Affaire OGD, retour sur l’arnaque juridique d’un vrai procès politique ?(par Haroun GANDHI)

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OGDIntro – J’ai lu récemment, que dans le dossier Ousmane Gaoual Diallo (OGD), tout le monde avait fait appel et que l’affaire allait bientôt repasser en jugement devant la Cour d’appel. Ce sera l’occasion de demander au procureur de nous rappeler la procédure, et notamment le fait que le deuxième dossier d’OGD est susceptible de passer rapidement, alors que sa première affaire, qui date depuis plus d’un an, n’est toujours pas programmée.

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Ce sera donc l’occasion de rappeler aux Guinéens la définition de l’indépendance de la justice, notamment lorsque le procureur préjuge du zèle d’un juge « indépendant » dans cette deuxième affaire – c’est le juge et non le procureur, qui inscrit un dossier au rôle (autrement dit qui décide du jour de l’audience) -, et du sommeil profond d’un autre juge dans le premier dossier.

 

Cela me donnera aussi l’occasion de revenir sur ce dossier, pour avoir évoqué la possibilité d’une flagrance dans cette affaire. Je me dois de revenir commenter la décision finale, qui s’apparente finalement davantage à un vrai procès politique tout autant qu’à une vraie arnaque juridique.

 

Quelques préalables

 

Il convient de rappeler que mes commentaires se basent évidemment sur les comptes-rendus qui sont faits par nos journaleux, ces derniers ne s’attachant qu’aux éléments spectaculaires et simples de compréhension, et par forcément sur les arguties juridiques ou les éléments de procédure, propres pourtant à éclairer le fond du dossier. Je ne prétends donc pas qu’il s’agisse de la réalité, car les journaleux n’ont pas la rigueur nécessaire pour analyser les situations juridiques en détail, se contentant souvent de relayer la parole gouvernementale, sans recul. Mais, il fallait néanmoins éclairer les internautes sur les tenants et aboutissants de cette nouvelle affaire tordue.

 

Une fois ces précautions prises, il conviendra de rappeler la notion de flagrance pour constater l’arnaque du procureur, entérinée par le juge, ce qui aboutit à faire de ce dossier un vrai procès politique. Ceux qui font confiance à la justice guinéenne pourront toujours dire que le dossier n’est pas clos, et qu’elle a donc encore l’occasion de se racheter en appel.

 

Des précédents peu encourageants

 

On se rappelle pourtant que dans l’affaire précédente d’OGD, puisqu’il n’y avait pas de plainte, il n’y aurait pas dû avoir d’affaire. Un procureur peut certes poursuivre un individu, même si la victime retire sa plainte. En revanche dans ce genre d’affaire (coups et blessures involontaires), il ne peut pas se saisir d’office de l’affaire sans la plainte de la victime. Or un Officier de Police Judiciaire (OPJ) ou un procureur s’était auto-saisi via une enquête de flagrance, d’où la raison pour laquelle OGD avait fait appel du jugement de condamnation. On comprend la lenteur pour laquelle cette procédure décriée ne soit pas détaillée publiquement, ce qui permet au procureur de l’utiliser à sa guise par la suite et selon ses propres considérations.

 

Par ailleurs, on pourra quand même examiner succinctement l’autre aspect du dossier (le délit d’outrage) même s’il n’avait pas lieu d’être vu l’absence de flagrance, avant de faire quelques précisions sur d’autres aspects (récidive, sursis et auto-saisine) permettant de bien fixer les choses et éviter d’autres digressions un peu fantasques lues ici et là.

 

Je reconnais qu’il n’a pas toujours été aisé de simplifier les concepts (et la longueur du texte), mais la destination de ce papier a vocation à être plus large.

 

La notion de flagrance

 

On l’a vu précédemment, retenir ou pas la flagrance a une importance essentielle sur le contenu du dossier, car sans flagrance, l’immunité parlementaire ne peut être levée que par l’Assemblée Nationale, et dans l’hypothèse de non flagrance, la procédure n’aura pas été respectée. Il convient donc d’évoquer l’article 50 du Code de Procédure Pénale (CPP), avant d’analyser les arguments des uns et des autres et la solution à retenir, non sans avoir rappelé les nombreuses confusions (volontaires ?) à l’origine du litige, et ayant conduit chaque partie à faire appel.

 

Le droit

 

L’article 50 du CPP stipule en effet que : « est qualifié crime ou délit flagrant, le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou délit.

