Le Mandingue et sa diaspora

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Évaluation de l'article

La République du Mali, appelée autrefois le Soudan occidental, avec une superficie de 1 240 000 Km2 est le berceau du peuple mandingue. Pour retracer le cheminement de ce peuple à travers l’histoire, il faut d’abord examiner le contexte géographique et culturel qui a servi de point de départ pour les grands bouleversements sociaux dont il a été l’objet et qui ont marqué toute la sous-région.

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Etat d’Afrique occidentale, le Mali est bordé au nord et au nord-est par l’Algérie, à l’est par le Niger, au sud-est par le Burkina, au sud par la Côte d’Ivoire, au sud-ouest par la Guinée et le Sénégal et à l’ouest par la Mauritanie. C’est un pays très vaste (plus du double de la superficie de la France), enclavé, et qui est situé dans sa majeure partie dans la zone sahélienne et même saharienne. Le nord et le centre appartiennent au Sahara et à sa bordure et comptent principalement une population de Sahéliens, blancs, nomades (Maures, Touareg). La partie sud, plus arrosée est celle qui nous intéresse le plus puisque c’est là que vivent les noirs, dont principalement les Mandingues qui font aujourd’hui l’objet de notre étude. Dans cette partie sud, nous allons distinguer aussi la zone nord-ouest vers la frontière avec la Mauritanie, la zone du centre-ouest, la zone du centre-est et celle du sud-ouest vers la frontière avec la Guinée et le Sénégal.

 

La famille mandingue est constituée principalement des Soninké, Soussou, Djallonké, Bambara, Dioula, Kpelle, Vai, Mindé, Malinké, Busa, Mano, Dan et Gouro. A l’origine voici comment étaient réparties ces populations sur la partie sud du territoire actuel de la République du Mali. Au nord-ouest, et précisément vers la frontière entre le Mali et la Mauritanie, se trouvaient les Soninké, encore appelés communément Sarakollé ou Marka. Ils sont les fondateurs de l’Empire du Ghana, l’un des premiers empires ouest-africains dont la capitale était la légendaire Koumbi-Saleh. Au centre-ouest, il y avait d’autres groupes soninké comme les Soussou, les Djallonké, les Kpellé (Guerzé), les Loma (Toma). Dans le centre-est, il y avait les Mano, les Dan, les Busa, les Gouro, les Mwa, les San et les Bobo. Au sud et sud-ouest, vers la frontière avec la Guinée et celle du Sénégal, Jusqu'à la frontière avec la Côte d’Ivoire, se trouvait le Mandé occupé principalement par les Malinké, les Bambara et les Dioula.

 

On voit donc que la famille mandingue était composée de plusieurs rameaux dont chacun avec son dialecte et son système de croyances et de valeurs. C’est ainsi que les premiers auteurs qui ont écrit sur les mandingues racontent qu’au début, ils étaient tous « idolâtres, et que bien avant l’introduction de l’Islam, beaucoup adoraient les animaux et les astres. Pour certains groupes, « le lamantin était à la fois leur bon et mauvais génie ». C’est ainsi que les divers cultes ont donné plusieurs grandes familles :

 

1 – le caïman, Bamba ou bamman a donné les bammana que le français a déformé en bambara ;

2 – l’hippopotame ou mali a donné les Malinké qui comprennent les Malinké proprement dits, les Tagoua et les Kagoro ;.

3 – le serpent ou sama d’où l’on a fait les Samokho et qui habitent les rives du Niger ;

4 – l’éléphant ou sama a créé le nom générique de Samaké.

 

Chaque famille a son histoire. Les tribus portaient toutes un nom selon le ou les fétiches qu’elles adoraient.

