Les Guinéens ont faim…Alpha Condé ne s’est préoccupé que de sa pérennité au pouvoir…(par Haroun Gandhi Barry)

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Alpha Condé a changé la constitution guinéenne pour paraître un homme neuf aux yeux des Occidentaux, qui exigent une légalité – même si elle n’est que de façade.

Alpha Condé était pourtant contre la limitation des mandats, mais sa nouvelle constitution limite le nombre de mandat. Où est la cohérence ? Est-ce à dire qu’il est pour l’application de cette règle, mais … seulement pour les autres ?

Sur le principe on pourrait admettre que le peuple souverain puisse vouloir qu’un chef d’État rempile une troisième, voire une quatrième fois. Encore faut-il que les élections soient réellement transparentes pour que le peuple soit sûr que sa voix est entendue.

De toute façon, la plupart des Guinéens sont analphabètes – en français – et ignorent l’intérêt d’une constitution. Ce qu’ils voient en revanche, c’est que le vendeur de promesses qu’est Alpha Condé, veut se maintenir au pouvoir, alors qu’il n’a rien apporté aux Guinéens, sauf la désolation. Il n’a même pas réglé les nombreux contentieux qui couvent depuis 1958, chacun gardant en mémoire les évènements passés, au risque qu’ils explosent un jour ou l’autre, d’où le principe de réconciliation pour apaiser les rancoeurs.

Seuls les Chinois, au prix du bradage des ressources naturelles du pays, ont construit un barrage – qui restera en Guinée -, mais dont on n’a pas étudié au préalable l’impact et surtout l’efficacité. C’était lors du premier quinquennat, depuis, plus rien …

alors que les Guinéens ont faim

Je ne parle pas de l’eau qui fait de plus en plus défaut, des routes toujours défoncées, de la saleté qui règne à Conakry… (une véritable honte) les Guinéens s’en accommodent tant bien que mal. Mais les Guinéens ont faim et ce n’est pas l’électricité gratuite temporaire qui y changera quelque chose, ce ne sont pas les millions de GNF distribués ponctuellement ici et là pour chanter les louanges d’Alpha Condé, qui y changeront quelque chose.

Les discussions au sujet des législatives, de la modification de la constitution, du troisième mandat ont été, un temps, à la mode. Elles restent le souci du FNDC et des partis politiques d’opposition, mais ne sont plus guère plus que des sujets théoriques de ceux qui écrivent sur le net.

Le million de morts du Covid dans le monde, le duel Biden/Trump aux États-Unis, la « sécession » du Haut Karabach en Azerbaidjan, la libération des otages au Mali, les tensions en Thaïlande… sujets qui sont la monnaie quotidienne de l’information internationale (pas forcément à la RTG), les Guinéens s’en moquent, car ils ont faim. Rien de tout cela ne les atteint directement. D’ailleurs la RTG leur répète chaque soir que la Guinée est émergente et avec Alpha Condé, vous allez voir ce que vous allez voir. Pourtant on a vu !!!

La jeunesse a perdu espoir, mais les étudiants hésitent à manifester, à bouger, ayant pourtant des protestations à faire entendre. Quant aux autres jeunes, ils cherchent du travail et n’en trouvent pas, car il n’existe pas. Les promesses des hommes politiques leur paraissent stériles, voire inutiles. Heureusement, la télévision est là pour détourner l’attention vers les faux problèmes dont tout le monde se moque.

Le roi fainéant Alpha Condé ne fait rien et profite même du couvre-feu lié au Covid, pour ne même pas aller à la rencontre des Guinéens, préférant dérouler sa campagne par visioconférence, voire en utilisant les moyens aéroportés de l’État. Il cherche à dramatiser la vie politique en exagérant les dangers extérieurs (djihadisme) et les périls intérieurs (les étrangers, désignant ainsi les Peuls).

Chômeurs, jeunes sans emploi, petits paysans, handicapés, personnes âgées plus ou moins abandonnées de tous, mais même des travailleurs… les Guinéens sont tellement absorbés par la recherche d’une pitance, qu’ils n’ont pas le temps, ni la volonté de manifester et de s’agiter, car ils ont faim.

