Comment gérer les mille tonnes de déchets que Conakry produit par jour ?

Mody Mahi Barry
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Évaluation de l'article

Mody Mahi BarryLa capitale guinéenne Conakry est devenue l’une des capitales les plus sales au monde. Les tas d’ordures ménagères qui jonchent chaque carrefour et chaussée de la ville et la gestion catastrophique des déchets qui les y accompagnent, ne peuvent être continuellement ignorés. Comment alors gérer efficacement les mille tonnes de déchets que Conakry produit par jour ? C’est à cette épineuse question qu’a tenté de repondre Mody Mahi Barry, ancien directeur général du Service public de transfert des déchets (1997 – 2011), spécialiste des questions d’assainissement. C’était au micro de notre confrère Guinee7…Extrait…

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De mémoire d’habitant, Conakry, notre capitale,  n’a jamais été aussi sale que maintenant. Quel est l’avis du spécialiste ?

Mody Mahi Barry: Merci à vous de cette opportunité que vous m’offrez  pour m’exprimer sur l’état, comme vous le dites, de l’insalubrité de la ville de Conakry.

Je pense qu’un ensemble d’éléments permettent de décrire cette situation. C’est notamment les tas d’ordures que tout le monde constate à travers la ville, on ne peut pas les cacher ! C’est notamment le manque de matériel approprié pour faire face à la production de mille tonnes de déchets par jour dans la ville de Conakry. C’est notamment l’état de la décharge, parce qu’il faut le dire, actuellement Conakry ne dispose pas de site de dépotage des ordures approprié, site que nous avons en plein centre urbain. Et qui constitue vraiment, un danger en termes de santé publique.

(…) Il y a des efforts importants qui se font pour répondre à cette préoccupation, malheureusement on ne communique pas sur ces efforts, il s’agit notamment de la réforme du secteur, je peux vous dire qu’aujourd’hui il y a des mesures importantes qui sont en train d’être envisagées pour réformer le secteur ; il s’agit de l’élaboration d’une stratégie de gestion des déchets solides qui est disponible à date, mais également du recrutement des PME  de collecte pour assurer la pré-collecte au niveau des sources de production. Je peux vous dire aussi que le gouvernement est en train de rechercher un professionnel, une entreprise professionnelle pour assurer la propreté de la ville de Conakry.

Qu’est-ce qu’il faut faire en urgence pour sortir du bourbier avant la mise en œuvre de ces réformes ?

Avant de mettre tous ces efforts en branle, je pense que la première des choses à faire c’est d’assurer une trésorerie permanente en faveur des services qui s’occupent de la propreté de la ville de Conakry, notamment le SPTD. Comment peut-on assurer une trésorerie permanente? C’est de revenir à l’ancien système de financement de l’assainissement de la ville de Conakry.

L’Etat n’a pas pour vocation de financer la propreté d’une ville. L’Etat, à travers les subventions, ne peut pas rendre une ville  propre, ceci n’est pas du tout possible ; vous savez on le dit le plus souvent, l’Etat est un bon payeur, mais il retarde dans la mise à disposition des financements, et l’assainissement, c’est une question quotidienne. Je vous l’ai dit tantôt, vous avez mille tonnes chaque jour. Il faut les enlever, si vous ne les enlevez pas, vous avez une accumulation de déchets, donc on doit d’abord revenir à l’ancien système de financement. C’est-à-dire que le gouvernorat de Conakry, à partir de son budget, doit financer la propreté de la ville de Conakry, les communes de Conakry, à travers leurs budgets, doivent financer la propreté de la ville de Conakry, le SPTD à travers son financement,  à travers son budget, doit contribuer, sur la base de ses recettes propres, au financement de la propreté de Conakry. Maintenant, ces trois acteurs mobilisés pour le financement, chacun sur un maillon spécifique, cela permet d’avoir des financements durables et bien sûr, l’Etat vient les accompagner.

Mais la grosse erreur a été, à partir de 2010, de reposer essentiellement le financement de la propreté de Conakry sur l’Etat. Cela a été la plus grosse erreur qu’il ne fallait pas faire. Il y avait déjà un mécanisme huilé en place, qui permettait jusqu’en 2010 d’avoir une tresorerie permanente pour assurer la propreté de la ville de Conakry.