 

C’est un chercheur du nom de M. Binger qui dans son œuvre intitulée « Du Niger au golfe de Guinée » a donné les noms des principales familles et les branches et dérivés de la race mandingue :

1- Famille des Bamba (caïmans)

 

a) Familles royales

 

Kouroubari Massa-si, Kouroubari Kalari, Kouroubari Danila, Kouroubari Mana, Kouroubari Mou Siré, Kouroubari Sira, Kouroubari Bakar, adorateurs des calebasses fêlées et souvent le chien. Diara Kounté, Diara Fissanka, Diara Barlakho, adorateurs du lion, du chien et du lait de fauve. A noter que Coulibaly est la déformation en Français de Kouroubari.

 

b) Familles de forgerons

 

Konéré ou Koulankou, Sokho, Dambélé, Traoré, Niakané, Mariko, adorateurs du bandoungou (arbuste), du singe vert et du chien. On rattache à cette famille : les Samakés (homme de l’éléphant) avec les Touré, les Sissé (Cissé), et les Traoré. Aussi les Sa ou Samokho (serpent) avec les Kouloubari et les Sakhodokho.

2- Famille des Mali (hippopotame) dite Malinké

 

a) Familles royales

 

Keita (Konaté), Koita, Bakhoyokho, Kamara (Camara), adorateurs du rat palmiste et de la panthère.

 

b) Autres familles

 

Kourouma, Cissokho, adorateurs du rat palmiste et de la panthère.

 

c) Famille des griots

 

Kouyaté, Diabakhaté, Doumbia (Doumbouya), Dioubaté, adorateurs de l’iguane.

3- Les Malinkés ont donné naissance aux Kagoro et aux Tagouara

 

Les Kagoro comprennent :

 

1 – les Toungara (Tounkara), les Magaza, et les Touré ; ils ont pour fétiches le serpent boa, le rat des champs et le serpent trigonocéphale ;

2 – les Tagouara ont donné : les Traoré, les Diarabason, les Konné.

 

4- Famille des Soninké

 

Les Soninké, les Dioula, les Soussou (Sosso) et Djallonké. Ces groupes ont du se scinder très tôt. Les Soninké ont pris le nom de Sonni, leur nouveau roi. Les Dioula signifient couche ou souche du trône. Les Soussou et Djallonké ont suivi la fortune de leurs chefs. Les Soninkés ou Sarakhollés ou Sérékhollés ou Marka se divisent en Bakiri, Sissé (Cissé), Diabi (Diaby), Doukouré, Kaba, Sillé (Sylla), Sakho, Niakhaté (Naité), Diaouara (Diawara).

 

LES LANGUES

 

Les langues mandingues ont toujours été considérées comme une branche divergente de la grande famille linguistique du Niger-Congo bien que cette classification soit toujours controversée. Certains spécialistes dont Joseph Greenberg ont suggéré que c’est aux environs de 7000 ans avant notre ère, que la grande famille linguistique du Niger-Congo a commencé à se scinder. Les langues mandingues se seraient détachées de la grande famille autour de cette époque. En 1854, S. W. Koelle a identifié dans son ouvrage « Polyglotta Africana » 13 langues comme appartenant à la famille mandingue. Mais il a fallu attendre Maurice Delafosse en 1901, dans un ouvrage célèbre intitulé « Essai de manuel pratique de la langue mandé ou mandingue » pour répartir les langues mandingues en deux groupes : les fameux Manden Tan et Manden Fou. Cette classification serait due au fait que les groupes mandingues du Nord utilisent Tan pour le nombre 10 and ceux du sud utilisent Fou pour 10, dans leur système de numérotation de 1 à 10. En 1924, L. Tauxier poussera l’analyse encore plus loin en identifiant un troisième groupe, les Manden Bou qui eux utilisent Bou pour 10. Tous les spécialistes qui se succéderont après confirmeront cette dernière classification. Et en 1958, un chercheur spécialiste du nom de Welmers publiera un article « The Mande languages » où il distingue trois groupes : le groupe du nord-ouest (Manden Tan), le groupe du sud (Manden Fou) et celui de l’est (Manden Bou).