 

Est assimilé au crime ou délit flagrant tout crime ou délit qui même non commis dans les circonstances prévues à l’alinéa précédent a été commis dans une maison dont le chef requiert le Procureur de la République ou un Officier de Police Judiciaire pour le constater.

 

Est également soumise à la procédure du flagrant délit, toute infraction correctionnelle, passible d’une peine d’emprisonnement qui, à la suite d’une enquête officieuse, ne paraît pas devoir faire l’objet d’une instruction préalable, en raison soit des aveux de l’inculpé, soit de l’existence de charges suffisantes ».

 

Le flagrant délit est donc la situation connue où une personne est prise sur le fait au moment de son infraction (voire immédiatement après) ou en possession d’indices démontrant sa participation à l’infraction. Cela ouvre alors une enquête de flagrance1.

 

Définie par les articles 50 à 72 du CPP, la flagrance est donc une notion juridique qui distingue certains cas particuliers, où même la police peut utiliser la force contre vous sans agir dans le cadre d’une procédure rogatoire, c’est-à-dire sous l’autorité d’un juge d’instruction.

 

Les arguments des uns et des autres

 

À partir de cette définition, les avocats de la défense ont tenté de montrer que le délai (lequel ?) était passé, mais sans préciser de quel délai il s’agissait.

 

Les avocats de la partie civile soutiennent au contraire que la flagrance a bien lieu, dans la mesure où l’assemblée hebdomadaire de l’UFDG n’est pas une activité qu’on retransmet directement à la radio nationale, et qu’il a fallu un temps (combien ?) pour que leurs 3 clients soient informés des propos tenus par OGD. Mais surtout ils précisent que puisque le député a reconnu les faits (d’outrage), les faits sont constitués (ce qui permet d’évacuer la réponse sur la flagrance).

 

Mohamed Sampil par exemple, avocat de la partie civile, dira que les faits reprochés au prévenu relèvent bien du flagrant délit, car il n’y a pas une définition exacte du temps entre la commission de l’infraction (le délit) et la saisine du procureur.

 

De même le procureur de la république a affirmé qu’il y avait bien flagrance puisque les faits ont été constatés dans « un temps très voisin de l’action » (comme indiqué dans l’article 50 du CPP précité), mais là encore, sans préciser de délai ou de temps précis.

 

Le procureur affirme et assume d’avoir demandé à la police judiciaire d’ouvrir une enquête… sans préciser à quel moment. En outre, dans ses réquisitions entièrement tournées vers le délit d’outrage, il a passé sous silence (volontairement ?) la justification de la validité de la flagrance.

 

À titre de conclusion partielle sur les différents arguments évoqués, il convient d’abord de préciser qu’il existe 2 affaires différentes dans le même dossier, et la flagrance – si flagrance il y a – ne s’applique pas de la même manière au délit éventuel d’outrage au chef de l’État, et à une diffamation éventuelle contre les 3 membres du RPG.

 

Bref tout le monde a tourné autour du pot, mais sans donner de précision, ce qui est grave et scandaleux, parce qu’encore une fois, on ne prouve pas que le délai (durée ?) ait été dépassé ou respecté.

 

Or dès lorsqu’on fait omission du droit (y a t-il ou pas flagrance ?) pour ensuite se pencher sur un autre volet de l’affaire (le délit d’outrage), on viole la loi. Or retenir ou pas la flagrance a une importance essentielle sur le contenu du dossier, car comme cela a été rapporté maintes fois, sans flagrance, l’immunité parlementaire ne peut être levée que par l’Assemblée Nationale, et même s’il ne faut pas se faire d’illusion sur la solution qu’aurait retenue cette dernière, le droit doit être respecté, surtout par ceux qui sont chargés de le faire appliquer.

 

Pour résumer, s’il n’y a pas de flagrance, la poursuite telle qu’elle a été engagée n’était pas possible, la garde à vue devient illégale et il n’y avait pas d’affaire sous cette forme.

 

Or le pire, c’est que la flagrance ne sera nulle part justifiée, puisque même le juge en prononçant une peine… pour le délit d’outrage, a implicitement reconnu la flagrance, car sinon il n’y aurait pas eu de procès. Et s’il est vrai que la preuve définitivement constituée ne peut être que le fait du juge du TPI, il doit se prononcer selon une intime conviction, et doit néanmoins la motiver (article 420 du CPP), ce qui n’a semblé être le cas… que pour le délit d’outrage.