Pour me résumer, il faut revenir à l’ancien système de financement, c’est-à-dire le gouvernorat, les communes, le SPTD ou la nouvelle structure qui va être créée. Maintenant l’Etat vient en complément, si l’Etat devient la principale source de financement, Conakry ne sera jamais propre.

La deuxième réaction, c’est que le SPTD doit être ramené à sa juste dimension. C’est le Service public de transport des déchets qui est spécialisé, qui a les compétences, mais cette structure doit être, si vous voulez, opérationnalisée de façon crédible, avec un système de gestion crédible et transparent. Voila les deux mesures, revenir à l’ancien système de gestion et rendre le SPTD opérationnel  avec une direction et un leadership fort et avancé.

Comment le Gouvernorat et les mairies peuvent financer les activités du SPTD sans l’Etat?

(…) Jusqu’en 2010, ce n’est pas l’Etat qui finançait la propreté de la ville de Conakry. il y a eu les projets de la Banque mondiale. (…) La Banque mondiale donc à travers les PDU avait un mécanisme de financement pérenne de la gestion des déchets dans la ville de Conakry. Tout ce qui était lié au fonctionnement des ordures dans la ville de Conakry était financé par les collectivités locales, sur la base de protocoles d’accord et de résultats qui liaient le Gouvernorat de Conakry, les communes de Conakry et le SPTD. C’est-à-dire, ce protocole indiquait de façon spécifique ce que le Gouvernorat donnait au SPTD, ce que les communes devaient donner au SPTD, et en termes de résultats ce que le SPTD devait faire de cet argent. Il y avait des protocoles d’accord et ces protocoles d’accord étaient audités en permanence.

L’Etat, lui, peut prendre en charge les investissements notamment l’acquisition des gros moyens, l’aménagement des décharges, construction des points de regroupements, l’acquisition des bacs, mais on ne peut pas reposer le fonctionnement d’un système de propreté d’une ville sur le dos de l’Etat. Tant que c’est comme ça, Conakry ne sera pas propre.

Donc, vous m’avez demandé comment ? Le Gouvernorat a un budget ; les communes  ont des budgets ; l’activité principale des collectivités locales à Conakry devrait être la propreté de la ville, parce que c’est un service de proximité.

Quelle peut être la solution pour le dépôt des ordures ?

Pour le dépôt des ordures, la solution c’est qu’un site à été identifié à Khorira (à un peu plus de 60 KM de Conakry, NDLR), il faut trouver des financements pour assurer l’aménagement de ces décharges. Vous savez, on ne peut pas trouver des financements sans avoir des structures crédibles. Les partenaires ont besoin d’interlocuteurs crédibles, une structure crédible, des hommes compétents qui dirigent cette structure et qui ont des bonnes pratiques en matière de gestion. Si ceci est satisfait, je vous jure qu’on aura tout de suite les financements pour l’aménagement de la décharge.

Les réformes sont achevées, la mise en œuvre des réformes a démarré par le recrutement des PME, il y a un dossier d’appel d’offres qui est prêt pour recruter une entreprise professionnelle, parce que par rapport à ça, le chef de l’Etat est catégorique, le Gouvernement est catégorique ; il faut professionnaliser maintenant. Il faut recruter une entreprise professionnelle qui va ramasser les ordures dans la rue, comme ça se fait à travers toutes les  villes. Le problème, il faudrait qu’au niveau du Gouvernorat de Conakry, les gens sachent qu’ils doivent contribuer au payement de cette entreprise. Dans toutes les capitales du monde, l’Etat n’intervient pas dans le fonctionnement d’un service de propreté, l’Etat apporte les investissements ponctuels, il investit, c’est terminé. L’exploitation, c’est les collectivités qui la font, c’est la seule façon de rendre les investissements durables.

Khorira, ce n’est pas trop loin ?

Vous savez actuellement, en matière de gestion des ordures, Khorira n’est pas loin. Il faut juste avoir de gros porteurs, les camions qui peuvent transporter  cent ou deux cents mètres-cubes  de déchets ; c’est-à-dire le camion fait deux voyages dans la journée, si tu as dix camions comme ça, c’est parti. Il faut avoir de gros porteurs, pas de petits camions de 10 mètres cubes.

Lire l’intégralité ici….

 

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