 

Pour comprendre le mécanisme par lequel tout ce système est né, il faut citer ici un passage écrit par un auteur de l’époque coloniale :

 

« Chez la plupart des peuples, la numérotation est quinaire et décimale. On dit : un, deux, cinq, cinq et un (6), cinq et quatre (9), dix, dix et un (11), dix et cinq et un (16), etc.…Les Ouoloffs, les Sérères, les Foulas, les Landoumas et Timnés, les races soussous sont dans ce cas. Dans le centre africain, les N’Dris comptent aussi par cinq et dix. Chez d’autres peuples, la numérotation est quinéraire et vigésimale et on compte : cinq et un (6), dix et cinq et un (16), vingt dix (30), vingt dix et un (31) etc. Les Diolas de la Casamance et les peuples Dedji et Mina calculent ainsi. Les Papels, les Bijougots et les Balantes sembleraient au contraire compter par six et par douzaine. De même que les peuples arabes et tous ceux qui se sont servis de la numérotation par dizaine, comme les européens, il existe certains peuples qui, sans avoir encore souffert du contact arabe comptent aussi par dix, comme les Mina, les Laka, les Mosgou (de l’Oubangui), les Kou Mboutti, les Babira des forets équatoriales du Congo et les mandingues de l’Afrique Occidentale. Enfin d’autres peuples encore, comme les Bambara comptent par dix, mais ils s’arrêtent à quatre-vingts et disent ensuite quatre-vingts et vingt (100), etc. »

 

Pour revenir maintenant aux fameux Manden Tan, Manden Fou et Manden Bou, il y a là une difficulté pour ceux qui essaieraient de ramener ces concepts à un nationalisme trop étroit. S’il est vrai que les Soninké qui se trouvent au nord, nord-ouest utilisent Tan pour dix (ils disent Tanmu), les malinkés qui eux se trouvent au sud, utilisent aussi Tan pour dix. Et à partir de vingt, ils comptent par dix. Les dioulas, eux, comptent par vingt à partir de vingt. Les Soussou qui se trouvent au centre, sont effectivement au sud de Wagadou des Soninké et utilisent le terme « Fou » pour dix. Est-ce à dire maintenant que les malinké du Mandé ont été fortement influencés par les Soninké du nord à cause des échanges commerciaux importants entre le Mandé et l’empire du Ghana des Soninké du nord, contournant le kaniaga des Soussou ? Y a-t-il eu des déplacements de populations ? Que s’est-il réellement passé ? Quant aux Kpelle et Loma (Toma) on a vu qu’ils n’étaient pas à l’est mais plutôt au centre-ouest et au sud de Wagadou. Les groupes mandingues de l’est sont principalement les Dan (Mano Dan), les Busa (Samo Busa), les Guro, les Mwa et le terme Manden Bou s’appliquerait plus à ceux-ci. Il y a là une complexité qu’il faut comprendre et qui échappe à toute simplification de la part de ceux qui veulent utiliser ces concepts à des fins purement ethnocentriques. Ce qui est sur c’est que de grands spécialistes comme Maurice Delafosse ont commis des erreurs graves en étudiant les mandingues tels qu’ils se présentaient à lui au début de la période coloniale, sans tenir compte des phénomènes de migration et des déplacements de population. Dans la vision de Maurice Delafosse, les Soussou du Rio Pongo, du Rio Nuñez sont au sud alors que les Malinké et les Soninké se trouvent au Nord. C’est une vision très réduite puisque quand on veut étudier une société, on doit l’examiner d’abord à partir de son habitat originel.

 

LA DISPERSION

 

