Je ne reculerai pas (Par Tierno Monénembo)

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Depuis quelques jours, des Etats-Unis, de France, du Sénégal, de Côte d’Ivoire, du Mali et d’ailleurs, des bonnes âmes soucieuses de ma liberté et de ma vie m’adressent des messages d’alerte : il paraît que ma vie est en danger. Je devrais me méfier, baisser le ton, adoucir mes propos et peut-être même quitter le pays.

Eh bien non, je ne me méfierai pas, je ne baisserai pas le ton et surtout, surtout, surtout, je ne quitterai plus jamais mon pays sauf pour les besoins d’une conférence, d’un Salon du Livre ou d’un check-up médical. Je ne viens pas de Haute-Volta moi, je suis d’ici moi. Mon père est enterré au cimetière de Coléah, ma mère, à celui de Dixinn, mes aïeux reposent à Porédaka.

Déjà, à la fin des années 60, ceux de ma génération avaient commis la grave erreur de fuir le régime bestial de Sékou Touré. Aujourd’hui encore, le pays entier continue d’en payer le prix. Les dictatures, on ne les fuit pas, on les confronte, on leur crache dessus, on les abat. Cette magistrale leçon de l’Histoire, je l’ai parfaitement assimilée à présent. Je ne reculerai plus jamais devant un despote. La liberté a un prix et ce prix, je suis prêt à le payer comme l’ont déjà fait nombre de nos compatriotes.

Je pense aux centaines de morts qui jalonnent les deux mandats du sinistre Alpha. Je pense aux dizaines de disparus, aux milliers de prisonniers politiques. Je pense en particulier à Ousmane Gaoual, Sékou Koundouno, Chérif Bah, Etienne Soropogui Oumar Sylla, Saïkou Oumar, Ismaël Condé, Souleymane Condé et les autres. Je pense à vous tous vaillants patriotes guinéens qui croupissez dans les geôles d’ Alpha Condé pour avoir refusé de renoncer à votre dignité de citoyens. Je m’incline humblement devant votre foi et votre bravoure.

Les Guinéens en ont jusque-là. Ils sont tous prêts à mourir pour recouvrer leur liberté. Ils sont prêts à consentir les sacrifices qu’il faut, cela prendra le temps que cela prendra. Ils savent que le despotisme est déjà derrière eux. Le régime archaïque d’Alpha Condé n’est que le dernier maillon d’une espèce en voie de disparition. Après 62 ans de chaos absolu, ils savent qu’ils sont près du but : c’est pour bientôt, le soleil de la liberté, le jour de la concorde et du bien-être collectif.

Pour ma part, non seulement je ne quitterai pas le pays, mais je suis prêt à mourir. Rien de plus beau que de mourir pour la liberté ! Il y a des moments où la plume ne suffit pas. Il y a des moments où l’écrivain doit abandonner sa table de travail pour descendre dans l’arène. Le romancier ne doit pas se contenter de prendre la parole, il doit aussi prendre la rue, se tapir dans les tranchées ou se jucher sur les barricades.

« Un poème dans la poche, un fusil dans la main », disait d’ailleurs mon ami congolais, Emmanuel Dongala. De Garcia Lorca à Paul Eluard, de Tahar Djaout, à Ken Saro Wiwa, c’est quand le poète tombe sous les balles des barbares que la littérature prend tout son sens. Et qu’est-ce que la littérature sinon, ce bataillon armé de mots qui depuis la nuit des temps occupe les avant-postes du combat pour la liberté : liberté d’être, liberté de penser, liberté de dire, liberté d’aller et de venir, liberté de créer, liberté de rêver.

Non, je ne reculerai pas. Non, je ne me méfierai pas. Non, je ne n’adoucirai pas mes propos. Je continuerai vaille que vaille à dire merde à ce régime de merde.

Advienne que pourra !

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Froto Mougou
Froto Mougou
3 décembre 2020 16:32

A plus de 70 ans passés, qui se soucie d’un vieux grabataire proche de la mort ? Le gouvernement lui ne fera absolument pas l’honneur de se considérer comme martyr en Guinée. Voilà des gens qui complotent depuis plus de 50 ans contre la Guinée, Si non, Sékou Touré est mort depuis 1984, mais qu’est-ce tous ces intellectuels falots ont apporté par la suite à la Guinée, si non que la haine et la division. Incapables de servir leur pays, mais après tant d’années de pérégrinations et d’aventures ambiguës à travers le monde, ils n’y retournent que pour y être enterrés,… Lire la suite

KeitaM
KeitaM
2 décembre 2020 23:54

« A l’indépendance , nous avons eu des Mr DALMEIDA , Mr MENSA , Mt BATHILY ,
Mr KAPE DE BAGNA , Mme MARYSE Conde ….etc etc etc L’ENSEIGNEMENT n’ a pas de frontières »dixit Doyen Kaou Labe,

Je pense que ce n’est pas comparable ceux qui enseignent pour aider un pays qui vient d’arracher son indépendance et des gens qui abandonnent les siens pour enseigner les enfants des colons et autres arabes à des fins pécuniaires.
Heureusement qu’on a des intellectuels guinéens qui ont compris cela, c’est le cas du Pr Banou BARRY.

