Beny Steinmetz : «Nous voulons coopérer avec l’Etat, puisque nous voulons travailler en Guinée. Mais dans un climat de confiance…»

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GBK Le milliardaire israélien, dont le groupe minier BSG est visé par une enquête anticorruption en Guinée, contre-attaque dans une interview à L'Opinion en se disant victime de manœuvres orchestrées par le chef de l'Etat guinéen et par le financier George Soros.

{jcomments on}Les faits – Le milliardaire israélien Beny Steinmetz, né en 1956, qui a fait fortune dans le diamant, contrôle avec sa famille le groupe qui porte son nom actif dans les mines et l'énergie, mais aussi l'immobilier et les marchés de capitaux.

Pourquoi parlez-vous maintenant ?

Parce que je suis choqué et en colère, suite à la parution d'articles dans certains médias français qui ont relaté de fausses informations concernant notre groupe. Ces articles s’inscrivent dans une campagne de désinformation organisée qui vise à salir ma réputation, celle de ma société et mon nom. Certaines accusations sont tellement graves et ridicules à la fois qu'elles m’obligent à réagir aujourd’hui. De mon point de vue, c’est la goutte qui a fait déborder le vase. J’ai d’autre part chargé Me Richard Malka de défendre nos intérêts en justice face à des accusations infamantes et qui ne reflètent en rien la réalité.

La goutte d’eau que vous évoquez, ce sont les rumeurs de tentative de coup d’Etat contre le président Alpha Condé ?

Je suis un homme d’affaires qui ne fait pas de politique. J’ai 57 ans, je travaille depuis 35 ans, notre groupe travaille partout dans le monde, et nous n’avons jamais eu le moindre problème, nulle part. Ma réputation et celle de mon groupe sont impeccables. Pour la première fois, je suis confronté à toutes ces rumeurs, parce qu’Alpha Condé veut voler nos avoirs et les distribuer à ses amis ! Les accusations élevées contre nous par le Comité technique de révision des contrats miniers qu’ils ont mis en place à Conakry sont toutes fausses. J'observe d'ailleurs que certains médias en France et en Afrique confirment aujourd’hui ce que beaucoup soupçonnaient depuis longtemps, c’est-à-dire les manœuvres et magouilles d'Alpha Condé.

Que répondez-vous à Alpha Condé, qui vous a accusé le 3 octobre de fomenter la déstabilisation de la Guinée ?

Le comportement d'Alpha Condé est irresponsable et indigne d’un chef d’Etat. Tout cela est totalement faux ! Il n'y a là qu'une manœuvre médiatique à des fins exclusivement politiques.

Etes-vous totalement étranger à tout ce qui peut se passer sur le plan politique aujourd’hui en Guinée ?

Absolument. Nous travaillons dans plus de 20 pays ! Nous ne nous mêlons jamais de politique. BSGR a un projet que nous voulons mener à son terme c'est tout.

Avez-vous rencontré Alpha Condé, qui n’avait apparemment pas d’hostilité contre vous au début ?

Je l’ai vu à deux reprises. La première fois avec nos associés, tout de suite après son investiture, et quelques semaines plus tard afin de comprendre quels étaient ses griefs contre nous. Mon groupe a investi beaucoup d'argent et nous avions tout intérêt à ce que les choses se passent bien avec lui. Malheureusement, j'ai compris très vite que nous allions rencontrer de sérieux problèmes et qu'Alpha Condé, afin de pouvoir financer son élection, avait « troqué » nos actifs à l’avance, à un groupe sud-africain. Dès son arrivée au pouvoir, il s’est retourné contre nous.

Etes-vous prêt à négocier directement avec lui ?

Je souhaite trouver une solution. Notre groupe a investi plus d'un milliard de dollars sur le terrain. Nous sommes dès lors toujours ouverts à une négociation qui permettra d'aboutir au développement de notre projet. Mais malheureusement, la bonne foi ne semble pas au rendez-vous et nous avons déjà pris 3 ans de retard.

Comment expliquez-vous que les accusations de Conakry ne visent que votre groupe, et pas Vale ou Rio Tinto ?

Parce qu’il a fait chanter Rio Tinto, juste après son élection, et que ce groupe a payé 700 millions de dollars ! Vale n’est pas concerné, car il est arrivé en 2010 en Guinée, alors que les accusations d’Alpha Condé portent sur la période antérieure. Quant à nous, nous sommes présents en Guinée depuis 2006. Nous avons obtenu une concession d’exploration minière à Simandou. Nous y avons investi 170 millions de dollars en un temps record. Puis nous avons vendu la moitié de nos parts pour 2,5 milliards de dollars à Vale, dont uniquement 500 millions ont été perçus à ce jour, le restant étant lié à des étapes de réalisations. Nous sommes victimes de notre propre succès. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir fin 2010, Alpha Condé s’est dit que nous étions une petite compagnie et qu’il parviendrait à s’approprier nos avoirs facilement, pensant que nous n’allions pas résister. Il a tenté de salir notre groupe en nous accusant d’avoir payé un dessous de table à une certaine dame. Nous n’avons rien à voir avec elle. Tous nos comptes et opérations sont transparents. Toute cette histoire est une pure invention. Voyant que les accusations de corruption ne tiendraient pas la route, on m’accuse maintenant de fomenter un coup d’Etat. C’est absurde.