Avant d’aborder la dispersion proprement dite, il est utile à ce point d’apporter deux précisions très importantes : premièrement, le Mandé à cette époque se résumait essentiellement à la région au sud de Kaniaga des Sosso, aux environs de l’actuelle ville de Bamako jusqu’à la frontière guinéenne. Il faut signaler ici et cela est important, que c’est une petite partie du Mandé qui se trouvait au delà de la « frontière », sur le territoire actuel de la république de Guinée. Et c’est là précisément que se trouvaient les mines de Bouré, le lieu d’où provenait l’or qui servait aux échanges entre les nomades venus du nord et les Soninké de Wagadou. C’était donc un lieu stratégique, tenu secret et jalousement gardé par les troupes guerrières et menaçantes de l’empire du Ghana et de ses états vassaux du Mandé dont le principal était le royaume de Kangaba, lieu d’origine de la famille de Soundiata Kéita. Cette région était donc très peu habitée et seules les personnes travaillant dans les mines pouvaient s’y aventurer au risque de se faire arrêter ou tuer. Deuxièmement, certains groupes de la famille mandingue comme les Djallonké, se sont détachés très tôt du tronc commun pour aller chercher fortune ailleurs et s’adonner à l’agriculture, leur activité principale. On a vu que les Djallonké se sont installés au Fouta-Djallon en repoussant les Baga et autres petites ethnies qu’ils avaient trouvé en place. Avant de réussir un brassage culturel et ethnique très poussé avec les Peul païens (Poulis) arrivés eux aussi dans leur foulée.

 

La bonne fortune des Soninké a duré aussi longtemps que l’empire du Ghana a exercé sa domination sur les états et les peuples de la région. Mais lorsqu’en 1076, le Ghana fut détruit et sa capitale Koumbi-Saleh fut saccagée par les almoravides, les Soninké commencèrent à se disperser dans toute l’Afrique de l’ouest, se retrouvant dans des endroits ou ils parvenaient parfois à créer d’autres royaumes ou entités politiques.

 

Ce phénomène de dispersion des Soninké s’accentuera avec la prise de Koumbi Saleh par Soumaoro Kanté, le roi des Sosso qui se livrera aussi à toutes sortes d’exactions. Il faut dire qu’une inimitié mortelle existait entre le puissant roi des Sosso et les Soninké de Ghana (Wagadou). Ces derniers voyaient en Soumaoro comme un roi cruel, pillard, fétichiste qui entravait le commerce entre le Mandé et Wagadou d’une part et entre Wagadou et les tribus maures et arabes du nord, d’autre part. Soumaoro Kanté quant à lui, voyait les Soninké comme des esclavagistes éhontés sans scrupules et qui servaient aussi de relais à la nouvelle religion musulmane qu’il abhorrait tant. Soumaoro Kanté n’avait aussi que du mépris pour les roitelets du Mandé qui avaient refusé de le rejoindre pour combattre les esclavagistes soninké. Dans cette lutte à mort pour l’avenir de la région, Soumaoro Kanté gagnera la première manche. Il saccagera non seulement koumbi-Saleh, la capitale des Soninké mais il vaincra et mettra à mort au moins neuf (9) rois du Mandé, poussant les autres à s’enfuir. Comme pour prouver sa puissance et son invincibilité, il fit accrocher à l’entrée de sa forteresse (tata) les cranes des rois qu’il avait fait décapiter.

 

La revanche viendra plus tard et elle sera terrible. Désespérés, les Soninké feront appel à tous leurs alliés dont principalement les Peul (leurs alliés naturels et de toujours) et les maures et arabes avec qui ils avaient entretenu un commerce florissant. Ils contactèrent Soundiata Kéita, un jeune prince du royaume de Kangaba qui s’était réfugié avec sa mère dans la province Soninké de Mema. On mit à sa disposition une puissante armée composée de nombreux alliés pour aller combattre le redoutable Soumaoro. La suite, on la connait puisque Soumaoro Kanté sera vaincu et disparaitra à jamais. Son armée mise en déroute sera pourchassée et réduite à néant. Sosso sera rasée à terre et toutes les cases furent brulées. Kaniaga avait cessé d’exister !

 

Cette éclatante victoire en 1235, qui a résonné à travers les temps jusqu’à notre époque aura pour conséquence immédiate le départ des Sossoé (Soussou) de la scène mandingue. Dans notre précédent article, « Le déferlement des Soussou vers la côte atlantique », on a vu comment les Sossoé se sont infiltrés d’abord au Fouta-Djallon ou ils comptaient rejoindre leurs anciens voisins Djallonké, avant de réaliser qu’ils devaient continuer leur route à cause de la forte densité de la population due à la présence des Peul et des Djallonké. On a vu aussi que d’autres groupes de Soussou durent se résigner à contourner les massifs montagneux du Fouta-Djallon pour aboutir dans les régions bordées par le Rio Nuñez et le Rio Pongo, ou ils fondèrent l’un des plus importants royaumes Soussou, le royaume de Thia.