Pour Alpha Condé, les Guinéens sont heureux, ils n’ont pas de problème, surtout s’ils votent pour lui, afin qu’il poursuivre sa grande œuvre : continuer à s’en mettre plein les poches, lui qui n’a jamais travaillé et ne sait pas comment on gagne l’argent. Pour lui c’est simple, les Chinois n’ont qu’à ramasser des cailloux (ou autre chose ?), donner des miettes aux dirigeants, ces derniers ne devant simplement que rester en place – pour perpétuer le système – au prix de compromissions, de mensonges, d’intimidations, de menaces, voire de violences.

Pourtant le vrai but de la politique n’est pas d’administrer le moins mal possible ou de réaliser quelques progrès, mais de conduire un peuple et lui ouvrir des horizons. Ceux d’Alpha Condé, sont de dire que demain avec lui, tout ira mieux. Avec lui et sa nouvelle constitution la pluie va venir, les femmes ne se laisseront plus faire, les jeunes pourront gouverner (mais après lui bien sûr). Pourtant dix ans sont passé et la situation a empiré. Alpha Condé a beau invoquer des excuses à son inaction (Ebola, opposition, covid), il a pourtant montré que lorsqu’il le voulait,les choses se faisaient !!! (élections truquées, modification de la constitution, éviction des présidents d’institutions comme la CENI ou la Cour constitutionnelle, pas de procès des crimes du 28 Septembre, exil forcé de Dadis…). Donc ce qui n’est pas possible un jour, ne le serait pas le lendemain ?

Alpha Condé a dribblé tout le monde

Contrairement à une certaine presse qui déclare qu’Alpha Condé est le premier président démocratiquement élu de Guinée (en omettant les conditions lamentables de 2010 par lesquelles celui-ci a pu accéder au pouvoir), il n’est pas possible de gagner les élections en Guinée, si on ne contrôle pas la CENI et accessoirement la Cour constitutionnelle1. Alpha Condé l’a bien compris, lui qui s’est empressé de corrompre le fichier électoral avec un, voire 2 millions d’électeurs fantômes, en détournant l’attention de l’opposition sur ce problème évident. Et pendant que certains se focalisent sur ce fichier, Alpha Condé avance.

Alpha Condé a en effet triché en 2010 (avec des complicités) et a découvert qu’on pouvait devenir président de la république sans respecter les règles, et même pire, en les bafouant. En 2015, il a fait en sorte qu’on ne perde pas de temps, en apparaissant comme quelqu’un qui respecte les règles formelles, et en gagnant des élections avec un fichier créé artificiellement pour l’occasion, et en 2020 après ses nombreux tours de passe-passe (restructuration de la CENI, changement du président de la Cour constitutionnelle, modification de la Constitution…), il veut donner l’illusion d’une légitimité, en violant ici ou là de nombreuses procédures. Il sait que l’opposition va protester pour la forme, mais ne fera rien d’autre. Pire il sait que l’hypocrite « communauté internationale » fera semblant de l’admonester pendant une semaine, voire une quinzaine de jours, puis… on passera à autre chose. La communauté internationale pratique en effet le fétichisme électoral, en réduisant l’exercice démocratique au rituel des élections, élections validées internationalement même quand la fraude est massive. Et une fois les élections reconnues comme justes et transparentes – ce qui est souvent le cas -, alors le pays est durablement estampillé « démocratie » au mépris des réalités.

Pourquoi donc Alpha Condé se gênerait-il de respecter les règles, puisque se comporter comme un voyou fonctionne comme sur des roulettes, cependant que l’opposition s’entête à essayer de respecter des règles que tout le monde bafoue depuis 1958.

Les anciens premiers ministres ont certes des qualités certaines, mais ne sont devenus ce qu’ils sont, que par la grâce de quelqu’un qui les a nommés et non par un effort personnel. Ils ne savent donc pas mouiller le maillot et prendre le pouvoir comme ils pourraient le faire, et ça Alpha Condé l’a bien compris, qui peut les ridiculiser comme il le fait.

Pourtant chacun devrait avoir compris que nous ne sommes plus dans une phase où il faut respecter le droit, que de toute façon, personne ne respecte en Guinée.

Certes ce n’est pas simple de lutter contre des régimes dictatoriaux en Afrique (ça se saurait), mais il faut au moins essayer en utilisant tous les moyens divers utiles pour y parvenir, ce que ne fait pas l’opposition qui croit qu’en utilisant toujours les mêmes techniques, elle parviendra à des résultats différents. Albert Einstein disait que la folie était de toujours faire la même chose et de s’attendre à un résultat différent.

