Maîtrise des depenses publiques, part du BN dans l’investissement, part des importations dans la hausse des prix…,M. Ourembaya BALLA repond à Mme Laure KARCHER…

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Évaluation de l'article

Un article publié le vendredi dernier dans notre rubrique "économie" et intitulé " Le taux d’inflation en Guinée passe à un chiffre ", a suscité un interêt chez nombreux de nos contributeurs. En raison de l'importance des questions soulévées par notre contributrice Mme Laure KARCHER suite à cet article , et la pertinence des reponses apportées par M. Ourembaya BALLA, nous avons jugé nécéssaire de publier son commentaire-reponse comme article….Bonne lecture.

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Je vais essayer d’être simple pour donner des réponses à certaines questions que vous venez de poser, j’espère être à la hauteur de vos attentes.
 

1)Première question : -La mauvaise gestion des finances publiques est-elle uniquement due à la mauvaise gestion de la monnaie (à travers la banque centrale)?

La situation des Finances publiques n’est pas due à la gestion monétaire (politique monétaire), autrement dit, la mauvaise gestion des finances publiques n’est pas uniquement due à la gestion de la monnaie. D’ailleurs, dans la plupart des cas, c’est la relation inverse qui se produit, c'est-à-dire une mauvaise gestion des finances (dépenses publiques) entraîne des efforts de la Banque Centrale pour y remédier, ce qui plombe la monnaie en l’absence de contrepartie dans l’économie réelle.
 

En effet, dans le cadre du budget de l’Etat et des objectifs économiques et politiques, le budget peut se trouver déficitaire, c'est-à-dire les dépenses plus élevés que les recettes publiques qui les financent, ce qui entraîne un déficit budgétaire, donc un manque à gagner pour l’Etat qu’il faut combler. Pour ce faire, l’Etat fait appel au financement extérieur (endettement extérieur) et au concours de la Banque Centrale pour combler ce gap. Dans le cas de la Guinée, le financement du déficit budgétaire par la Banque Centrale était plafonné à 20% (résultantes des différentes politiques de stabilisation macroéconomiques mises en place dans le cadre des accords avec le FMI).

Malheureusement, chez nous, ce plafond n’était plus respecté à cause de l’indiscipline budgétaire des différents gouvernements qui ont entraîné un dérapage montre des dépenses publiques (mauvaises gestion entre 1994 – 1996, agression à nos frontières vers 2000, la course à l’enrichissement qui a présidé la fin de règne de CONTE, la gestion calamiteuse des dépenses publiques au temps de Dadis et sous la Transition de Sékouba KONATE), conséquemment, la Banque Centrale débourse vis-à-vis du Trésor Public (l’Etat) plus qu’il n’en faut (20%) pour combler le déficit combiné à l’absence de concours extérieurs (financement extérieur). Cette situation a entraîné une sortie massive de l’agent en direction du Trésor (crédit à l’Etat) qui n’a pas de contrepartie en termes de production de biens et de services, conséquence, une masse monétaire gonflée, de l’argent dans la circulation sans production, ce qui entraîne une hausse généralisée et durable des prix (c'est-à-dire l’inflation).

En faisant un point, nous disons que la mauvaise gestion des finances publiques entraîne une mauvaise politique monétaire, en ce sens que la Banque Centrale intervient pour accorder plus de crédit à l’Etat et non à l’économie (à travers les banques primaires ou commerciales). Or, c’est le crédit à l’économie qui permet de soutenir les entreprises, donc, la production et qui entraîne la croissance

2)Deuxième question : -quel pourcentage du budget guinéen actuel est consacré à l'investissement?

La réponse à cette question Madame n’est pas aisée d’autant plus que je ne dispose pas des données macroéconomiques actualisées (données de la Division études et stratégies macroéconomiques, du Budget et du Ministère du Plan, Direction des études économiques et de la prévision). Le Tableau de bord de l’économie guinéenne que je dispose est de septembre 2013. Cependant en analysant le TOFE (tableau des opérations financières de l’Etat) à travers les données du FMI, on peut estimer le pourcentage du budget consacré aux dépenses d’investissement à 36% en 2012, 37% en 2013, 44% en 2014 (prévisions), 38% en 2015 (prévisions) et 41% en 2016 (prévisions). Pour plus de précisions, voir ce document à partir de la page 17.