 

Les Bambara (Bamana) quant à eux, étaient en perpétuel mouvement, résistant et fuyant l’armée mandingue composée d’alliés musulmans qui cherchaient coute que coute à les convertir à l’Islam. Les Bambara résistèrent si bien qu’ils furent les seuls parmi les mandingues à échapper au nouvel ordre social qui était entrain d’être mis en place. Certains historiens soutiennent d’ailleurs que le nom « Bamana » qui leur fut attribué voulait simplement dire « ceux qui refusent d’être soumis ». Il a fallu attendre le grand conquérant toucouleur El Hadj Oumar Tall qui à partir de 1860, soumettra tous les royaumes bambara dont le principal, Ségou ou il laissera son fils et successeur Ahmadou avant de disparaitre à son tour dans les grottes de Bandiagara, à l’issue d’une bataille qu’il avait perdue contre les peuls du Macina.

 

Selon tous les récits qui nous sont parvenus, on a vu que Soundiata Kéita accédera au pouvoir après la bataille de Kirina en 1235. Et il sera proclamé empereur (Mansa) au cours d’une cérémonie pompeuse et officielle dix ans après, faisant ainsi du petit royaume de Kangaba, le centre de gravité du nouvel empire de Mali dont les chroniqueurs et autres voyageurs ont tant parlé. Mais ce qui nous intéresse ici le plus, c’est que l’un des premiers actes de Soundiata Kéita fut de déplacer sa capitale Niani à l’intérieur maintenant de la frontière guinéenne, dans une région que les excavations et fouilles ont prouvé être la région de Mandiana, en République de Guinée. Selon les historiens, trois raisons auraient poussé Soundiata Kéita à prendre cette décision. La première raison est due au fait que le héros de Kirina voulait se mettre à l’abri contre d’éventuelles attaques de ses adversaires et aussi des fréquentes razzias des maures et marocains qui avaient repris de plus belle après la défaite de Soumahoro Kanté. La seconde raison s’explique par le fait que Soundiata Kéita avait jugé qu’il était opportun de se rapprocher des mines de Bouré, la principale source de richesses de l’empire. La troisième raison est liée à l’importance que donnait Soundiata Kéita à l’agriculture. Il était donc à la recherche de terres plus fertiles, des plaines immenses ou on pouvait cultiver tout ce que les sujets de l’empire avaient besoin. Tous les historiens qui se sont penchés sur la question s’accordent à dire que Soundiata Kéita donna un essor considérable à l’agriculture en terre mandingue. On rapporte que c’est lui qui aurait introduit la culture du coton, des arachides, des papayes et la pratique de l’élevage. Ce sont ces décisions assez novatrices pour l’époque qui ont encouragé les populations du Mandé à se déplacer vers le sud et occuper lentement et progressivement les régions qui forment aujourd’hui la Haute-Guinée. Nous sommes au 13e siècle.

 

Soundiata mourut en 1255, vingt ans après la bataille de Kirina. Une tradition rapporte qu’il serait mort au cours d’une bataille avec un chef peul du Wassoulou. Il y aurait péri, noyé dans le Sankarani, et se serait transformé en hippopotame (Mali), totem des Kéita. La mort de Soundiata Kéita ne fut point un frein au rayonnement de l’empire du Mali. Au contraire, ses successeurs dont le plus illustre fut Mansa Moussa ou Kankou Moussa, contribueront à l’expansion et à la renommée de l’empire et à la consolidation du pouvoir des Malinké sur les autres races mandingues. Mais les fréquentes invasions et les problèmes de succession qui se posaient de plus en plus fréquemment contribueront à affaiblir l’empire. Les princes vassaux en profiteront pour renforcer leur pouvoir.

