En Novembre 2001, la révision constitutionnelle visant à permettre au président Lansana Conté, au pouvoir depuis 1984, de briguer un troisième mandat en 2003 est approuvée par référendum par 98,4 pour 100 des suffrages. L’opposition, qui avait appelé au boycottage du scrutin, conteste les résultats. La limitation du nombre des mandats présidentiels est supprimée, ainsi que la limite d’âge du candidat. Le parti présidentiel voit dans ce référendum « une manifestation de reconnaissance du peuple de Guinée pour le président Conté. »
La constitution de 2020 actuellement en vigueur a été adoptée par référendum constitutionnel le 22 mars 2020. Voulue par le président Alpha Condé afin de pouvoir se présenter pour un troisième mandat, la nouvelle loi fondamentale obtient les votes favorables de 89,76 % des votants, au cours d’un scrutin marqué par les violences entre manifestants et forces de l’ordre. La constitution est promulguée le 7 avril suivant. L’article 40 stipule que « le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de six ans, renouvelable une fois », tout en remettant à zéro le compteur des mandats présidentiels passés.
Comme on a pu le constater, la controverse née de l’interprétation des articles 27 et 152 de notre constitution adoptée par le Conseil national de la transition le 19 avril 2010 et promulgué le 7 mai 2010 par le général Sékouba Konaté, président intérimaire de la République, est plus que préoccupante pour l’avenir du pays dans la mesure où chaque camp développe des arguments plus ou moins objectifs, en ce qui concerne la possibilité du Président à briguer un troisième mandat en 2020.
Pour mieux comprendre le problème, voici les articles en question :
– Article 27
La durée de son mandat est de cinq ans, renouvelable une fois.
En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels, consécutifs ou non.
– Article 152
L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au président de la République et aux députés.
Pour être pris en considération, le projet ou la proposition de révision est adopté par l’Assemblée nationale à la majorité simple de ses membres. Il ne devient définitif qu’après avoir été approuvé par référendum.
A la lecture de ces deux articles, on peut affirmer sans risque de nous tromper que le Président Alpha Condé ne peut pas se présenter à l’élection présidentielle de 2020, étant donné qu’il a été élu en 2010, puis réélu en 2015 d’autant plus que, en remettant la Constitution de 7 Mai 2010 au Général Sékouba Konaté, Hadja Rabiatou Serah Diallo, la présidente du Conseil national de transition, avait déclaré lors d’une conférence de presse en avril 2010 en réponse à la question du journaliste de RFI : « Nous avons bloqué le nombre de mandats à deux, donc aucun Président, qui qu’il soit, ne peut faire plus de deux mandat en Guinée. C’est une victoire pour notre démocratie et nos institutions ».
En matière de droit constitutionnel, c’est ce qu’on pourrait appeler une interprétation authentique par le législateur car c’est Hadja Rabiatou Serah Diallo, en tant que présidente du Conseil National de la Transition, qui est l’instigatrice, la législatrice de cette Constitution, qui a limité le nombre de mandats à deux. De ce fait, dans cette situation où la lettre de la loi pose un problème d’interprétation, par le camp présidentiel bien entendu, il faudrait se référer à l’esprit de la loi.
Comme on le voit, l’esprit d’une loi ou le but poursuivi par celle-ci est une question qui s’apprécie en fonction de la volonté du législateur du moment, en ce qui nous concerne ici la meilleure interprétation de ces articles a été faite par la présidente du Conseil National de la Transition mais aussi par les constitutionnalistes qui ont aidé à la rédaction de la Constitution de 2010. Aussi, tous les autres constitutionnalistes, y compris l’ancien ministre de la Justice du Président Alpha Condé, Cheick Sako, émettent effectivement sur la même longueur d’onde que leurs collègues qui ont participé à la rédaction de notre Constitution et sont unanimement d’accord sur le fait que le président sortant n’a pas le droit de se représenter à un troisième mandat.
Face à cette opposition des spécialistes du droit constitutionnel, le gouvernement a jugé utile d’organiser clandestinement la rédaction d’une nouvelle Constitution par des professionnels étrangers qui avaient pour mission principale de « valider la candidature du président sortant » pour une question qui concerne en premier lieu les guinéens. Ainsi, cette nouvelle Constitution de la honte qui est une insulte tout d’abord au peuple guinéen, et au Conseil Constitutionnel, a été financée par les contribuables guinéens. A quel coût? La question mérite bien d’être posée. En effet, le Conseil Constitutionnel doit saisir cette occasion pour redorer le blason et tenter de gagner une image positive auprès de ses concitoyens d’autant plus que l’institution qu’elle représente, a une très mauvaise réputation à cause de ses nombreuses déclarations d’incompétence de par le passé. Pour une appréciation équilibrée, ne faudrait-il pas décrypter chaque décision en droit, lorsque les analyses produites sont très souvent polluées par des considérations partisanes ou subjectives ? Peut-on vraiment considérer que le Conseil Constitutionnel va faillir encore une fois de plus, qu’il fait souffrir le droit pour servir le pouvoir, au lieu de dire le droit pour contrôler le pouvoir ?
En tout état de cause, au nom du principe de séparation des pouvoirs, les conseils qu’on pourrait prodiguer aux « sages du Conseil Constitutionnel », c’est de faire preuve de beaucoup de bravoure dans l’exercice de leurs missions républicaines en appliquant d’une part leur devoir d’ingratitude envers les pouvoir exécutif et législatif à savoir le Président de la République, son gouvernement et l’Assemblée Nationale, et d’autre part mais surtout le devoir de fidélité au droit en respectant la lettre et l’esprit de notre constitution faite en Guinée, par des guinéens et pour des guinéens.
Vive la Guinée!
Vive la République !
Ousmane Boh KABA