L’élection de Bassirou Faye à la tête du Sénégal a tout le charme d’un conte de fée, si ce n’est l’intensité d’une révolution. Jusqu’à naguère inconnu du grand public, il est sorti victorieux des urnes comme un lapin du chapeau d’un magicien, grâce à l’aura et la stratégie de son mentor, le vindicatif Ousmane Sonko. Frappé d’inéligibilité à cause de démêlés avec la justice, dans de sordides affaires de sexe et de dénonciation calomnieuse, ce dernier l’a fait élire un peu par procuration. Le duo est ainsi passé, en une dizaine de jours, de la case prison au palais présidentiel. Un coup de théâtre qui fascine et suscite un énorme enthousiasme bien au-delà des frontières de leur pays. Notamment chez bon nombre de « jeunes » opposants africains qui rêvent d’être califes à la place du calife, et qui voient cette actualité sénégalaise comme un appel à s’assumer en « tuant le père ».
Il est vrai que l’événement est assez rare pour être salué, dans cette partie de l’Afrique où certains pensent que l’on est plutôt à l’heure des messes de requiem pour réserver à la démocratie (qualifiée à dessein d’occidentale) un enterrement de première classe. Sur fond de terrorisme, de coups d’État militaires, d’avènement de faux messies et d’irruption sur le devant de la scène de présidents autoproclamés. Voilà le Sénégal qui vient apporter une lueur d’espoir et confirmer, s’il en était besoin, que les principes de la démocratie sont universels et ne sont pas antinomiques des valeurs africaines. Le « Sunu gal » (notre pirogue en ouolof) a certes tangué par moment, mais a fini par montrer qu’il est bien une vitrine de la démocratie dans la région, voire sur le continent.
Depuis l’indépendance en 1960, le pays semble immunisé contre les épidémies de putschs militaires. La patrie de l’académicien Léopold Sédar Senghor est restée une tribune de la parole et des idées, avec à la clé de véritables alternances.
Par deux fois, le président sortant a été battu par un candidat de l’opposition au second tour (Wade puis Sall), avant que Bassirou Faye ne rallonge la série, cette fois dès la première manche. Le tout dans un décor institutionnel bien stable et sous le regard neutre d’une armée républicaine qui a tenu à garder sa posture de grande muette.
La recette sénégalaise qui permet l’organisation d’élections fiables, transparentes et sincères, devrait inspirer bien de pays voisins et lointains. Surtout quand on sait qu’elles sont l’œuvre du ministère de l’Intérieur à travers la Direction générale des élections (DGE) avec la supervision de la CENA (commission électorale nationale autonome).
L’émergence d’une « inaptocratie » : un risque à prendre au sérieux
Eh oui, l’exception sénégalaise n’est pas qu’une simple vue de l’esprit ! C’est l’un des rares pays du continent où un président en place peut organiser des élections et les perdre, alors même qu’elles sont pilotées par le ministère de l’Intérieur, dirigé par quelqu’un qu’il a nommé et non une commission électorale prétendument indépendante. On pourrait parier que s’il avait décidé de forcer le verrou constitutionnel pour se représenter, les chances de succès seraient plus que minces pour Macky Sall. Il aurait risqué de subir le sort de son prédécesseur, Abdoulaye Wade, qui avait mordu la poussière lors du scrutin présidentiel de 2012 alors qu’il brigait un troisième mandat en violation de la constitution. Avec des processus électoraux dont les résultats reflètent effectivement la réalité du vote, la vérité des urnes, et acceptés par tous, on n’aurait même pas besoin de limiter le nombre de mandats pour garantir l’alternance. Encore moins prétexter une quelconque mauvaise gouvernance pour tenter de justifier un coup d’État militaire. C’est peut-être la raison de l’absence des chefs putschistes de l’AES (alliance des États du Sahel) qui ont eu la décence de ne pas assister en personne à la cérémonie de prestation de serment de Bassirou Faye : véritable fête de la démocratie et célébration de la dévolution du pouvoir par les urnes et non les armes.
Maintenant que les deux « présidents » sont aux manettes les choses sérieuses commencent. Et certainement d’abord les difficultés, tant il est vrai que dénoncer, critiquer et vouer aux gémonies un pouvoir en place est beaucoup plus facile que porter l’Etat sur ses épaules. En tout cas il faudra plus que les discours afro-populistes, l’argument de la jeunesse (en fait Diouf n’était plus âgé que d’un an et quelques mois lorsqu’il accédait au pouvoir en janvier 1981, après avoir été Premier ministre dix ans plus tôt) et de simples professions de foi pour combler les attentes des Sénégalais. Notamment les jeunes qui pourraient être tentés d’intensifier l’émigration irrégulière si leurs héros ne parvenaient pas à répondre aux attentes qu’ils ont nourries.
Enfin, Il est à craindre que, comme c’est parfois le cas avec les mouvements populistes, le pays bascule dans une forme d’ »inaptocratie » ou d’ »ineptocratie ». Un système de gouvernement dans lequel les moins capables de gouverner sont élus par les moins capables de produire.
Top SYLLA
A l’epoque ou je vivais en Suisse, le leader du parti populiste et d’extreme droite Union Democratique du Centre pesait si fort sur la vie politique suisse qu’il a reussi a en faire le premier parti du pays. La pire chose qui pouvait lui arriver arriva: il entra au gouvernement federal et decouvrit a ses depends que les « y a qu’a » et les « faut qu’on » ne marchent que dans le costume d’opposant. Le vieux xenophobe se fit montrer la porte au bout d’un seul mandat. Sonko et Diomar vont bientot se rendre compte qu’il est plus facile de s’opposer que… Lire la suite
On verra ce qu’ils sont capables de faire, on ne gouverne pas avec des slogans