Démarrées, le 25 mars 2016, les consultations nationales sur la réconciliation, pilotées par la Commission Provisoire de Réflexion sur la Réconciliation Nationale (CPRN) n’a duré que seulement quatre semaines. La durée de ces consultations n’est-elle pas trop courte pour recueillir les avis, opinions et désidérata des Guinéens sur les mécanismes et le processus de réconciliation ?…
{jcomments on}
Bien que nos deux coprésidents aiment se référer au Togo qui, à leurs yeux a réussi ses consultations nationales et sa réconciliation, les nôtres furent trop approximatives et l’opinion nationale ne put pas s’en approprier. Le rapport qui sera, dans les prochaines semaines, rendu au président de la République pourrait-il être considéré comme l’expression fidèle de nos vœux ?
Il serait trop tôt de s’attaquer à un rapport, qui n’est pas encore produit, mais ce serait un cynisme que de ne pas parler de la méthodologie usée par la CPRN pour recueillir les avis des Guinéens sur la réconciliation tant mandée. Celle-là souffre des insuffisances qui pourraient avoir raison de l’ambition nationale de réconciliation. D’ailleurs, pouvait-on trop exiger d’une commission dont la composition décrivait le mieux l’ambivalence de notre exécutif ? Peut-on semer la mauvaise graine pour espérer en éclore le fruit délicieux ?
Les consultations ont eu lieu, mais ont-elles réussi à impliquer tout le peuple de Guinée à cette démarche solitaire ? Comment pouvait-on recueillir, en bonne et due forme, l’avis des Guinéens alors que la mémoire collective s’est délitée ? Il n’y avait-il pas la nécessité de mener de grandes campagnes de sensibilisation, des conférences, séminaires, etc., afin d’interpeler les uns et les autres, de mobiliser les forces de la nation et de préparer l’opinion nationale aux desseins et débouchés des consultations ? Des communications ponctuelles eurent lieu, mais elles avaient une cible bien définie, pas les Guinéens dans la globalité. Autrement, d’autres canaux auraient dû être usés. Les Guinéens, auxquels l’histoire de la Guinée, celle-là après l’indépendance n’est point enseignée dans le cadre de l’éducation formelle pouvaient-ils avoir des avis pertinents sur un passé à solder et qui leur est inconnu, pour la majorité ? Que pouvait-on espérer d’une telle démarche anachronique ? Comment expliquer le fait que la réconciliation soit un vœu national et que les Guinéens aient faiblement participé à cette démarche. L’un des coprésidents de la CPRN, peut s’en féliciter de l’atteinte des objectifs, lesquels sont à ses yeux surpassés. Mais, les différents échantillons pour les différents types d’entretien sont-ils représentatifs de la population guinéenne ?
Les Guinéens n’ont pas été autant impliqués et la démarche de la CPRN n’a été que sélective. Elle ne s’est intéressée qu’à une escouade et elle ignora l’avis de la majorité. La minorité bruyante, les associations de victimes qui ne cessent de grossir de par leur nombre, furent les premiers à avoir la parole. La CPRN s’est donc trempée dans une démarche manichéenne : les victimes et les bourreaux. Les premiers représentés par les associations de victimes et leurs parents, les seconds qui devaient se trouver dans le camp de l’Etat et de ses appareils. La majorité, fut exclue, pourtant la réconciliation ne doit pas être stationnaire et monolithique, mais dynamique et transversale. Donner la parole aux victimes en premier, ce n’est pas un crime que de le faire, mais l’interdire aux autres pourrait l’être d’autant plus que les consultations exigent que l’avis de la majorité soit tenu en compte. La CPRN pourrait user le faux-fuyant qu’elle n’est qu’une commission provisoire, mais ses travaux servent de substrats à la réconciliation et de matières premières pour la commission définitive à mettre en place. Quand les matières premières laissent à désirer, comment les produits finis pourraient-ils être de bonne qualité ?
Parlant de la commission définitive à implémenter, comment le choix des ressources diverses se ferait, sachant que les recueils dans attentes, avis et opinions sont approximatifs ? La CPRN ne voulait pas que la majorité dise mot. Pour elle, celle-là n’avait rien à dire, car ses soi-disant personnes ressources avaient plus à dire que n’importe quel autre guinéen. Où est l’inclusion tant ressassée ?
Tout ce qui est fait par une escouade, sans inclusion de tous, du moins de la majorité, surtout au sujet d’une problématique aussi cruciale que les consultations nationales, prémisses à la réconciliation nationale, est contre la Guinée et les Guinéens. La trahison qui se trame à l’horizon est d’une gravité sans précédent. Elle est contre les victimes, leurs parents, l’Etat de Guinée et la Guinée. Tout ce qui est fait n’est pas fortuit. Il n’a qu’un seul but : fabriqué un consentement qui n’est pas celui du peuple de Guinée, mais d’une groupie, tapis dans l’ombre, voulant détourner un vœu national pour réussir son combat de démolition, à jamais, de notre mémoire historique délitée.
Il faut que, notre génération, la mienne, résiste par tous les moyens légaux et pacifiques aux partisans des méthodes simplistes à nos problèmes complexes nécessitant des approches holistiques. Une réconciliation factice et arrangée serait bien plus dangereuse que l’absence de réconciliation. Elle serait une véritable bombe à retardement et ferait porter aux générations prochaines, le fardeau d’un péché originel : l’inconséquence de leurs ainés. Elle enfantera des ressentiments et la crise de confiance verticale, celle entre l’Etat et ses citoyens s’accentuerait d’avantage. A l’heure, où tous appelons de nos vœux à la réconciliation nationale, notre combat ne doit pas être celui de l’acceptation d’une réconciliation mensongère, mais le combat pour celle vraie. Cela exige que nous interrogions les méthodes empruntées par la CPRN pour les consultations nationales, sinon nous aurons raté le coche.
Ibrahima SANOH,
Citoyen guinéen.