La situation politique guinéenne a radicalement changé. C’est le moins qu’on puisse dire. Il y a encore quelques mois, elle était faite de critiques acerbes ( Cellou Diallo est incompetant , Alpha Conde n’aime pas les populations du fouta, de manifestations à répétition avec leurs lots de morts par dizaines, de semblant de dialogues ayant conduit à des accords qui ne l’étaient que pour ceux qui en ont cru, etc. Mais au nom de l’apaisement, tout cela n’est plus qu’un passé lointain. C’est le « New Deal Guinéen ».
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Dans l’histoire de l’humanité, le « New Deal » (une nouvelle donne en Français), jusque là connu, était américain. Il fut inventé par Franklin Delano Roosevelt, le 32e président des Etats-Unis, pour faire face à la Grande Dépression, considérée comme l’une des plus grandes crises économiques du XXe siècle.
Durant la période du New Deal, le gouvernement américain a bâti comme jamais il ne l’avait fait auparavant –et ne l’a fait depuis. Le New Deal a changé le visage de l’Amérique, au sens le plus strict du terme. Aujourd’hui, les Américains sont encore les bénéficiaires de son œuvre dans le domaine des transports, de l’électricité, des barrages hydrauliques, des programmes sociaux, du logement et des équipements publics.
Selon le site slate.fr, le « Public Works Administration » (PWA) (un des volets du New Deal) a permis la construction, entre autres, de 1.500 kilomètres de pistes d’atterrissage (nouvelles et refaites), un million de kilomètres d’autoroutes, 124.000 ponts, 8.000 parcs et 18.000 terrains de sport, 135.000 kilomètres de canalisations, 69.000 lampadaires d’autoroutes et 125.000 bâtiments publics construits, reconstruits ou étendus, dont 41.300 écoles.
Mais si le « New Deal » américain a été si bénéfique pour le peuple américain, il n’en est pas et il n’en sera pas de même pour le « New Deal Guinéen », hélas ! En effet, le « New Deal Guinéen » est non seulement un démantèlement systématique des acquis démocratiques de la Guinée, mais aussi et surtout, il est clairement une menace pour l’avenir démocratique et la construction de l’Etat de droit en Guinée.
Voyons en quoi il consiste, comment est-il né et comment il évolue? En effet, après avoir adopté tout au long du premier mandat de Monsieur Alpha Conde une attitude jugée radicale par plusieurs observateurs de la scène politique guinéenne, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) s’est trouvé une nouvelle attitude diamétralement opposée. Ce changement radical d’attitude est né de l’idée magique de « partage du gâteau ». Pour la mouvance du Président Alpha Condé, si l’opposition est si radicale, c’est parce qu’elle n’a pas sa part du gâteau. D’où la nécessité d’introduire l’éloquente idée de « partage ». Si tout le monde est là, tout peut devenir possible. C’est le « New Deal Guinée » entre le RPG et l’UFDG. “Le ton pied, mon pied” deh!!! !!!. L’opposant Cellou Dalein Diallo de l’UFDG est devenu le “bras môgô” du président Alpha Condé comme le dirait mamadou à Treichville..
Le coup d’envoi du « New Deal Guinéen» a été lancé par le fondateur même de l’UFDG, Monsieur Bah Oury. Celui-ci, alors en exil en France suite à l’attaque du domicile de Monsieur Alpha Conde à Kipe, était le plus acerbe des critiques du régime. Condamné par contumace à l’issue du procès des présumés auteurs de l’attaque du domicile du Président Alpha Condé, Bah Oury fut gracié par celui-ci. Depuis, il est rentré au pays et son discours a diamétralement changé. C’est en partie à cause de ce changement radical de discours qu’il fut exclu par la direction de l’UFDG. Environ un an après cette exclusion, l’on se demanderait en quoi le discours de Bah Oury est différent de celui des autres responsables de l’UFDG aujourd’hui ? Bref! Mr Bah Oury désormais confirmé dans dans sa position premier vice-président de l’UFDG après le verdict du tribunal du vendredi 3 mars 2017 annulant son exclusion de l’UFDG, a -t’il eu tort d’avoir raison trop tôt ?