 

3)Troisième question :quelle part du budget guinéen est financé par les bailleurs de fonds (prêts, dons, etc.)?

Une lecture suivie d’une analyse attentive du Table 2a. Guinea: Fiscal Operations of the Central Government, 2012–16, page 18 du document(www.imf.org/…/cr1463.pdf), vous donnera une idée de la place des dons et prêts dans le financement du budget guinéen.

 

4)Quatrième question :Pour maîtriser le déficit budgétaire, il faut maîtriser les dépenses publiques, (dites-vous, si j'ai bien compris). Dans quoi va-t-on couper pour maîtriser les dépenses publiques ?

Oui Madame, c’est le b-a, ba, de la gestion budgétaire, d’ailleurs de toute gestion. Alors pour répondre simple, voyons les mesures économiques appliquées en Côte d’Ivoire du temps ADO, Premier Ministre et en Guinée au temps de Sidya TOURE, PM également. Quand, un pays est en situation de déficit budgétaire, on lui recommande de mettre en place une politique de stabilisation macroéconomique, qui a pour objectif d’enrayer la hausse des dépenses publiques (maîtriser l’évolution des dépenses publiques) par la diminution du train de vie de l’Etat (parc automobile, téléphones, subventions inutiles, réduction de la masse salariale à travers l’assainissement du fichier de la fonction publique, c'est-à-dire, la chasse aux fonctionnaires fictifs, aux doublons, réduire les dépenses militaires dans le cas de la Guinée où l’armée absorbe plus de 35% du budget de l’Etat pour des résultats que nous connaissons. Faire une priorisation des dépenses publiques.

Renforcer les capacités des régies financières (Douanes, Impôts) pour la mobilisation des recettes publiques performantes et la définition de nouvelles taxes, et mettre sur pied une politique de relance de l’offre à travers la mise sur pied de projets productifs créateurs d’emplois et de croissance qui seront financés par la Banque Mondiale.

Donc, il ne s’agira pas chère Madame de couper pour couper, mais de stopper l’hémorragie financière en coupant les dépenses improductives et mettre sur pied des politiques plus ambitieuses. Car la meilleure des politiques économiques pour un Etat est celle qui consiste à ne pas tendre la main au FMI et à la Banque Mondiale, donc bien gérer.

 

5)Cinquième question :Va-t-on tenter de contrôler le volume ou la nature des importations, et quelle est la part de ces importations dans la hausse des prix ?

Contrôler les importations ne serait pas une bonne politique à l’heure actuelle, car le commerce international est régie par le jeu de l’offre et de la demande des produits (exportations et importations), contrôler les importations suppose avoir dans le pays un tissu industriel productif qui peut pallier le besoin de produits étrangers dans des domaines bien précis. Dans le cas de la Guinée, il ya une très forte demande de consommation de produits étrangers, vouloir empêcher les importations maintenant, c’est condamner le peuple à l’agonie à travers la faim. Bien sûr que l’idéal serait que les exportations soient supérieures aux importations pour dégager une balance commerciale positive, synonyme de richesse pour le pays. Les autorités actuelles doivent mettre sur pied des politiques de nature à nous permettre de nous passer de certains produits étrangers comme le riz et autres denrées à long terme. Restaurer le tissu industriel productif créé par le PDA RDA et vandalisé par le CMRN.

Oui, les importations ont aussi une part d’explication dans l’inflation (on parle d’ailleurs d’inflation importée) quand l’augmentation des prix des biens importés provoquent la hausse des coûts des produits semi-finis, ou produits finis et les matières premières. Mais, pour le cas de la Guinée, la cause essentielle de l’inflation est l’Etat. Voir les pages 19, 20 et 21 du document ci-joint. Il se fait tard, comme je n’ai pas de statiques fiables sous la main, il ne faut pas se hasarder à inventer des chiffres.

J’espère avoir élucidé vos interrogations, je me tiens à votre disposition pour toute question complémentaire.

 

Ourembaya BALLA

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