Second mandat du président Condé : quel premier ministre faut-il à la Guinée ?

BAH Abdoulaye Aziz 2 01
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BAH Abdoulaye Aziz 2 01« Le secret du changement consiste à concentrer son énergie pour créer du nouveau, et non pas pour se battre contre l’ancien » disait le célèbre Dan Millman.

L’actualité politique guinéenne est dominée par des spéculations, parfois venant de clans rivaux au sein de la classe politique, qui tranchent sur la personne qui serait la mieux placée pour occuper la fonction de premier ministre durant ce second mandat qui débutera le 21 décembre 2015. Contrairement à beaucoup de mes compatriotes qui pensent que le meilleur choix serait de choisir un homme politique à la tête de la Primature ; moi, je dis que le mieux serait de choisir un technocrate moderne en phase avec les réalités du monde actuel…

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Rappelons que le technocrate n’est pas un homme politique ; c’est un expert qui fonde ses décisions sur des informations précises plutôt qu’en fonction de l’opinion publique ou politique. C’est quelqu’un qui a une capacité d’anticipation contrairement au politicien habitué à réagir devant une situation donnée. Au-delà de l’expérience, le technocrate doit avoir une capacité physique et mentale lui permettant de bien mener les grandes reformes du pouvoir exécutif. C’est pourquoi, l’idéal serait que le premier ministre soit une personnalité dont l’âge ne serait pas un handicap. En d’autres termes, et comme le disent les Anglo-Saxons, the younger the better ! Après l’Italie et la Grèce, le Canada vient de donner l’exemple que les jeunes seraient plus outillés pour créer du renouveau; contrairement aux vieux renards politiques qui passeraient leur temps à se battre contre l’ancien. Comme quoi, la Guinée a effectivement besoin d’un premier ministre jeune pour épauler le président réélu dans l’accomplissement des grandes reformes tant attendues. Analysons un peu !


Autre temps, autres valeurs – Une réalité qu’il faut accepter

Qu’ils soient jeunes ou vieux, la Guinée regorge de talents dans tous les domaines sans distinctions d’âge. Par contre, il serait catastrophique de penser que les préoccupations d’hier, même si elles continueraient d’exister aujourd’hui, pourraient être résolues avec les mêmes formules. Autrement dit, les hommes d’hier ne doivent être forcément la solution d’aujourd’hui ; pas parce qu’ils ne seraient pas à la hauteur, mais plutôt parce qu’ils paraissent impossible de s’adapter à la vitesse avec laquelle le monde change autour d’eux. De la période de la guerre froide, le monde est rapidement passé à la globalisation avant de se retrouver en un temps record dans cette ère des nouvelles technologies de l’information. A chacune de ces périodes, les préoccupations semblent restées les mêmes, mais les stratégies pour les aborder ont changé d’une période à l’autre. Il faut en tenir compte !

Beaucoup de nos hommes politiques actuels étaient des étudiants durant les moments les plus vifs de la guerre froide. Ces mêmes hommes auraient acquis l’expérience professionnelle durant la période agitée de la globalisation. En Afrique, cette globalisation aurait été plus sévère ! Au lieu de réformes innovatrices comme elles l’ont été en Asie et en Europe de l’Est, les dirigeants africains, eux, se seraient plutôt contentés d’exécuter des programmes préétablis par les institutions financières internationales ; programmes d’ailleurs profitables qu’aux seuls bailleurs de fonds. Comme résultats, l’Afrique aurait connu une privatisation anarchique d’entreprises appartenant à l’Etat. Dans la plupart des cas, nos gouvernants auraient tout simplement bradé des entreprises qui jadis étaient porteuses de croissance. Par conséquent, partout en Afrique, l’exode rural, les rébellions armées, et les épidémies avaient fini par prendre le dessus sur les programmes de développement. La démocratisation du continent se limitait ainsi au multipartisme et à l’organisation périodique d’élections frauduleuses. Nos intellectuels (?), produits de la guerre froide et qui ont muri durant les premiers pas de la globalisation, n’étaient que de simples exécutants d’ordre venant des bailleurs de fonds. D’ailleurs, ces derniers n’étaient que des institutions inféodées aux grandes puissances occidentales qui, naguère, étaient préoccupées par les rivalités nées de la Guerre froide. Par conséquent, en Afrique, à la place de projets de développement durable, nous avions plutôt assisté à une mal gouvernance primaire dominée par des marchés de gré à gré octroyés à des entreprises occidentales sans état d’âme ; parce qu’elles refuseraient même d’appliquer ce qu’on appelle dans le jargon anglo-saxon «  Knowledge Transfer ». D’où, la dépendance sans cesse de l’Afrique des maitres de l’occident. Le complexe d’infériorité de nos politiciens, que j’appelle ici nos aînés, serait les conséquences de cette mainmise de l’occident. Et c’est pour cette raison que mon optimisme est presqu’inexistant dès lors qu’on me parle de la nomination d’un produit typique de cette tavelure à la tête de la Primature guinéenne.