Le deuxième acte de la construction du « New Deal Guinéen » a été posé à travers des accords politiques du 20 Août 2015. En effet, il apparaît au point 19 de ces accords que les parties ont convenu de recomposer les 38 conseils municipaux urbains et les 90 conseils municipaux ruraux d’au moins dix mille électeurs sur la base des résultats du scrutin proportionnel des élections législatives du 28 septembre 2013. Ceci est clairement une violation de l’Article 100 du code des collectivités. Ainsi, à travers ces accords, ce qui a été dénoncé par l’opposition pendant cinq ans de parfaitement illégale a été accepté au nom du partage du pouvoir. Aujourd’hui, toutes les 342 communes urbaines et rurales sont dirigées par des délégations spéciales illégales, mais non dénoncées par l’opposition parce qu’étant partie prenante.
Le troisième acte correspond aux accords politiques du 12 octobre 2016. En effet, avant de faire sa proposition de modification du mode de désignation des chefs de quartier et de district, l’Honorable Damaro Camara a commencé par faire remarquer que si le débat se cristallise autour des chefs de quartier et district, c’est parce que tout le n’y est pas. Autrement dit, tout le monde n’a pas ses chefs de quartier et de district. On se rappelle que dès que les sièges sur les délégations spéciales ont été répartis entre certains partis de l’opposition et la mouvance, tout le monde s’est tu.
Cette introduction de l’Honorable Damaro, qui a implicitement rappelé le principe cardinal du « New Deal Guinéen » (le partage du gâteau), le consensus a été obtenu. Ainsi, au point deux des accords du 12 octobre 2016, il apparaît, entre autres, que :
« 14. Les parties au Dialogue ont pris acte de la complexité et des difficultés liées à l’organisation des élections dans les 3763 quartiers et districts du pays.
- Au regard de cette complexité, les parties au Dialogue recommandent que:
- Le conseil de quartier/district soit composé au prorata des résultats obtenus dans les quartiers/districts par les listes de candidatures à l’élection communale;
- Le Président du conseil de chaque quartier/district soit désigné par l’entité dont la liste est arrivée en tête dans ledit quartier/district au scrutin communal.
- A cet effet, les parties au Dialogue invitent l’Assemblée Nationale à procéder en conséquence à la révision du code électoral lors de la session budgétaire 2016. »
Depuis le 23 février 2017, l’Assemblée Nationale à procéder effectivement à la révision du code électoral conformément à ces derniers accords politiques.
Certains propos tenus par l’Honorable Damaro Camara, lors de la plénière de la dernière session extraordinaire, ne devaient pas passer inaperçus. En effet, dans son explication du vote, l’Honorable Damaro a appelé, à plusieurs reprises, à des années sabbatiques. Selon lui, ce sont des années au cours desquelles il ne devait pas y avoir d’élections. Il a insisté particulièrement sur le cas de l’année 2018. Or tout le monde sait que 2018 est l’année de renouvellement du mandat des députés. Ni durant la plénière ni après, nous n’avons entendu un commentaire de la part d’un député de l’UFDG rejetant un tel appel.
Ce qui permet de faire une hypothèse : puisque les deux formations alliées se partagent l’essentiel du parlement, les seules élections dont on semble se soucier désormais sont des communales. C’est à ce niveau seulement où tout le monde ne se trouve pas. Dans cette hypothèse, les élections législatives de 2018 et la présidentielle de 2020 pourraient indéfiniment être reportées. Ça serait une répétition de l’histoire guinéenne pour le parlement, et un scénario à la congolaise pour la présidentielle. Il suffirait pour le Président Alpha Condé de concéder la primature à l’UFDG, et le partage est parfait. C’est cela la menace que fait peser le Deal sur l’avenir démocratique de la Guinée sur la construction d’un Etat de droit.
Tout le monde aura été averti !
Nanan Appindrin
(Jacques-Roger)
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