 

On comprend donc aisément pourquoi OGD a fait appel. On comprend un peu moins le procureur, sauf à politiser à l’extrême ce dossier (mais attention à ne pas se brûler les ailes, car le zèle…), et on ne comprend pas du tout la partie civile, qui a été pourtant complètement entendue dans ses exigences.

 

Finalement la flagrance, qu’en est-il en réalité ?

 

La partie civile avait raison de rappeler que l’article 50 du CPP ne prévoit pas explicitement de délai pour constater la flagrance, contrairement à l’enquête de flagrance.

 

Il convient de rappeler la confusion qui existe souvent chez les internautes entre le flagrant délit au sens strict (la prise du coupable sur le fait) et la découverte plus ou moins immédiate d’un crime ou délit grave dont l’auteur est inconnu, et à propos duquel des mesures très urgentes doivent être prises, et même avec l’enquête de flagrance, d’où le renvoi à un papier très instructif de notre compatriote Ibrahima Sory Makanéra2.

 

Or cette confusion rend difficile le fait que l’hypothèse de flagrant délit concerne la constatation de l’infraction et n’implique pas que l’auteur soit forcément surpris sur le fait. Ce cas n’existe d’ailleurs que lorsque la police est informée à l’avance d’une infraction et prépare une surveillance, de manière à procéder à un « flagrant délit » au sens propre. Cela concerne également la commission d’une infraction faite en présence d’un agent de la force publique, qui se trouverait là par hasard. En dehors de ces cas précis de flagrant délit « réel », il existe pourtant ce que l’on appelle l’infraction réputée flagrante.

 

Pour rester clair et ne pas être trop technique au risque de ne plus être compris, je ne ferai pas la distinction entre l’infraction flagrante, l’infraction réputée flagrante et l’infraction assimilée à une infraction flagrante, mais je distinguerai 3 situations de faits distinctes permettant à la police (et non au seul procureur) de pouvoir déclencher une enquête de flagrance, parce qu’elle nous concerne tous directement.

 

Pour qu’un OPJ puisse déclencher une enquête de flagrance de son propre chef, il faut que :

 

  • le crime ou le délit soit commis sous ses yeux (simultanéité entre la commission de l’infraction et sa constatation par la police). On rappelle que l’infraction flagrante est selon l’article 50 du CPP, celle qui « se commet actuellement » ou celle qui « vient de se commettre ».
  • le crime ou le délit vienne d’être commis et des traces ou indices mènent la police sur la piste de ce crime ou délit (par exemple une victime qui porte plainte).
  • l’auteur présumé du crime ou du délit est, dans un temps très voisin de l’action, soit poursuivi par la clameur publique3, soit est trouvé en possession d’objets, soit présente des traces ou indices laissant penser qu’il a participé à l’infraction4.

En outre, il faut que la situation réponde à 3 conditions :

 

  • l’enquête doit porter sur un crime ou un délit puni d’emprisonnement (ce qui est le cas, puisque le délit d’outrage est puni par l’article 232 du Code Pénal qui prévoit jusqu’à 5 ans d’emprisonnement).
  • l’infraction ou l’indice de celle-ci doit être apparent ou l’OPJ doit en avoir connaissance par dénonciation (par exemple la déclaration d’un co-auteur recueillie par procès-verbal).
  • le délai écoulé entre la commission de l’infraction et sa constatation doit être nul, infime ou réduit… ce qui laisse une certaine marge d’interprétation. Et comme aucun texte ne précise les délais qui doivent être respectés entre la commission des faits et, soit la connaissance des faits, soit l’ouverture de l’enquête, soit l’interpellation de l’auteur, ce sont les tribunaux qui dans la pratique, ont estimé que la flagrance existe encore 24 heures après la commission d’un délit, voire de manière très exceptionnelle 2 jours après les faits. Donc même si le délai est laissé au pouvoir discrétionnaire des juges du fond, il ne peut dépasser 24 à 48 heures.

24/48 heures maxi, voilà le délai impératif admis dans la pratique par les tribunaux (on rappelle qu’il n’existe aucun texte qui le prévoit), pour considérer qu’il existe bien une flagrance. Sans acte (procès-verbal) dans une continuité allant de 24 à 48 heures, la flagrance s’éteint et doit laisser place à l’enquête préliminaire, mais avec des droits moindres5.

