Passation des marchés et commandes publics : Alpha Condé 2 peut-il changer (2ème partie) ?

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Évaluation de l'article

Dans les deux précédentes contributions relatives au sujet, nous avons abordé successivement la gestion des passations de marché sous le 1er mandat de Alpha CONDE puis les premiers pas de la dite gestion sous ce dernier et second mandat. Le constat relève que, malgré son volontarisme et plusieurs bonnes initiatives, le Président est dans la dynamique des pratiques anciennes de tolérance vis-à-vis des actes de mauvaise gouvernance (corruption et surfacturation), de passation de marché de gré à gré, de concentration des contrats dans les mains de quelques opérateurs amis, de non aboutissement des réformes qu’il a lui-même initiées, … Dans cette dernière partie nous vous livrons notre conclusion sur la gouvernance AC du secteur privé ainsi que des propositions d’amélioration de certaines faiblesses du système actuel.

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Le volontarisme du président dans la promotion de la Guinée en matière d’investissements et sa décision d’épauler certains entrepreneurs pour l’essor de vrais capitaines d’industrie sont des initiatives louables. Ici comme dans d’autres domaines de la vie nationale, le problème avec le président Alpha est une question de méthode. Si l’on est d’accord qu’il faut favoriser l’essor des entreprises locales, le meilleur moyen n’est pas de tout concentrer dans les mains de quelquesentreprises dont le mérite serait d’être du bon côté (camp présidentiel). Il faut favoriser un transfert de technologie à travers des appels d’offres internationaux en y exigeant des clauses de groupement avec des entreprises nationales.Penser à étoffer le tissu des PME au lieu de créer seulement quelques mastodontes qui peinent à sortir des relations incestueuses avec l’Etat. En cette période de raréfaction de moyens financiers, il serait mieux de penser à une utilisation rationnelle de nos maigres ressources au lieu de faire des dépenses inutiles et perdues d’avance comme le projet thermique de Tombo.

Nous résumerons en quelques lignes nos recommandations comme suit :

