« La guerre des chefs » qui mine depuis belle lurette l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), serait-elle symptomatique d'un retour à « l’éternelle opposition Labe-Timbi» ? Notre confrère Amadou Diouldé Diallo est catégorique là-dessus : « Dans le Foutah théocratique, dans la répartition des rôles, on a dit que le pouvoir politique c’est à Timbo, celui spirituel c’est Labé et le pouvoir guerrier c’est à Timbi »…. Lisez plutôt cet entretien qu’il a accordé à nos confrères de la lance…
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"Pour ce qui est de l’UFDG, je ne suis pas du tout surpris. Avec la superposition caractérielle en place, je savais qu’un jour ou l’autre ça allait éclater. C’est une superposition de circonstance. Au départ, c’était trois fils du Diiwal de Timbi qui se livrait bataille.Timbi, c’est tout Pita plus quatre provinces de Télimélé moins deux autres : les provinces de Donghol, Singuéléma, Bambayah et de Monoma dans Télimélé. C’est ça Timbi, parce que Kébou et Bowè sont de Labé et le reste, Kollet et Sogolon, de la Basse côte. Ces trois frères qui se livraient bataille sont Bah Mamadou, Bah Ousmane et Bah Oury. Bah Mamadou, le doyen, président d’honneur de l’UPR, que Bah Ousmane a gardé après la fusion UNR avec PRP pendant longtemps. Et puis après, à la mort de Siradiou, c’est Bah Mamadou et Bah Ousmane qui s’affrontent, parce que semble-t-il, celui-là n’aurait pas respecté son engagement dès que Conté a dit qu’il n’y a plus d’âge limite pour se porter candidat. Cela a irrité Bah Ousmane. Au même moment, Bah Oury qui voyait son parti se vider de professeur Sow et autres, a fait venir le doyen Bah Mamadou pour essayer de souffler. Renvoyé de l’UPR en tant que président d’honneur, Bah Oury a accueilli Bah Mamadou. Ça fait deux fils de Timbi d’un côté contre un, quand Cellou Dalein a décidé de faire de la politique.
Cellou cherchait à aller à l’UPR, ça n’a pas marché parce qu’on lui a dit qu’on le prend comme militant. Et lui voulait venir aux commandes directement. Bah Mamadou voulant donc affaiblir Bah Ousmane, a dit bon, le jeune prince, je vais le prendre du côté de l’UFDG, en 2007. Quand Cellou Dalein est arrivé, Bah Mamadou aurait demandé à Bah Oury de lui céder la place. Ce que Bah Oury aurait accepté. Donc, il y a une superposition et je savais qu’elle n’allait pas duré, à cause d’une question de tempérament.
Cellou arrive et prend l’UFDG, avec Bah Oury comme vice-président. Bah Mamadou, le doyen est là et veille sur la maison. Mais entre temps, il décède. Le congrès est fait, Cellou est président du parti.
Il y a quand même une équation qui se règle à l’intérieur du Foutah : l’opposition naturelle timbi – Labé. Parce que c’est un fils de Timbi qui vient prendre un autre de Labé pour en faire le président du parti. Donc, sur ce plan-là, vous avez réglé l’éternelle opposition Timbi-Labé qu’on a vécue entre Bah Mamadou et Siradiou. On va aux élections. Tout le problème aujourd’hui, que personne ne dit, Bah Oury estime que Cellou était candidat à la présidentielle de 2010. S’il avait gagné, c’est bien, et puis qu’il n’a pas gagné ce n’est plus son tour. Tout le problème, il est là. Il n’est pas ailleurs. Cellou a fait ses preuves en 2010, en 2015, c’est lui Bah Oury. Mais je répète, il y a une superposition caractérielle qui fait que ça devait éclater.
Les gens de Timbi sont des guerriers, il ne faut pas leur en tenir rigueur. Dans le Foutah théocratique, dans la répartition des rôles, on a dit que le pouvoir politique c’est à Timbo, celui spirituel c’est Labé et le pouvoir guerrier c’est à Timbi. Donc, le tempérament des gens de Labé, surtout ceux issus des familles maraboutiques, malheureusement ou heureusement, tous les leaders politiques de Labé sont de ces familles : Diallo Yacine, Saïfoullaye, Siradiou, Cellou d’ailleurs c’est l’expression achevée parce qu’issu de la plus grande famille maraboutique du Foutah Djallon, ce sont en fait plus des talibés, donc enclin à l’obéissance que des guerriers.
A l’opposé, c’est nous, je ne m’exclu pas, de Timbi. Je savais donc qu’à un moment donné entre Bah Oury et Cellou Dalein ça allait être la rupture. On en est arrivé là. Et je ne pense pas qu’on puisse recoller les morceaux parce que pour Bah Oury c’est lui en 2015. Maintenant, il est à l’extérieur. Pour le moment, il n’a pas les moyens de remettre en cause les bases solides de l’UFDG derrière Cellou Dalein. Le Peuhl du Foutah, c’est trois choses : son père, sa mère et son marabout. Il y a ceux qui sont derrière Cellou à cause de la conviction politique, mais il y a beaucoup aussi qui sont avec lui et qui, d’ailleurs lui font plus allégeance, parce qu’ils considèrent que c’est le descendant de Thierno Sâdou Mo Dalein, de Thierno Mamadou Samba Mombeya, de Karamoko Alpha Mo Labé.
Donc, le descendant de cette kyrielle des saints des saints du Foutah Djallon. On se dit s’il est arrivé à ce niveau-là, c’est que tôt ou tard le destin s’accomplira parce qu’on estime qu’il est du sang de ces érudits du Foutah, de Labé. Je crois pour le moment, on a tout essayé, donc il faut casser complètement la baraque, comme ça se passe. Après, on verra ce que la recomposition va donner. Je pense qu’ils sont arrivés à un point de non retour, maintenant on va voir comment les choses vont évoluer parce que Bah Oury, condamné, est à l’étranger pour le moment. Il mobilise du monde là-bas. Au plan national, on n’a pas vu encore une déferlante Bah Oury par rapport à une contestation du parti que dirige Cellou Dalein. Mais, il faut dire aussi que quand Cellou prenait le parti, il n’y avait pas un seul comité de base de l’UFDG à Conakry. Le parti s’est capitalisé avec le nom de Cellou Dalein.
Je pense qu’au lieu d’organiser un comité parallèle, comme il y a un congrès au mois d’août, ceux qui sont candidats n’ont qu’à se présenter et on passe au vote. Mais je pense que de cette manière, on va voir les choses évoluer, mais j’ai l’impression que la balance populaire pèse du coté de Cellou Dalein Diallo.
La tempête va passer, mais je ne crois pas que ce que Bah Oury est en train de faire, va affaiblir l’UFDG dans ses fondements, je ne crois pas, du mois pour l’instant.
Est-ce que cela risque d’affaiblir l’opposition?
Non! Pas du tout. C’est la même chose entre Lansana Koyaté et Alpha Condé. La Haute Guinée vit le même martyre. Le pouvoir ne fait rien pour récupérer ce qu’on peut appeler les mécontents. Il y a des extrémistes au sein du Rpg qui ne font pas de la politique. Sinon, cela pourrait affaiblir l’opposition. Par exemple, si vous regarder le Foutah, sur les 34 ministres il n’y a que 5 Peulhs. Quand vous enlevez tous les fils du Foutah de l’administration, qu’est ce que vous allez leur dire ? Ils préfèrent rester là où ils sont, que d’aller ailleurs. Ils ne seront là que pour faire de la coloration".