 

La preuve de la flagrance, hypothèses ?

 

En principe, le constat de la flagrance résulte de la perception par l’OPJ, d’un ou de plusieurs indices objectifs laissant présumer sa commission actuelle ou immédiatement antérieure de nature à permettre l’ouverture d’une enquête de flagrance génératrice de la contrainte destinée à poursuivre l’administration de la preuve (article 50 du CPP).

 

Cependant cette perception doit l’entraîner à une réaction immédiate, dictée par une qualification d’infraction d’une extrême rapidité. Le ou les indices objectifs ainsi recueillis permettent d’élaborer, même rapidement, une présomption de fait destinée à induire, selon une vraisemblance objective, qu’un délit flagrant se commet.

 

C’est ainsi que ce recueil d’indices va assurer la saisine de la police judiciaire et, corrélativement, celle de l’autorité judiciaire.

 

Cependant la police n’ayant pas assisté à l’Assemblée Générale de l’UFDG, dans ce cas, comment a t-elle fait pour constater un délit éventuel ?

 

  • par une dénonciation de la victime, mais comment le PRG qui n’y assistait pas non plus l’aurait su ? Il ne faut pas confondre un aveu de commission d’infraction et une rumeur.
  • par une déclaration d’un co-auteur ? OGD est le seul auteur de l’éventuel délit d’offense.
  • par un aveu d’OGD ? Ce n’est pas ce qui semble avoir eu lieu au niveau de la police (PM3), mais c’est pourtant à partir de cette déposition que le procureur va mettre en œuvre l’article 50 alinéa 3 (voir ci-après).

Il est vrai que la flagrance n’impliquait nullement l’évidence du délit ou de l’imputation de celui-ci à OGD (que l’enquête consécutive devait concrétiser ou infirmer). L’apparence autorisait une intervention policière à partir d’indices caractérisant une réalité objectivement vraisemblable, à l’exception de la dénonciation anonyme.

Donc qui a porté plainte ou a dénoncé des faits ayant abouti à l’ouverture d’une enquête ? Car au final, l’un des problèmes de droit consiste à savoir quelle est la preuve indiquant que le délit d’outrage a été commis en flagrant délit.

 

Enfin un délai clair

 

Certains juristes s’étaient exprimés un peu vite sur l’absence de flagrance, puisque les propos d’OGD ayant été prononcés à l’Assemblée Générale de l’UFDG le samedi 30 Juillet, et sa convocation ayant eu lieu le 2 Août, soit 3 jours après, ils en avaient conclu l’inexistence d’un flagrant délit.

 

Ceci étant, cela restait prématuré, et c’est la raison pour laquelle j’avais indiqué qu’il y avait flagrance, sans préciser de conditions toutefois, ne voulant pas donner d’arguments probants au procureur, au vu des conditions de la première affaire OGD. Il existait peut-être un PV dans le délai des 24 à 48 heures, qui justifiait la flagrance et la convocation du député au PM3.

 

En effet le procureur avait pu décider de la flagrance le jour même (30 Juillet), le lendemain, voire le surlendemain et lui seul savait à quel moment il avait pu éventuellement solliciter une enquête de flagrance de la police. En fait il était le seul, avec l’OPJ éventuellement, de savoir à quel moment la flagrance avait débuté. Ni les commentateurs, ni moi, qui ne pouvions rapporter que ce que nous avions lu, pouvions en déterminer la date de départ. A priori, la convocation du 2 Août pouvait être la conséquence normale d’une procédure commencée plus tôt, mais n’impliquait pas forcément le départ du délai.

 

Aucun juriste, digne de ce nom ne pouvait donc, sans même avoir entendu l’OPJ et/ou le procureur, affirmer que la procédure de flagrance n’existait pas.

 

Enfin on a eu l’info et on vient de comprendre une procédure confuse

 

À l’occasion du procès proprement dit, a fortiori après le jugement, on a pu se rendre compte malheureusement, que le procureur n’avait nullement justifié, de manière claire et précise, à quel moment il avait déclenché la procédure de flagrance. Tout se passe comme si cette notion n’avait été invoquée que pour se passer de l’autorisation du Bureau de l’Assemblée Nationale à lever l’immunité du député et à tenter d’humilier un député critique (qu’on se rappelle son premier dossier, toujours non clos).