  1. Donner un sens aux réformes de la passation des marchés : le président doit donner un sens à la réforme qu’il a menée à ce niveau. Certes tout début est difficile et les petites batailles entre la DNMP, l’ACGPMP et l’ARMP étaient prévisibles en attendant que la mayonnaise ne prenne. Le rôle du Chef de l’Etat est d’inspirer à tous le respect des textes, d’arrêter d’imposer des entreprises pour des marchés gré à gré et de se mettre au-dessus de la mêlée.
  2. Améliorer de façon continue l’environnement des affaires et laisser les meilleurs émerger par le jeu de la concurrence : la Guinée a certes fait des avancées dans l’amélioration de l’environnement des affaires comme l’attestent les rapports de Doing Business. Toutefois beaucoup d’anciennes pratiques persistent. Aussi la volonté louable du président de voir émerger des capitaines d’industries se fait à la manière Conté (Mamadou Sylla) ou CNDD (KPC et Diouldé TANE) au lieu d’élaborer des critères objectifs. L’Etat doit assurer à tous une concurrence pure et parfaite et apporter son coup de pouce aux meilleures.
  3. c.Sur le plan de la formation : adapter les programmes d’enseignement professionnel et universitaire à la réalité du pays et aux tendances de l’économie mondiale. Un contenu des programmes tenant compte de notre vocation agricole, minière, touristique avec un accent particulier sur des métiers et l’entrepreneuriat pourraient aider à résorber le chômage et pousser la nouvelle génération vers le secteur privé. Le Ministère de l’Enseignement supérieur doit être encouragé à créer 2 à 3 incubateurs dans les universités publiques et élaborer des partenariats avec le secteur privé pour le soutien aux Start up que les étudiants ou jeunes diplômés pourraient lancer. Aussi des concours nationaux sur les Projets innovants peuvent être mis en place avec des banques pour l’accompagnement des meilleurs projets de création d’entreprise.
  4. Préférer l’essaimage des PME à la naissance d’une oligarchie : au lieu de continuer à charger quelques entreprises de marchés qui dépassent leur capacité technique ou organisationnelle, l’Etat doit favoriser l’essor d’un tissu de PME dynamiques dans les différents secteurs de l’économie. Ce qui boosterait mieux l’emploi, sécuriserait les recettes fiscales et non fiscales et encouragerait la jeunesse à risquer dans le secteur privé pour in fine permettre au pays de sortir petit à petit de la pauvreté. D’ailleurs, en s’inspirant de la théorie de Porter, il est préférable pour l’Etat d’avoir plusieurs fournisseurs de service que d’être dépendants de 4 à 5 opérateurs qui n’hésiteraient pas à jouer du monopole pour accroitre leur pouvoir de négociation face à l’Etat. Aussi, pour des questions de recettes fiscales et même non fiscales, l’Etat a intérêt à avoir plusieurs PME qui peuvent s’acquitter que des très grosses entreprises dont les régies financières auront peur à cause de leur proximité avec le pouvoir.On a tous vu la guéguerre entre Curtis de l’ARMP et des grands entrepreneurs autour du paiement de la redevance de 1% sur les marchés de l’Etat, ce que les PME n’oseraient pas refuser de payer
  5. Eviter la caporalisation des organisations consulaires et patronales : la politique doit s’éloigner du Business. Laisser la dynamique interne de renouvellement des instances de la chambre de commerce et d’industrie se mener à terme. Eviter de placer à la tête des organisations patronales uniquement des proches de Sékhoutouréya pour ne pas fragiliser les éventuelles discussions tripartites qui donneraient l’impression du deux contre un (l’Etat et le Patronat d’un côté et le Syndicat de l’autre).
  6. f.Eviter un nationalisme étroit: le président dit n’avoir aucun complexe de faire appel aux Français pour gérer EDG, pourquoi voudrait-on forcer par nationalisme, la réalisation de certains grands travaux par des entreprises Guinéennes dont on est sûr qu’elles ne feraient pas un travail de qualité. En sortant des questions de personnes pour voir la Guinée, on peut facilement inverser la tendance. L’Etat peut aider ces entreprises à aller de l’avant en facilitant les transferts de technologies, les partenariats B2B avec des entreprises du nord ou des pays émergents, des renforcements de capacités, une meilleure structuration…au lieu de les charger de travaux qu’elles ne peuvent réaliser avec la qualité attendue.
  7. Etre moins tolérant envers des pratiques de surfacturation : le président dit s’être personnellement impliqué pour réduire le budget des examens de cette année à hauteur de 30 milliards de nos Francs, ce qui suppose qu’il y a eu tentative de surfacturation. Au cours d’un second et dernier mandat, un Président qui veut laisser son empreinte aurait dû sévir. Mais le Président est dans la même logique de ne pas frustrer dans son camp politique, c’est pour cela qu’il a mis en place une commission de réflexion sur le secteur éducatif au lieu de demander des comptes au ministre de l’enseignement pré-universitaire.

Sans être exhaustives, ces recommandations et d’autres pourraient améliorer la gestion du secteur privé Guinéen par le président Alpha et aider ce dernier à laisser son empreinte comme il le prétend. Autrement, il pourra rester dans la posture de son premier mandat et entamer des travaux à gauche et à droite sans aucune assurance d’achever certains ou de les rendre utiles à la nation (des éléphants blancs). Si en droit, la forme peut primer sur le fonds, dans la gestion de l’Etat, c’est la stratégie de mise en œuvre qui compte plus que l’idée d’un projet de développement. Aujourd’hui, de très bons projets du président comme l’organisation des fêtes dans le pays profond avec réalisation d’infrastructures de base, la relance du secteur agricole, l’essor d’une classe de capitaines d’industries, une tablette pour un étudiant, …. continuent de souffrir ou d’échouer à cause des mauvaises stratégies qui ont été adoptées pour leur mise en œuvre. Nous espérons que le président qui est à son dernier mandat en tirera les leçons pour rectifier le tir et qualifier sa gouvernance. Le devenir du pays en dépend.

Mamadou Cissé

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