Vous avez accusé George Soros, qui conseille le gouvernement guinéen, d’ourdir un complot contre vous. A-t-il des raisons de vous en vouloir ? Aviez-vous un contentieux initial avec lui ?

J’ai entendu dire qu’il m’en veut personnellement car en 1998, nous étions concurrents sur une affaire en Russie où mon groupe était alors très actif. Nous avons perdu ce marché qu’il a emporté. A l’époque j'étais très déçu de ce revers mais tout s’est effondré trois ou quatre mois plus tard en Russie et finalement Soros a perdu 1 milliard de dollars dans cette opération. C'est ridicule mais il m’en rend responsable. Les ONG qu’il soutient, comme Global Witness et Revenue Watch, dépensent beaucoup d’argent et de temps à enquêter sur notre groupe. Mais nous n’avons rien à cacher. J’espère que cette inimitié n’est pas liée au fait que je suis israélien.

Pourquoi Tony Blair, qui a envoyé ses équipes à Conakry pour conseiller le gouvernement guinéen dans la révision des contrats miniers, s’ingère-t-il dans ce dossier?

Je n’en ai aucune idée. Je ne me prononcerai pas car je ne sais pas ce que Tony Blair ou ses équipes font à Conakry.

Et Bernard Kouchner, qui aurait mis en relation Alpha Condé et George Soros ?

Je ne connais pas les liens exacts qui unissent Bernard Kouchner, George Soros et Alpha Condé. Je ne veux pas croire que M. Kouchner, ancien ministre des Affaires étrangères, puisse nous être hostile simplement parce qu’il est un ami proche de Condé et Soros.

Vous attendez-vous à être cité dans le procès de Frédéric Cilins qui doit s’ouvrir avant la fin de l’année aux Etats-Unis ?

Non, il n’y a aucune raison, car il n’a rien à voir avec nous. Tous les documents qui nous mettent en cause dans cette affaire ont été forgés de toutes pièces, probablement avec la complicité de proches du pouvoir. Il y a d'ailleurs des erreurs dans la datation des documents qui prouvent que ce sont des faux.

Votre partenaire en Guinée, le groupe brésilien Vale, est-il en train de vous lâcher ?

Pas du tout ! Nous sommes liés par des contrats et entretenons de très bonnes relations.

Ses dirigeants disent vouloir coopérer avec l’Etat guinéen…

Nous aussi, nous voulons coopérer avec l’Etat, puisque nous voulons travailler en Guinée. Mais dans un climat de confiance et avec des partenaires respectueux des lois internationales et des accords signés.

Quelles procédures légales allez-vous entreprendre ?

Le conseil d’administration prendra les mesures nécessaires pour faire valoir ses droits, qui sont des droits d’exploration et d’exploitation. Rien de plus, rien de moins. Alpha Condé a mis en place un soi-disant comité technique qui veut vérifier les conditions d’obtention de ce marché. Nous leur avons répondu. Qu’ils vérifient, nous sommes sereins ! La réalité est qu’aujourd’hui aucune grande entreprise n’est disposée à investir le moindre dollar en Guinée. Tout est gelé, depuis l'instauration par Alpha Condé, avec le soutien de George Soros, d'un nouveau code minier. Résultat, le climat est désormais hostile aux investissements miniers de grande envergure.

Quel était votre projet pour Simandou ?

Notre projet est bon. La seule solution était d’évacuer le minerai de Simandou par un corridor ferroviaire et portuaire qui passe par le Liberia. Le coût des infrastructures nécessaires est d’au moins huit milliards de dollars. Nous étions prêts à investir un milliard de dollars pour reconstruire le Transguinéen. C’était un cadeau pour la Guinée. Pourtant Alpha Condé, après son élection, a remis en cause le projet pour des raisons obscures. Un enregistrement récent fait clairement état d’une conversation qui expliquerait le mobile de cette campagne de diffamation contre nous. Alpha Condé aurait « troqué » nos avoirs contre un financement de sa campagne électorale. Il nous a menacés. Il nous a accusés de corruption. Mais nous avons suivi les procédures, investi de l’argent et obtenu ce contrat sans corrompre qui que ce soit.

Pourtant, en Afrique, dans le secteur minier, les entreprises sont souvent obligées de rémunérer des lobbyistes ou des intermédiaires…

Parfois, cela arrive. Nous avons constaté qu’aujourd’hui en Guinée, des petites entreprises peu connues et sans capacités techniques obtiennent des licences, décrets et autorisations pour la simple raison que des proches du pouvoir siègent au conseil d’administration. Nous, nous ne le faisons pas. En Guinée, nous avons fait le choix de financer des installations sociales, sportives et culturelles, des écoles qui bénéficient aux populations directement. Tous les accords que nous avons signés avec la Guinée ont été avalisés par le conseil des ministres. Préalablement, ils avaient reçu l'accord de comités interministériels. C'est peut-être parce que nous n’avons pas voulu jouer ce jeu-là qu’aujourd’hui, nous sommes attaqués de la sorte. Mais le droit est de notre côté et nous nous battrons jusqu’au bout pour le faire respecter.

Pascal Airault, Luc de Barochez et Nicolas Beytout

Source: L'Opinion

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