 

En effet, il fallait se poser la question de savoir quel était le premier acte d’enquête, puisque la convocation au PM3 semblait attester que nous étions en enquête de flagrance, déclenchée par un OPJ (pas de commission rogatoire). Or la convocation constitue t-elle ce premier acte, ou n’est-il que la conséquence d’un constat précédent d’une infraction flagrante ? Il faut effectivement savoir que le délai de l’enquête ne commence pas à courir à compter de la date de la commission de l’infraction mais à compter du premier acte d’enquête. Or aucune explication n’a été donnée à ces questions, qui conditionnent pourtant la validité de la flagrance, donc du dossier.

 

En dehors de simples affirmations péremptoires du procureur, on n’a rien vu, si ce n’est cet « aveu » consistant à dire que la flagrance a débuté avec la déposition au PM3 d’OGD, soit 3 jours après les faits. En effet, ce n’est qu’ultérieurement, lors d’une conférence de presse du jeudi 18 Août dernier, que le procureur indiquera : « j’ai articulé sur le fondement de l’article 50 alinéa 3, qui dit que je peux poursuivre par la voie de la flagrance les infractions correctionnelles pour lesquelles existent des charges suffisantes. Lorsque j’ai reçu la transcription, j’ai lu, j’ai trouvé la charge suffisante dans les propos tenus par Monsieur Ousmane « Gaoual » Diallo au siège de l’UFDG le 30 Juillet. Par conséquent, j’ai choisi de poursuivre par la voie de la flagrance ».

 

Cela signifie donc clairement que la flagrance n’était pas constituée, puisque le procureur avoue avoir décidé de la flagrance 3 jours après les faits, uniquement à partir de la déposition d’OGD au PM3 (qui ne reconnaissait d’ailleurs même pas les faits à ce moment !!!).

 

La procédure ayant été de ce fait violée, ce procès s’est finalement apparenté, comme je le disais au départ, à un vrai procès politique du fait d’une vraie arnaque juridique.

 

Quelques commentaires complémentaires

 

Sur le délit d’outrage vu par les différentes parties

 

Les avocats d’OGD ont évoqué les infractions préalables de Bantama Sow, Hady Barry et Malick Sankon. Il est vrai que leurs scandaleuses déclarations précédentes, que je ne rappellerai pas ici, constituent des délits potentiels, mais personne n’a porté plainte (et cela est nécessaire, le procureur ne pouvant se saisir d’office). De même Issa Camara a commis des violences à Mali, mais personne n’a porté plainte. Enfin Alpha Condé lui-même a commis un délit en se rendant au siège du RPG, mais personne n’a porté plainte.

 

Le juge chargé de l’affaire OGD ne peut statuer que sur l’affaire qui lui est soumise.

 

Sauf erreur de ma part ou mauvais compte-rendu, on comprend mal pourquoi Mohamed Sampil avocat du RPG a dit que les demandes de la défense sont maladroites – jugement de valeur -, car si tel était le cas il devrait s’en réjouir, à moins qu’il ne veuille toiser ses confrères. Mais à l’inverse lorsqu’il dit qu’il va contester le jugement alors que ses clients ont demandé le franc symbolique et qu’ils l’ont obtenu, je laisse à chacun le soin de d’évaluer sa propre demande. Il affirme qu’on ne peut pas insulter le chef d’État et s’en sortir ainsi. Mais qui est-il cet avocat, disant représenter les 3 RPGistes, ainsi que le RPG (donc 3 ou 4 personnes ???) mais qui n’est pas concerné par le délit d’offense au PRG ? Il mélange absolument tout, celui qui veut faire la morale aux autres. Au lieu de vouloir donner des leçons de droit (lesquelles d’ailleurs ?) à Mohamed Camara, Mohamed Sampil ferait mieux de réviser les siennes.

 

Il est clair que sur le fond du dossier, OGD a raison, puisque Alpha Condé est un criminel (responsable en tant que Ministre de la défense, des assassinats par les gendarmes, de manifestants), qui viole en outre régulièrement la constitution. Mais OGD affirme qu’il n’est pas possible actuellement de porter plainte contre le PRG puisque la Haute Cour de Justice n’existe pas. On n’ose pas imaginer qu’il n’y a pas de lien de cause à effet entre les crimes présidentiels et l’absence de Haute Cour de Justice. Il reste néanmoins possible de porter plainte à la Cour de Justice de la Cedeao (pour les violations constitutionnelles notamment), car la

 

Haute Cour de Justice est réservée aux cas de trahison, ce que ne sont pas toutes les violations constitutionnelles6.