Les jeunes cadres de la diaspora – Une piste qu’il ne faut pas occulter dans le choix du futur premier ministre 

Il faut oser le dire que, à défaut de la Présidence de la république, la Guinée n’a pas besoin d’un premier ministre complexé qui croit à la magie des bailleurs de fonds traditionnels . Les temps ont changés ; et les hommes aussi le doivent.

Ils seraient partout à travers le monde, ces jeunes cadres guinéens qui se distinguent par leur professionnalisme dans des grandes entreprises publiques ou privées. Au delà des diplômes obtenus, ils ont acquis des expériences qui leur permettent d’apporter un vrai changement dans les affaires courantes du pouvoir exécutif. Ne connaissant pas l’ancien, ils pourront focaliser leur énergie sur la situation en face et ainsi créer du renouveau. Contrairement à leurs aînés, ils connaissent bien les orientations nées de la globalisation tout en maitrisant bien les outils des nouvelles technologies de l’information. Au lieu de compter sur les programmes préétablis par des bailleurs de fonds, ils ont le talent de dicter leur propre agenda quant aux programmes de développement du pays. Chez eux, le complexe d’infériorité face aux maitres d’hier n’existe pas. Ainsi, ils pourront défendre les intérêts de la Guinée partout où l’occasion se présente dans les négociations. Le changement doit s’opérer en donnant la chance aux talents. Et puisque l’avenir appartient à la jeunesse, la meilleure manière de redonner de l’espoir à celle-ci serait de l’associer à la gestion rigoureuse du pays.

Je rappelle ici que ceux qui avaient lutté et donné l’indépendance à la Guinée étaient tous des jeunes cadres. De même, le premier gouvernement d’après l’indépendance était aussi dominé par ces mêmes cadres. Comme pour dire que le vrai changement en Guinée viendra certainement d’un gouvernement dirigé par un jeune talent.


Conclusion

Il faut mettre fin à ce perpétuel recommencement en Guinée. Comme un cercle vicieux, la Guinée continue d’amasser les rendez-vous manqués par la faute de l’élite politique. Les gens sont assignés à des responsabilités par affinité et au détriment des compétences. A travers le monde, le constat est que les jeunes talents jouent un rôle primordial dans le développement de leur pays respectifs. Ils font partie des grands décideurs des secteurs publics et privés. Il est temps que la Guinée leur emboite le pas.

Il ne sert à rien de nommer comme premier ministre quelqu’un qui a été éloigné de la gestion de la chose publique pendant plusieurs années ; l’équivalent de trois quinquennats présidentiels. Quelles que soient ses compétences, on finit par être inefficace si l’on est éloigné pendant longtemps de la gestion des affaires publiques ou privées. Nous savons tous que la plupart de nos hommes politiques actuels sont dans cette situation. Espérons que le nouvel élu tiendra compte dans la formation du nouveau gouvernement tant attendu.

A bon entendeur salut !

D’ici là, merci de contribuer au débat.


A. Aziz Bah  

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