Africain
Africain
1 décembre 2020 21:04

@Comolom,

On peut ne pas être d’accord avec Monenembo et on n’est pas obligé; mais il reste une fierté dans le monde de la littérature.

Par ailleurs avec les temps qui courent, certains sont en prison pour moins que ce que Monenembo dit de ce pouvoir. Il y a donc bien un risque qu’il se trouve en prison.
Et on ne le reprochera pas le fait de « chanter » cela, par ce qu’on ne peut pas reprocher à un écrivain et qui de surcroit un pigiste à ses heures perdues.

BADOU
BADOU
30 novembre 2020 20:26

Thierno, tu es une fierte pour nous, les prix que tu as glanés le prouvent à suffisance. Il faut etre un idiot pour traiter les peuls de la facon dont certains notamment en Guinée, l’un des pays les plus arrieres du continent dans des combats d’arriere garde ethnique.Les peuls, ce grand peuple de nomades et pasteurs se deplacaient des côtes du Sénégal aux côtes du Soudan sur la mer rouge jusqu’en Afrique de l’est et Afrique centrale. Peuple subtil et intelligeant composé de millions d’individus au travers de pres de 20 pays, a produit enormement de references en tous les… Lire la suite

Kaou Labe
Kaou Labe
30 novembre 2020 19:13

 » seul en Guinée on peut étudier avec l’ argent de ll’ état pour servir un autre pays  » @ Me KeïtaM ,
a l’indépendance , nous avons eu des Mr DALMEIDA , Mr MENSA , Mt BATHILY ,
Mr KAPE DE BAGNA , Mme MARYSE Conde ….etc etc etc .
L’ENSEIGNEMENT n’ a pas de frontières et on s’en fiche de NATIONALISME DÉSUET .

KeitaM
KeitaM
30 novembre 2020 13:37

C’est bien beau d’aller servir les autres nations pour ensuite revenir au bercail et se faire héros ou martyr. Oui là, il n’a plus d’énergie pour enseigner, ni pour travailler avec le salaire le plus bas de sous région. Seul en Guinée, on peut étudier avec l’argent de l’Etat ( jusqu’au lycée voire boursier de l’Etat à l’étranger) pour servir un autre pays, un autre peuple. Sur ce plan, je préfère même des Cellou Dalein qui utiliseraient l’argent du peuple pour servir ce même peuple. Comme le disait Youssouf Bangoura ici, il y a peu d’exilés politiques guinéens, mais beaucoup… Lire la suite

Kaou Labe
Kaou Labe
30 novembre 2020 07:51

 » nous preferons un un Venant de l ‘afrique de l’ouest qu’un descendent ethiopien  »
@ Comolam ,
Mais TOUS LES HOMMES viennent d’ ETHIOPIE ! M
Puisque tu ne le sais pas , Google it , bro , au moins !
Cesse de faire tout le temps  » Le KOMODJO  » du site !
QUESTION :
Différence entre UN venant de l’ Afrique de l’ouest (LOL )et UN d’Ethiopie ?
Question pour un  » Champion  » , LOL !

Baren SOUMAH
Baren SOUMAH
30 novembre 2020 01:50

@ Comolam,
1. « NOUS » c’est qui ?
2. Seriez-vous d’accord que l’on rappelle toujours l’origine du père de Alpha Condé qui est né en Haute-Volta (actuel Burkina-Faso)? Alpha Condé est un guinéen de la première génération.
3. Tierno Monénembo est une référence, un héro et un écrivain à succès de la Guinée. Une de ses plus grandes fiertés. Aucune insulte ne peut changer cela.
On peut ne pas partager ses opinions mais il est un Grand de ce pays.

Comolam
Comolam
29 novembre 2020 23:06

Je ne sais pas, qui peut en vouloir à un bon n’a rien, un intello communautariste, qui vit dans ses rêves ethno, tu ne représente rien politique en Guinée, nous préférons un venant de l’Afrique de l’Ouest qu’un descendent éthiopien, toujours à la recherche d’identité des gens!

Mory Sylla
29 novembre 2020 17:45

Personne n’a besoin de vous tuer.
Vous n’êtes candidat à rien.
Continuez a écrire vos livres et poèmes.