 

Les provinces Songhay de la boucle du Niger, enrichies par le grand négoce transsaharien, furent les premières à conquérir leur indépendance et à s’agrandir aux dépens de l’empire mandingue. En 1450, les armées de l’Etat Songhay prirent Niani et brulèrent la ville. Celle-ci fut reconstruite par la suite à plusieurs reprises, mais ravalée par la suite au rang de simple village d’un royaume qui n’avait plus rien de l’empire déchu.

 

Après la chute de l’empire du Mali, qui avait entrainé la disparition de toute forme d’Etat, le pays mandingue ne connut plus de grande formation politique. Il faudra attendre Samory Touré pour que se reconstitue un nouvel empire et que revivent les traditions étatiques. Pendant plusieurs siècles, l’organisation politique la plus large reposa sur le Kafou ou canton, regroupant plusieurs villages et formant des petites principautés. Le chef du Kafou portait le nom de Mansa, comme les souverains du Mali. Après le déclin de l’Empire, les migrations malinké se poursuivirent jusqu’au 17e siècle, se concentrant sur trois provinces : le Baté (Kankan), le Hamana (Kouroussa) et la région de Siguiri. La société malinké, islamisée en partie pendant l’empire, avait retrouvé ses traditions animistes, à l’exception de commerçants Dioula et des Malinké Mory (marabouts) du Baté qui maintinrent une pratique de l’islam. Kankan, fondée au 17e siècle par des marchands venus de Diafounou, devint la capitale du Kafou de Baté, dirigé par de grands marabouts, dont Alpha Kabiné Kaba, et un grand centre commercial entretenant des relations avec le Fouta.

 

Pour terminer, nous allons maintenant dire un mot sur les Mindé (Mende en Anglais) de Sierra Leone et du Libéria que certains confondent aux Malinké. Ils sont plus nombreux en Sierra Leone qu’au Libéria. Ils constituent le deuxième groupe le plus important de la Sierra Leone après les Temnè, considéré comme le groupe autochtone. Les Mindé constituent un des rameaux de la grande famille mandingue et comme les Djallonké, ils se seraient détachés très tot aussi du tronc commun. La tradition orale des Mindé rapporte que leur migration du territoire mandingue s’est faite de manière progressive, lente mais surtout pacifique, allant du 3e siècle au 16e siècle (200 à 1500 de notre ère). On les retrouve principalement au sud et à l’est de la Sierra Leone jusque dans la foret libérienne. Au début, leur territoire était assez réduit mais il s’est progressivement élargi, atteignant la cote atlantique après des guerres et conflits avec des populations comme les Sherbro et les Vai qu’ils finiront par absorber.

 

Diallo Thierno Sadou

Références:

  • Davidson, Basil: « The African past: Chronicles from antiquity to modern times », London: Longmans, 1964.
  • Delafosse, Maurice: « Les Noirs d’Afrique », Payot & Cie, Paris, 1922.
  • Delafosse, Maurice : « Essai de manuel pratique de la langue mandé ou mandingue », Paris, E. Leroux, 1901.
  • Devey Malu Malu, Muriel : « La Guinée », Editions Karthala, Paris, 2009, 240 pages.
  • El Fasi M. et Hrbek I.: « Africa from the seventh to the eleventh century », Heinemann, California, UNESCO.
  • Ki-Zerbo, Joseph « Histoire de l’Afrique noire, d’hier à demain”. Paris, Hatier 1978
  • Koelle, S.W.: « Polyglotta Africana », A comparative vocabulary of nearly three words and phrases in more than one hundred distinct African languages, Akademische Druck U Verlagsam, 1980.
  • Madrolle, Claudius : « En Guinée », Paris, Librairie H. le Soudier, Paris 1895.
  • Niane, Tamsir : « Soundjata ou l’épopée mandingue », Paris, Présence Africaine, 1960.
  • Tauxier, Louis : « Le noir de Boundoukou, Koulangos, Djoulas, Abrous », Paris, Larose 771 pages.
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