Aujourd’hui le peuple doit faire entendre sa voix

Or personne n’oublie qu’avant les élections2, pendant3 et après4 les partis politiques n’ont nullement agi. Donc l’opposition guinéenne n’a aujourd’hui que deux choix pour faire entendre la voix du peuple, faire comme les :

  • Sénégalais qui ont bouté Abdoulaye Wade hors de la présidence de façon pacifique mais déterminée, parce qu’ils estimaient que le résultat des élections ne coïncidait pas avec la volonté du peuple,
  • Burkinabés, qui ont bouté Blaise Compaoré hors de la présidence, là aussi de façon moins pacifique, mais déterminée, parce qu’ils estimaient que le résultat des élections ne coïncidait pas avec la volonté du peuple.

Lorsque les dirigeants ne respectent pas la volonté du peuple, ce dernier doit faire entendre sa voix, que ce soit avec Cellou Dalein Diallo, qui a intérêt personnellement à se comporter comme un vrai leader, sous peine de tirer un trait définitif sur son avenir politique, car le pays a besoin d’hommes d’action, pas de contemplateurs de la vie politique, ou avec le FNDC, qui a vocation à fédérer toutes les bonnes volontés favorables à une vie démocratique. Enfin le peuple a son mot à dire et doit se faire entendre.

L’unique priorité aujourd’hui est de chasser Alpha Condé du pouvoir, car si on ne le fait pas maintenant, tout le monde en prend au moins pour 5 ans, voire plus si sa santé reste optimale, ce qui signifie la perpétuation d’un régime où il :

  • n’y a pas (ou peu) d’électricité,
  • n’y aura plus d’eau demain (car il n’existe aucune politique de l’eau en Guinée),
  • n’y a pas d’emploi (sauf public pour les affidés, les opportunistes, les militants et les faux-culs…),
  • n’est possible que de se soigner à l’étranger,
  • est courant d’embaucher des retraités au détriment des jeunes ou des femmes,
  • est possible de mourir écrasé par des ordures dans la capitale Conakry,
  • est possible de ne se former à l’école et/ou à l’université, que dans des disciplines inutiles pour le pays,
  • est courant de violer les droits de l’homme, qui n’existent d’ailleurs pas,
  • est courant de voir le nombre de repas journalier diminuer,…

ce qui implique que les Guinéens continueront d’avoir de plus en plus faim…

Si ce sont ces perspectives qui intéressent les Guinéens – 10 ans suffisent pour se faire une idée de ce qui est possible – ils n’ont qu’à faire l’autruche et faire comme si de rien n’était. Si en revanche ils veulent du changement (celui qu’on leur a kidnappé), il faut réagir et chasser Alpha Condé par tous les moyens. Il y a tout à faire en Guinée, mais l’argent ne va pas là où il doit aller… la croissance ne se mange pas, et les Guinéens ont faim…

La Guinée a été capable de dire non il y a plus de soixante ans pour faire cesser la colonisation française, elle doit encore être capable de dire non aujourd’hui pour faire cesser le viol de leur pays par un escroc, c’est-à-dire un individu, qui s’est vu remettre les destinées du pays en trompant les Guinéens, mais surtout en voulant continuer à le faire.

Gandhi, citoyen guinéen

« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace ». (Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, Mai 1791).

1Le problème n’est pas le fichier électoral, mais le pouvoir donné au président de la CENI. Encore une fois, même si par magie, l’opposition arrivait en tête aux élections présidentielles, le président de la CENI a le pouvoir – contestable uniquement devant la Cour constitutionnelle – de choisir qui sera président de la république, en annulant légalement les votes qui le dérangent. Dès lors pourquoi perdre du temps à ne discuter que du fichier électoral ?

2L’opposition s’est certes battue verbalement pour contester la non fiabilité du fichier électoral, mais elle n’est jamais allée jusqu’au bout de sa démarche, et pire le régime en a rajouté une couche par l’ajout d’un million d’électeurs supplémentaires.

3La mobilisation des électeurs est certes importante mais la surveillance et la sécurisation des opérations de vote l’est davantage. Elle appartient à ceux qui y sont intéressés, mais pas aux observateurs étrangers (dont on connaît d’avance le contenu de leur mission d’observation), et dont Tierno Monenembo a récemment rappelé leur motivation dans un papier intitulé « Stabilité, ce faux nez du refus de l’alternance », ni d’ailleurs aux observateurs locaux, davantage préoccupés par leur défraiement.

4Voir les réformes non faites concernant la CENI, y compris sa suppression.

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