 

Il est donc particulièrement saugrenu de voir un procureur qui poursuit un député déclarant qu’Alpha Condé est un criminel. Que se passera t-il pour ce procureur, lorsque Alpha Condé sera effectivement poursuivi pour crimes ?

 

Enfin lorsqu’OGD déclarait que le procureur était un homme politique déguisé en magistrat, on ne peut lui donner tort lorsqu’on relève le lapsus de ce dernier demandant au président du tribunal « de ne pas annuler cette procédure dans laquelle je maintiens les poursuites pour délit de flagrance7». Puisqu’il n’y a pas flagrance, cela prouve la mauvaise foi des poursuites. Quant au « délit de flagrance », sic – il faut bien trouver une raison de poursuivre quelqu’un !!! – il s’apparente au délit de « sale gueule ».

 

Enfin le Procureur n’a même pas honte de vouloir imposer son « immunité virtuelle », en insultant le prévenu, indiquant qu’il devrait être pendu, ce qui est un jugement personnel qu’un procureur représentant la société et non des intérêts personnels, n’a pas à exprimer. Une fois de plus, nos magistrats demandent aux autres de ne pas faire ce qu’ils font eux-mêmes !!! Je rappelle que la responsabilité personnelle des magistrats peut parfaitement être mise en jeu… mais plutôt à Abuja qu’à Conakry. Je m’irrite d’ailleurs que des Guinéens restent passifs face aux abus de langage des procureurs (qui font pourtant montre de zèle en poursuivant ceux des autres – le délit d’offense par exemple) et de pouvoir.

 

Quelques précisions rapides sur quelques notions

 

Concernant différentes notions évoquées par des internautes, à savoir le sursis, la récidive et les mesures d’ordre public, les règles sont très claires et ne nécessitent pas de différencier les sursis, d’autant que la récidive ne peut être prise en compte, puisque le précédent jugement n’est pas définitif. Quant aux mesures d’ordre public (auto-saisine du procureur), il faut une plainte des intéressés.

 

Conclusion : que faire maintenant ?

 

D’une certaine manière, je peux comprendre l’UFDG, qui dit que la justice guinéenne n’est pas à l’écoute et rejette même des plaintes. Je voudrais néanmoins faire 2 remarques. En premier lieu, les plaintes qui n’ont pas de chance de prospérer doivent être faites à Abuja (Cedeao) où la justice est véritablement indépendante. En outre, il ne faut pas hésiter à porter plainte après une telle affaire contre les 3 RPGistes pour leurs propos, car la justice ne pourra plus les juger différemment, sous peine de prouver – une fois de plus – le 2 poids, 2 mesures.

 

 

Gandhi, citoyen guinéen

 

« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace ». (Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, Mai 1791)

 

1 En France, l’enquête de flagrance peut se poursuivre sans discontinuer pendant une durée de 8 jours, voire se prolonger pendant une durée maximale de 8 jours supplémentaires ; 10 jours en Guinée dans l’article 63 alinéa 4 du nouveau Code de procédure pénale.

2http://leguepard.net/2016/08/07/quand-le-parquet-de-conakry-au-grand-complet-confond-le-flagrant-delit-et-lenquete-de-flagrant-delit-par-makanera-ibrahima-sory

3 « Au voleur, au voleur » est souvent l’expression – mais pas la seule – qui caractérise la clameur publique.

4 De tels indices de comportements délictueux peuvent inclure la fuite d’un individu à la vue de la police ou la forte odeur de cannabis ressentie lors d’un contrôle routier par exemple.

5 L’enquête de flagrance menée sous le contrôle du procureur, autorise la réalisation d’un certain nombre d’actes à caractère coercitif, comme par exemple la perquisition, la saisie, l’audition de témoins, la garde à vue, etc.).

6 Selon l’article 119 de la Constitution : « il y a haute trahison lorsque le Président de la République a violé son serment, les arrêts de la Cour constitutionnelle, est reconnu auteur, coauteur ou complice de violations graves et caractérisées des droits humains, de cession d’une partie du territoire national, ou d’actes attentatoires au maintien d’un environnement sain, durable et favorable au développement ».

7http://mediaguinee.org/2016/08/12/procureur-de-republique-ne-condamnant-m-ousmane-gaoual-vantera-discours-victoire-justice

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