Violence conjugale : une question de perception ou manque de volonté politique de l’état guinéen ?

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Violence conjugale, harcèlement sexuel, mariage précoce sont interdits par la législation guinéenne et tout comme le droit international. Et pourtant la femme guinéenne  continue de nos jours à être victimes de ces violences avec un regard complaisant de l’état guinéen. Car les autorités guinéennes peinent à mettre  en œuvre cette interdiction, malgré l’existence des moyens légaux pour mettre fin à des violations d’un droit humain fondamental: le droit à la vie et à l’intégrité physique et morale tel que consacré par l’article 6 de la Constitution.(1). De même, plusieurs dispositions du code pénal  prévoient des poursuites  judiciaires contre les auteurs d’actes de violence conjugale, notamment dans ses articles 295 à 305 relatifs aux coups et blessures.

Mais le plus grand problème en Afrique et surtout en Guinée réside dans le refus, de leurs applications  et de changement des mentalités, pour que les choses  s’améliorent dans nos sociétés.

Ces problèmes ne sont certes pas propres à l’Afrique ou à la Guinée. Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé sur la violence faites aux femmes dans le monde, une femme sur trois, dans le monde, a déjà subi de la violence physique ou sexuelle de la part de son partenaire intime (2). Pas étonnant lorsque nous avons un appareil d’Etat défaillant comme c’est le cas en Guinée, avec des hommes aux idées rétrogrades, misogynes sans aucun respect pour la vie de la femme.

La suite logique de ce genre de violence est naturellement le meurtre, comme ce fût le cas de cette jeune fille assassinée par son mari en Guinée cette semaine (lire). Malheureusement 38 % des femmes assassinées dans le monde le sont par leur conjoint ou ex-conjoint. En Guinée, une enquête nationale réalisée en 2013 révélait que la prévalence de la violence conjugale était de 85% pour l’ensemble du pays : « environ 8 femmes sur 10, déjà mariées ou en union libre, ont été victime de violence de la part de leurs  maris ou de leurs partenaires intimes ».(3)

 Et pourtant ces comportements violents dans nos sociétés doivent cesser, car la violence conjugale, est un  rapport de domination; des rapports de pouvoir des hommes sur les femmes, qui s’inscrivent dans les structures de la société patriarcale. Une société patriarcale ne doit pas être synonyme de violence. Et c’est pourquoi il est impératif de se battre pour l’épanouissement d’une société égalitaire en Afrique et en Guinée. Car lorsque nous sommes dans une relation égalitaire c’est presque impossible qu’il y ait de la violence.

Due  entre autre à l’inégalité des sexes, à certaines traditions rétrogrades, aux défaillances étatiques, cette pratique doit cesser dans nos sociétés, car il y va de l’intérêt général de nos sociétés et il faut surtout arrêter de considérer la jeune fille comme un poids pour la famille et que leur bien-être n’est pas une priorité.

Le changement des mentalités est pour ce faire impératif. Et la seule façon de changer les mentalités et les comportements est d’effectuer un travail d’éducation sur le terrain tout en ciblant les jeunes, pour leur montrer dès l’école ce que sont les relations égalitaires, mais aussi les couples, dans des « écoles de maris où les époux peuvent notamment discuter de l’importance de la communication conjugale.

En parallèle L’État a surtout un rôle primordial à jouer pour interdire ces comportements qui considère les violences conjugales comme une affaire privée par exemple et assurer une protection aux victimes. Cela passe par la formation d’un appareil policier et judiciaire adéquat, car si le corps policier n’est pas formé à la violence conjugale, s’il ne croit pas les femmes, s’il considère que ce n’est pas grave de battre sa conjointe, ce comportement ne sera pas criminalisé. Et malheureusement la plupart des hommes de tenue réagissent ainsi.

 La route pour les changements de normes et des rôles de genre est longue et prend certes du temps comme ce fût le cas en Europe , mais est faisable »,. C’est surtout une question de volonté politique et de moyens financiers.

Madame la ministre de l’action sociale guinéenne voilà un cas majeur qui devrait faire l’objet d’une campagne de sensibilisation, car vous manquez de visibilité. Wassalam !

Vivement l’épanouissement de la femme guinéenne et repos éternel à la sœur Tounkara.

Aissatou Cherif BALDE, Hamburg

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(1)  Article 6. L’être humain(…) a droit la vie et à l’intégrité physique et morale. Nul ne peut être l’objet de tortures, de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants. (…).

(2)  Ce rapport de l’OMS révèle aussi des disparités géographiques : parmi les femmes agressées par un partenaire intime, 37,7 % vivent en Asie du sud-est, 37 % en Méditerranée orientale et 36,6 % en Afrique (https://www.marieclaire.fr/,1-femme-sur-3-dans-le-monde-victime-de-violences-conjugales,2610410,694517.asp)

(3)  Rapport national sur l’élimination et la prévention des violences à l’égard des femmes/filles https://www.undp.org/content/dam/guinea/docs/whatwedo/women-empowerment/rapport-national-vbg-2013.pdf

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Laure Karcher
Laure Karcher
24 juin 2019 20:15

Très bon article, Mme Baldé. Mis à part ces violences, l’application des lois dans tous les domaines pose problème. La formation est importante, mais j’ai l’impression que cela ne suffit pas. Soit on ignore les lois tout bonnement, soit les procédures sont longues et compliquées, il n’y a pas de justice de proximité. L’accès à la justice n’est pas facile qu’il s’agisse de l’administration(qui parfois ne s’occupe pas des plaignants) ) ou des tribunaux (les tribunaux sont débordés). Récemment, un groupe de femmes leaders de l’Union du Fleuve Mano (RTG), s’en est plaint auprès du Premier ministre. Les gouvernements (dont… Lire la suite