusieurs raisons.

D’abord, parce que la concession de cette portion de terre à des intérêts étrangers représente la plus grave transgression denotre souveraineté, une dilapidation flagrante de notre patrimoine. On oublie souvent que le déclin des nations commence par le renoncement des peuples à leurs valeurs, à leurs héritages.  Simandou, ce n’est pas seulement une richesse matérielle, c’est aussi une histoire, un passé à préserver. 

Ensuite parce que financièrement, cette transaction constitue une véritable aberration. Beny Steinmetz a acquis Simandou pour la bagatelle de 165 millions de dollars et a revendu, quelques semaines plus tard, la moitié de ses parts au groupe brésilien Vale pour 2,5 milliards ! Mo Ibrahim, l’homme d’affaires soudanais, a vu juste lorsqu’il affirmait que « les Guinéens qui ont fait ce deal sont des imbéciles, des criminels, ou les deux à la fois ». Des imbéciles ? Peut-être, mais des criminels à coup sûr. Et il y en a eu beaucoup sous la Deuxième République, cette république des copains et des coquins où tout était permis sous les regards complaisants d’un président agonisant.

L’affaire de Simandou suscite de nombreuses questions auxquelles il faudra répondre. Si elle veut servir les intérêts du peuple de Guinée, la nouvelle assemblée nationale issue des élections devra se saisir du dossier pour tenter de déterminer les complicités internes. Outre le ministre des mines de l’époque, d’autres personnalités guinéennes ont sans aucun doute trempé dans cette affaire. Il serait bon de les identifier pour les déférer devant la justice guinéenne.

Dans la partie qui est engagée entre la Guinée et Beny Steinmetz, le milliardaire franco-israélien, le président de la République a joué un rôle exemplaire. Il a failli y laisser sa vie. Mais le combat pour la reconquête de notre terre et la défense denos intérêts ne doit pas être l’affaire d’une seule personne. D’autres voix, dont celles des leaders de l’opposition, devraient se faire entendre publiquement. Or pour l’instant, il n’en est rien. Cellou Dalein et Sidya Toure, déjà soupçonnés d’avoir bénéficié des largesses du milliardaire franco-israélien, ont tout intérêt à clarifier leur rôle dans cette affaire. La nouvelle assemblée nationale ne doit pas être un refuge pour politiciens corrompus en quête d’immunité parlementaire.

Ma seule consolation est de savoir que le dossier de Simandou est entre les mains de la justice américaine, bien à l’abri des magouilles françaises. Pour cette raison, les cadres et hommes politiques guinéens trempés dans cette sordide affaire ont bien de soucis à se faire.

Dr Mamadi Keita Babila

Washington, DC

 

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